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Malgré une amélioration limitée, le chômage frappe encore durement des millions de travailleurs. Pourtant, le sujet semble avoir disparu de l’attention des grands médias qui essaient de vendre une sorte de « miracle macroniste de l’emploi », une fable qui ne trompera qu'une poignée de privilégiés. La grande masse des citoyens sait bien, elle, que le chômage ravage les conditions d’existence de beaucoup, et en particulier des jeunes et des séniors. On vous explique pourquoi.
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1- Un chômage des jeunes toujours très élevé
2- Femmes et hommes sont autant concernés
3- Les ouvriers et employés restent fortement frappés
4- L'explosion du chômage de longue durée
5- Les séniors, grandes victimes du chômage de longue durée
6- Manipulations statistiques
Ce qu'il faut retenir
Cet article, qui analyse en détail l’impact du chômage, complète notre suivi trimestriel du chômage en France.
Rappelons tout d'abord qu’en France, il existe plusieurs manières de définir un « chômeur » et donc de mesurer le chômage. France Travail distingue ainsi 5 catégories de chômeurs, à la recherche de n’importe quel type de contrat (CDI, CDD, à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier). La catégorie la plus utilisée dans le débat public est la catégorie A, qui désigne « une personne sans emploi, à la recherche de n’importe quel type de contrat, et tenue de rechercher activement un emploi ».
Si le chômage a baissé depuis ses hauts niveaux de 2016, il reste néanmoins à des niveaux très élevés, surtout si on prend en compte l’ensemble des inscrits à France Travail.
Analysons donc plus en détail ce chômage qui perdure depuis des décennies.
Un retournement du chômage des jeunes, toujours très élevé
Au niveau du chômage en fonction de l’âge, et compte tenu des grandes réserves précédentes sur les calculs selon les normes du BIT, on peut noter que la diminution du chômage a concerné toutes les tranches d’âge, mais qu’elle a été plus prononcée chez les jeunes. Cependant, c’est terminé, et le chômage des jeunes repart fortement à la hausse, en raison du début de la limitation des emplois aidés par l’État ; à près de 20 %, le chômage des jeunes reste un vrai problème.
Les jeunes ne constituent cependant qu’une faible partie du nombre de chômeurs. Les séniors, également surreprésentés au niveau du chômage, en constituent une part bien plus importante.
Concernant les séniors, rappelons que leur situation est souvent très difficile : une personne de 55 à 69 ans sur six n’est ni en emploi ni à la retraite, la plupart n’étant pas non plus au chômage, faute de droits. À 60 ans, près de 5 % des personnes sont au chômage et près de 25 % en inactivité, dont la moitié pour raison médicale.
Femmes et hommes sont autant concernés
Au niveau du chômage en fonction du genre, la diminution concerne tout autant les hommes que les femmes.
Plus importants, les taux de chômage masculin et féminin ont convergé vers le début des années 2000.
Au final, le nombre d’hommes au chômage est pratiquement égal à celui des femmes.
Ouvriers et employés restent fortement frappés par le chômage
Au niveau du chômage en fonction de la catégorie socioprofessionnelle (CSP), la diminution concerne toutes les CSP, mais elle a été plus prononcée chez les ouvriers non qualifiés. Cependant, à plus de 15 %, leur chômage reste également un sérieux problème, tout comme celui des employés qui est très proche.
Les ouvriers et les employés représentent 45 % de la population active. Mais ces différences au niveau des taux de chômage font qu’ils représentent près de 70 % des chômeurs.
Sans surprise, le taux de chômage diminue avec le niveau éducatif et avec l’expérience.
L’explosion du chômage de longue durée
Si le chômage est toujours une expérience difficile, il devient dramatique quand de nombreux mois s’écoulent dans cette situation précaire. Il est donc utile d’analyser les chiffres du chômage en fonction de la durée passée au chômage (appelée ancienneté). On constate que la forte hausse apparue depuis une quinzaine d’années a principalement concerné des chômeurs de plus d’un an d’ancienneté.
