À l’approche de la présidentielle, le débat sur la précarité étudiante semble inexistant dans la campagne. Pourtant, la situation n’a jamais été aussi grave pour les jeunes et l’ignorance du gouvernement inquiète. Tour d’horizon des solutions à apporter.

Article Société
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publié le 29/11/2021 Par Lina Fourneau
Sous Macron, le gouvernement n’a pas su répondre à la précarité étudiante
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La queue pour les distributions alimentaires ne désemplit pas. À Paris, l’association Linkee distribue chaque semaine 18 000 repas à des étudiants dont la situation est plus que fragile. Et pour cause, la précarité étudiante n’a jamais atteint un point aussi alarmant.

Avec des étudiants déjà essoufflés par la hausse des prix des loyers et de la consommation, la crise sanitaire liée au Covid-19 a exacerbé la situation. Pire encore, l’inaction du gouvernement sur ce dossier n’a fait que rendre la précarité étudiante plus gravissime qu’elle ne l’était déjà.

Aucune mesure gouvernementale sous Macron

« Cette année, le coût de la vie pour les étudiants a augmenté de 2,50 % contre une inflation de 1,5 % pour le reste de la population, soit une évolution 67 % supérieure », remarque l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), dans son dernier rapport. En tout, les étudiants doivent supporter une hausse de 247,38 euros en moyenne de dépenses en plus par an. Et si la situation ne faisait qu’empirer ces dernières années, elle a bel et bien été laissée à l’abandon par le gouvernement du dernier quinquennat.

Sous Emmanuel Macron, note l’Unef, il y a eu une baisse d’environ 40 euros des aides directes pour les étudiants, avec une évolution du coût de la vie étudiante en hausse de 10,72 % ces cinq dernières années. En tout, le syndicat étudiant remarque un montant de 41,2 millions de coupures budgétaires lors du dernier quinquennat.

À titre de comparaison, le mandat de Nicolas Sarkozy avait vu l’instauration d’un dixième mois de bourses, en 2011, et François Hollande avait entrepris la réforme des bourses en 2013 et 2014. Ce dernier mandat avait également permis l’ouverture de la bourse à 100 000 nouveaux étudiants. Mais qu’importe, la fissure est assez grande et ces mesures ne suffiront pas à épargner les étudiants lors de la crise sanitaire.

« Une génération sacrifiée »

Pour comprendre l’ampleur du problème, nous sommes allés à la rencontre de Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine. Entre février et juillet 2021, il a présidé la mission d’informations sur les conditions de la vie étudiante en France, initiée par le sénateur Laurent Lafon (Union centriste).

D’après Pierre Ouzoulias, il existe de plus en plus de jeunes souhaitant se rendre à l’université et les étudiants prolongent de plus en plus leurs années post-bac. « Le problème ici est que l’État n’a pas répondu à la hausse du budget moyen par étudiant, surtout dans certaines grandes villes. Par ailleurs, il n’a pas pris en compte la hausse du nombre d’étudiants », estime le sénateur. Avant d’ajouter : « Malheureusement, aujourd’hui, nous sommes face à une génération sacrifiée ».

Mais comment expliquer l’ignorance de l’État ? D’après notre interlocuteur, il s’agirait, entre autres, d’une inaction du ministère de l’Économie et des finances, qui estime que « la démographie étudiante finira par se résorber ». Car aujourd’hui, les universités débordent et la crise sanitaire ne risque pas d’arranger ce problème.

« Nous avons fait le constat qu’avec la crise sanitaire, on avait un basculement de l’éducation vers le téléenseignement. En effet, c’est une facilité budgétaire. Mais on perd complètement le côté humain de la pédagogie. Ce n’est pas une solution pour désengorger les amphithéâtres », estime Pierre Ouzoulias.

Une bourse inadaptée

De plus, le rapport souligne un point plus qu’important : la course aux logements s’accélère et de plus en plus d’inégalités se créent face au manque de logements étudiants. D’après l’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires), il manquerait au moins 250 000 logements pour répondre à la demande étudiante. Et Pierre Ouzoulias de souligner : « Ce qui ne va pas, c’est la politique nationale ». Car en 2017, Emmanuel Macron avait promis 60 000 nouveaux logements étudiants, seuls 20 000 sont sortis de terre, précise l’Unef.

La solution ? Miser sur les collectivités pour « territorialiser les objectifs de construction de logements étudiants en fonction du nombre d’étudiants, des perspectives d’évolution de la démographie étudiante et du prix local de l’immobilier ». Ainsi, miser sur les villes pour aménager le territoire en fonction des étudiants permettrait plus d’amélioration quant à leur cadre de vie.

Mais le constat le plus important reste celui des bourses. Selon le rapport du Sénat, trop peu d’étudiants reçoivent une bourse adaptée à leur quotidien. « Ce qu’il faudrait, c’est une réforme des bourses. Il faudrait les ajuster selon les différentes situations locales, notamment pour le logement en région parisienne par exemple », précise Pierre Ouzoulias.

Même constat du côté de l’Unef, qui demande « l’augmentation des montants des bourses », ainsi qu’un « changement de critère permettant d’augmenter les bénéficiaires ». Car aujourd’hui, près de 75 % des étudiants restent non-boursiers, alors qu’un étudiant sur deux doit travailler à côté de ses études. Qui plus est, plus d’un tiers des boursiers ne perçoivent en réalité qu’une centaine d’euros par mois.

« À l’approche de la présidentielle, les candidats doivent comprendre cet enjeu majeur aussi bien social, qu’économique, mais aussi humain », souligne Pierre Ouzoulias. Avant de conclure avec regret : « C’est pourtant le parent pauvre de la campagne ».

Photo d'ouverture : File d'attente d'étudiants pour une opération de distribution alimentaire de l'association Linkee, Paris, 9 mars 2021 - Stéphane de Sakutin - @AFP

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