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C’était déjà le cas bien avant la Covid-19 : l’hôpital était en souffrance ! On se souvient des manifestations, des déclarations choc des membres du collectif Inter-Hôpitaux, et puis il y a eu la crise sanitaire… D’abord, à 20 h, on se mettait chacun à notre fenêtre pour les applaudir et puis… plus rien. Pourtant, la surcharge de travail a continué. La pandémie a fortement impacté leurs conditions d’exercice déjà difficiles.
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D’après une étude récemment publiée par la DREES, huit professionnels sur dix ne ressentent pas plus de reconnaissance envers leur dévouement qu’avant la crise. Or, les soignants pointaient déjà le manque de valorisation de leurs métiers dans leurs revendications. Pire encore, un membre du personnel sur deux ayant travaillé dans un service Covid a craint pour sa santé et seulement la moitié des salariés hospitaliers souhaitent poursuivre le même métier jusqu’à la retraite. Alors, quel avenir pour l’hôpital et surtout pour ceux qui y exercent ?
Si nous ne sommes toujours pas parvenus à bout de l’épidémie de Covid-19, l’hôpital, quant à lui, souffre d’une maladie chronique et ce, depuis de nombreuses années. Une pathologie passée qui s’étend inlassablement : les mauvaises conditions de travail des personnels qui y exercent et surtout leur désenchantement généralisé. Si la crise sanitaire a pu mettre en exergue pendant un temps le rôle majeur et le professionnalisme des membres du secteur hospitalier, cela n’a malheureusement pas abouti sur des mesures concrètes pour améliorer leur quotidien. « Nous faisons un métier formidable, mais dans des conditions déplorables ! », affirme Thierry Amouroux, président du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI).
« Beaucoup de professionnels avaient déjà l’impression de mal faire leur travail avant la Covid. »
Le poids des heures
Si les tensions au sein du secteur hospitalier étaient déjà très présentes avant la pandémie, elles sont devenues encore plus contraignantes pendant la crise sanitaire comme le montre sans détour l’étude de la direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES) sur le sujet. Selon cette enquête, entre le début de l’épidémie et l’été 2021, 54 % des personnels hospitaliers ont connu davantage de périodes inhabituelles de surcharge de travail contre 28 % de l’ensemble des salariés actifs en France. Or, dans ce domaine, l’intensité du travail était déjà importante.
En 2019, plus de la moitié des personnels jugeait sa quantité de travail excessive. « Il faut savoir qu’à présent les patients légers sont traités en ambulatoire. Par conséquent, ceux hospitalisés nécessitent un maximum d’actes techniques qui doivent être réalisés dans un minimum de temps. Beaucoup de professionnels avaient déjà l’impression de mal faire leur travail avant la Covid », explique Thierry Amouroux. Or, avec l’épidémie, les périodes de surplus de travail étaient encore plus fréquentes et ce d’autant plus pour la moitié des salariés qui ont exercé dans les services spécifiques aux patients atteints de Covid-19.
Au-delà des exigences en lien avec le surplus de travail, la surcharge a également été d’ordre émotionnel. Au vu de la situation sanitaire, il a fallu encore davantage soutenir les patients. Si certains métiers dont notamment les infirmiers et les aides-soignants sont souvent en contact avec la détresse humaine, là encore, la situation a exacerbé ce phénomène. Lors de la première vague en particulier, les visites des proches ont été réduites. Pour pallier cette absence des familles, 40 % des personnels hospitaliers rapportent avoir dû être plus présents auprès des personnes souffrantes au vu de la situation anxiogène. « Notre cœur de métier implique aussi une relation d’aide. Il faut parfois décoder le langage médical pour bien expliquer au patient ce qui est bon pour lui », souligne le représentant syndical.
19 % des personnels ont révélé avoir été poussés à poursuivre leur exercice alors qu’ils étaient des personnes contacts ou présentaient des symptômes de la Covid-19.
Les cordonniers toujours les plus mal chaussés ?
L’hôpital souffrait déjà de sous-effectif chronique en 2019, c’est pourquoi face à l’influence de patients « on a enchaîné les plans blancs. Ce qui signifie une multiplication des heures supplémentaires et des rappels sur les vacances », précise le soignant. Ainsi, toujours selon la DREES, plus d’un quart des personnels ont déclaré avoir été incité à repousser leurs congés.
Plus problématique : 19 % des personnels ont révélé avoir été poussés à poursuivre leur exercice alors qu’ils étaient des personnes contacts ou présentaient des symptômes de la Covid-19 (contre 4 % de l’ensemble des actifs), les personnels soignants ayant été, sans surprise, davantage confrontés à ce type de sollicitation. En outre, 7 % des salariés à l’hôpital estiment avoir été encouragés à ne pas prendre ou prolonger un arrêt de travail au vu des circonstances (contre 4 % si l’on se réfère à l’ensemble des actifs).
Ceci explique pourquoi 42 % des personnels ont craint que leur santé ne soit mise en danger, ce qui représente un nombre bien supérieur à celui se référant à l’ensemble des personnes en emploi. Parmi ceux exprimant cette appréhension, la quasi-totalité (89 %) a néanmoins poursuivi son exercice pour ne pas nuire ni aux collègues ni aux patients.
« On ne fait pas ce métier pour être technicien spécialisé dans une usine à soin. »
Manque de reconnaissance, excès de désenchantement
Lors de la première vague, face aux fortes tensions sur le système de soin, les messages de soutien adressés aux professionnels de santé se sont multipliés. Pourtant, les trois quarts des personnels de l’hôpital ne remarquent pas d’amélioration dans la reconnaissance de leur métier entre avant et après la crise sanitaire. Ainsi moins d’un salarié sur cinq estime que sa profession est davantage reconnue par la société, les métiers d’aide-soignant et d’infirmier montrant une évolution plus favorable que les autres malgré tout (respectivement 23 % et 21 %). Des chiffres qui toutefois restent bas. Et pour cause :
« Lors de la première vague, on manquait de tout, mais nous étions hypermotivés. Lorsque la situation s’est améliorée, à partir du 11 mai 2020, la politique d’économie s’est poursuivie, ce qui a entraîné une première vague de départ à l’été 2020 puis une seconde à l’été 2021. On ne fait pas ce métier pour être technicien spécialisé dans une usine à soin. »
Non, et c’est sans doute pour cela que la moitié des salariés hospitaliers ne se sentent pas de continuer à exercer le même travail jusqu’à la retraite. Pire, 16 % des personnels du secteur souhaiteraient poursuivre leur exercice jusqu’à leur fin de carrière, mais pensent ne pas en avoir les capacités. Les professions de soins sont particulièrement touchées par ce phénomène, notamment les infirmiers, les sages-femmes et les aides-soignants. Alors, quand va-t-on se décider à faire le nécessaire pour garder nos professionnels de santé et surtout davantage les préserver ? Car il ne faut pas se mentir « de nombreux postes sont vacants aujourd’hui »...
Photo d'ouverture : Gerain0812 - @Shutterstock
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