Lieu commun des touristes en général, en particulier de ceux qui, « hors des sentiers battus » et sac au dos, croient échapper à l'industrie touristique, « l'authentique » est le mot qui revient fréquemment dans la conversation pour parler de tel ou tel peuple, rite, savoir-faire. Mais qu'est-ce qui se cache sous cette quête ? De quoi « l'authentique » est-il le nom ?
Les conversations des voyageurs, routards surtout, ont souvent l'enthousiasme ingénu et prévisible d'adolescents découvrant la vie, pleins de l'illusion de tout inventer. Ils vitupèrent contre les troupeaux de touristes – persuadés de n'en être pas –, se refilent leurs « bons plans », se racontent comment ils ont « fait » – c'est-à-dire consommé – la Thaïlande ou la Bolivie et fétichisent « l'authentique ».
Paradoxalement, c'est alors qu'ils se croient libres en desserrant le corset étouffant du salariat qu'ils deviennent les meilleurs agents du capital. Où qu'ils aillent, surtout « hors des sentiers battus », ils apportent avec eux la transaction marchande, là où pouvait demeurer quelque vestige de tradition d'hospitalité. À l'heure du « smartphone », existe-t-il encore des lieux échappant à l'emprise totale du marché ?
Mais ce qui nous intéresse ici, c'est autre chose. Que signifie cette croyance qu'il n'y a d'« authenticité » qu'ailleurs ? Peut-être estimons-nous implicitement, confusément, vivre dans l'inauthentique, l'artificiel, le faux. Et qu'ailleurs seulement, loin, subsisteraient des pratiques, valeurs, coutumes à la pureté inviolée, inaltérée (ou simplement moins dévastées que chez nous).
Mais alors, non altérée... par quoi ? Sans doute par la marche destructive du Progrès, de la Technique et du libéralisme économique et social. Seraient alors « authentiques » les mœurs, festivités, costumes, savoir-faire et habitats propres aux cultures populaires et vernaculaires, témoignages de ce que « notre » culture occidentale est, en large mesure, bornée à des faits de consommation davantage qu'à une production populaire. Souvent rurales et conservatrices, elles paraissent n'avoir pas été absorbées par le capitalisme. Pourtant, le désenclavement de régions jusqu'alors reculées du monde sous l'effet du tourisme et des technologies numériques, tend bien à faire advenir cette sombre réalité.
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