Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’opinion publique européenne a été saisie par la rupture brutale des liens énergétiques entre l'Europe et la Russie. Pourtant, cette séparation ne date pas de cette guerre. Une observation attentive des flux d’échanges pétroliers révèle que la stagnation des volumes livrés par la Russie à l’Union européenne date en réalité de 2006, soit bien avant le début du conflit. Ce phénomène, bien peu commenté, trouve ses racines non pas dans un quelconque différend idéologique ou stratégique, mais bien dans une dynamique plus profonde et plus inexorable qui a trait aux dynamiques extractivistes. Analyse.

publié le 10/06/2025 Par Hovannès Derderian

Au lendemain de la Guerre froide, la Russie devient un partenaire énergétique clé de l’Union européenne. Malgré les tensions idéologiques persistantes, Moscou fournit jusqu’à un tiers du pétrole consommé dans l’UE. La décennie 1990 voit une baisse de cette part à environ 25 %, en raison de l’effondrement de l’économie russe. Mais à partir des années 2000, la donne change : la mer du Nord atteint son pic de production en 1998, forçant l’Europe à se tourner de nouveau vers le brut russe. Redressée, la Russie dépasse rapidement les pays de l’OPEP pour redevenir un fournisseur majeur du Vieux Continent.

Sources des importations de pétrole de l'Union européenne, 1990-2023Sources des importations de pétrole de l'Union européenne, 1990-2023

Cependant, cette tendance vient se briser dès le milieu des années 2000, l’année 2006 marquant un premier record de volume importé. C’est cette date qui marque le début d’un découplage bien plus structurel qu’il n’y paraît. Pourtant, une vision téléologique de la situation pourrait y voir un choix de prudence de la part de l’UE : ne pas se surexposer à un seul fournisseur. Néanmoins, le fait que l’Union européenne réussisse à atteindre de nouveaux records d’importation de pétrole russe en 2015 et 2016, deux ans après l’occupation de la Crimée, invite à relativiser cette hypothèse, à tout le moins.

Mais c’est surtout l’analyse de la situation pétrolière russe qui apporte le meilleur éclairage sur le caractère « non contrôlé » (au sens de l’action consciente) des relations énergétiques UE-Russie.

Le déclin géologique : une fatalité silencieuse et apolitique

La Russie est confrontée à une réalité incontournable : l’épuisement progressif de ses réserves conventionnelles. Depuis la fin du XIXe siècle, le sous-sol russe a été intensément exploité, d’abord autour de Bakou, puis du bassin de la Volga et enfin dans la Sibérie occidentale. Si la production a connu une spectaculaire reprise dans les années 2000, elle ralentit depuis 2005. Entre 2004 et 2019, la croissance annuelle moyenne de la production n’a été que de 1,4 %, bien loin des 12,7 % (!) de l’époque soviétique.

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