La mise en avant de tel ou tel groupe de « victimes » par les forces politiques recèle à la fois une forme de maternalisme et un mépris caché à leur égard. Elle témoigne aussi des profondes fractures qui traversent les sociétés occidentales en même temps qu’elle les accentue.

publié le 20/08/2025 Par Laurent Ottavi
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Le mot de « victime » faisait l’objet de peu d’occurrences dans les sociétés occidentales avant la fin du XVe siècle. Il est pourtant devenu omniprésent aujourd’hui, au point que des victimes concrètes atteintes dans leur intégrité se retrouvent noyées dans une masse informe ou réduites pour toujours à cette position.

La démocratisation du mot, comme pour bien d’autres termes contemporains, s’est accompagnée d’un renversement de son sens. Auparavant, il se rapportait étymologiquement au vaincu et au sacrifié, à celui qui était effacé pour l’honneur d’une divinité, au bouc émissaire qui fédérait la communauté, la victime est devenue, d’un certain point de vue, la gagnante des batailles mémorielles et politiques et ce à quoi la communauté se devrait de s’adapter. Désormais, est considérée comme victime toute personne jugée inapte à accéder à la majorité au sens des Lumières (entendement, raison, autonomie) ou qui serait injustement privée de reconnaissance, voire de droits.

La victime s’apparente même aujourd’hui à la divinité elle-même, tant sa critique vaut sacrilège. Il ne s’agit plus seulement de prendre en compte sa parole, de la respecter, de la libérer de la censure des regards et des injonctions. Il est de plus en plus question de mener une lutte contre quiconque la « mettrait en doute ». La fin justifie les moyens au prétexte qu’on « ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ».

Un contexte historique propice à la « victimisation »

La déchristianisation, et son lot « de vieilles vertus chrétiennes devenues folles » selon la fameuse formule de Chesterton, expliquent, pour partie, la nouvelle acception du mot de victime et sa fortune actuelle. La promesse évangélique selon laquelle les derniers seront les premiers continue d’infuser, sur un mode dégradé, ceux-là mêmes qui font profession de foi de déchirer les vieux récits monothéistes.

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