À ce sujet, il est bien rare d'entendre qu’en 2021, le chômage de longue durée (c'est-à-dire dépassant un an), avait pratiquement triplé depuis 2009.
Une décrue a certes eu lieu depuis 2 ans, mais elle reste insatisfaisante avec toujours 2,2 millions de chômeurs de longue durée. Le nombre de chômeurs de longue durée reste en effet identique à celui de 2014. Et le mouvement de baisse semble être désormais terminé.
Contrairement au chômage total, il n’y a guère de différence entre les groupes d’âge pour le chômage de longue durée.
Cette baisse s’est logiquement ressentie sur la durée moyenne passée au chômage. Passée en une décennie de 13 mois à 23 mois, elle vient de baisser d’à peine 2 mois. À près de 2 ans en moyenne au chômage, elle reste donc à des niveaux historiquement hauts – bien loin des 1 an de 2009.
C’est encore pire pour les chômeurs de plus de 3 ans, dont le nombre a largement triplé au cours de la même période.
Tout ceci confirme bien que la situation de l’emploi en France est loin de s’améliorer, et que la petite baisse récente reste très limitée, et certainement liée aux politiques sociales régressives.
Les séniors, principales victimes du chômage de longue durée
La répartition par âge montre que les séniors représentent la majorité de ces chômeurs de longue durée : ils sont près de 1 300 000.
Plus de 60 % des séniors au chômage le sont depuis plus d’un an, contre seulement 20 % pour les chômeurs de moins de 25 ans.
Cette situation d’un marché du travail sinistré pour les plus de 50 ans montre bien tout le drame des « réformes des retraites », toujours présentées avec l’argument « il est logique de travailler plus, car on vit plus longtemps ». Mais la réalité, c’est qu’en augmentant l’âge de la retraite, on n’augmente pas toujours la durée au travail. On augmente très souvent la durée au chômage, la durée en invalidité ou la durée aux minima sociaux.
Déjà 1 travailleur sénior sur 2 ne travaille plus quand il prend sa retraite. Et l’observation de la durée moyenne d’inscription au chômage des personnes quittant Pôle emploi (pour tout motif) montre que leur situation ne cesse de se détériorer, avec près de 5 ans de durée moyenne au chômage.
Comme la réforme des retraites projetée ne peut que transférer des coûts de l’assurance retraite vers l’assurance chômage, on comprend mieux la volonté farouche du gouvernement de réduire les droits au chômage. Bien loin d’une réforme « logique », ce n’est qu’une gestion à la petite semaine, sans aucune envergure ni ambition autre qu’économiser quelques milliards sur le dos des personnes les plus fragiles.
La preuve, il n’est jamais question d‘une réforme augmentant l’âge de la retraite à 65 ans pour les seuls cadres, disposant de la plus forte espérance de vie, et qui sont pourtant les principaux soutiens du gouvernement actuel…
Manipulations statistiques
Terminons en détaillant un problème statistique concernant les chiffres du chômage que nous avons déjà rapidement mentionné. Depuis 2004, un phénomène pernicieux s'est développé : on observe une forte décorrélation entre le nombre de chômeurs en Catégorie A – c’est-à-dire des « personnes sans emploi récent qui en recherchent un » – et celui des chômeurs selon la définition du BIT (Bureau International du Travail) qui est utilisée pour les comparaisons internationales, et qui est sans cesse mise en avant par le gouvernement.
Jusqu’alors, le chiffre du BIT était très stable et représentait 80 % des chômeurs de catégorie A. Mais ces 15 dernières années, il a fortement fluctué et est passé de 100 % à 75 %, ce qui fausse évidemment la lecture des chiffres du chômage.
Le BIT définit de façon plus restrictive les chômeurs comme des « personnes sans emploi, disponibles pour en accepter un rapidement ». Concrètement, ni les chômeurs en formation ou en maladie ni les chômeurs proches de la retraite ne recherchant pas activement un travail ne sont considérés comme chômeurs par le BIT.
Le BIT classe d’ailleurs la plupart de ces chômeurs dans ce qu’il appelle le « halo du chômage », c’est-à-dire des quasi-chômeurs, mais ce chiffre ne nous est quasiment jamais présenté par les grands médias. Il a pourtant augmenté ces dernières années. On constate également que le nombre de chômeurs découragés (par exemple un chômeur de 61 ans qui n’a pas de droits à indemnisation, et va donc cesser de chercher du travail) a fortement augmenté depuis 2020, compensant partiellement la baisse du chômage.
Si on observe l’évolution des chômeurs, des quasi-chômeurs et des découragés, on remarque que le total est globalement stable en moyenne depuis 2017, un peu en dessous de 4 millions de personnes. La réalité est donc bien loin de « l’objectif de plein emploi » que ne cesse d’agiter le gouvernement.
Plus en détail, il apparait qu’une partie importante de la baisse du chômage dont se gargarise tant Macron s’est traduite par une simple bascule dans le halo du chômage.
Dans les faits, l’évolution très favorable du taux de chômage « façon BIT » – que les médias présentent comme une réussite gouvernementale – n’a pas été suivie par une baisse aussi forte du taux de chômage « façon Pôle emploi ». Un nombre croissant d'inscrits en catégorie A ne sont plus comptabilisés par la définition du chômage au sens du BIT.
Ainsi, en 2017, 44 % des inscrits en catégorie A à Pôle emploi n’étaient pas considérés comme chômeurs au sens du BIT. Ceci est en particulier lié aux politiques visant à pousser les chômeurs vers des formations, et au vieillissement de la population active qui a multiplié les séniors sans emploi.
Exemple des différences de comptabilisation entre le BIT (« Chômage BIT = 2,6 M) et Pôle emploi (« CAT A » = 2,7 M).
Il n’est donc pas surprenant que nos dirigeants politiques préfèrent communiquer le taux de chômage du BIT, bien moins élevé, puisqu'il ne comptabilise pas une grande partie des chômeurs situés dans le halo du chômage ou considérés comme « inactifs ».
Le second problème statistique s’observe en 2022, avec une baisse du nombre de chômeurs en catégorie A qui ne correspond en rien à une baisse du chômage au sens du BIT. Ce phénomène est simplement lié à un retraitement statistique opéré par Pôle emploi, qui a basculé des dizaines de milliers de chômeurs de la Catégorie A, très scrutée, vers d’autres catégories, sans aucun impact sur le total des inscrits à Pôle emploi. Et cela génère des discordances étonnantes entre les catégories.
Ce qu’il faut retenir
Le chômage a certes baissé depuis 6 ans, mais il présente des situations toujours très contrastées. Si le taux de chômage des femmes a enfin décru pour rattraper celui des hommes en 2010, le chômage touche toujours très fortement les jeunes. Les ouvriers peu qualifiés sont aussi très fortement touchés, et avec les autres ouvriers et les employés, ils représentent 70 % des chômeurs.
Mais si le chômage est évidemment toujours une situation sociale particulièrement difficile, il devient dramatique quand il s’éternise durant plusieurs années. Et ce chômage de longue durée (c'est-à-dire dépassant un an) a pratiquement triplé entre 2009 et 2021. Une décrue a eu lieu depuis 2 ans, mais elle reste insatisfaisante avec toujours 2,2 millions de chômeurs de longue durée, et ce mouvement de baisse semble être terminé. En conséquence, la durée moyenne au chômage est d’environ 2 ans.
Enfin, le chômage de longue durée frappe cruellement les plus de 50 ans. Cela révèle une des grandes manipulations des « réformes des retraites », qui sont toujours vendues avec le fameux « il est logique de travailler plus, car on vit plus longtemps ». Mais la réalité, c’est qu’en augmentant l’âge de la retraite, on n’augmente pas toujours la durée au travail. On augmente très souvent la durée au chômage, la durée en invalidité ou la durée aux minima sociaux.
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