Les pays francophones que sont la Belgique, la Suisse et le Canada ont rapidement récupéré de la crise du Covid. Cependant, le retour de l’inflation est venu compromettre le rétablissement économique, et les poussées migratoires ont alors entraîné une décroissance du PIB par habitant. 2024 a généralement vu un léger rebond, mais des niveaux de croissance très moyens sont attendus en 2025, signes de difficultés à venir pour le pouvoir d’achat et l’emploi.



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1- Belgique : une croissance au plus haut
2- Suisse : un déclin moins important qu'ailleurs
3- Canada : une croissance qui résiste
4- Un zoom sur le Québec
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Belgique : une croissance au plus haut
En Belgique, l’observation du Produit Intérieur Brut (le fameux PIB, c’est-à-dire, en simplifiant, la valeur de ce que le pays a réellement produit) indique clairement que, dès 2022, l'économie a totalement récupéré de la crise du Covid.


Le PIB belge du premier trimestre 2025 est même à son plus haut historique. La crise économique de 2020 a été bien moins grave qu’en France : le PIB du premier trimestre 2020 a été à peine inférieur à celui de 2008 (contre près de -10 % en France). La situation s’est normalisée en 2021 et l’économie s’est remise à croître.


Si l'on s’intéresse à la croissance du PIB belge (c’est-à-dire à la valeur de sa hausse ou de sa baisse), on note que le pays a connu une croissance robuste en 2022, de plus de 3 %, mais aussi que ce niveau s’explique par la fin du rattrapage post-Covid. En 2023, la croissance a fortement ralenti pour atteindre +1,2 %. Et en 2024, elle a encore diminué à +1,0 %. En 2025, la croissance devrait être encore plus faible, les prévisions tournant autour de +0,8 %.


Hors crise, depuis une dizaine d’années, la croissance belge fluctue donc entre +1 % et + 2 % par an.


L’analyse des contributions sectorielles à la croissance belge au cours des dernières années révèle que la croissance belge est largement entretenue par la consommation et l’investissement. Le commerce extérieur a une contribution négligeable en moyenne depuis deux ans.


Le difficile rétablissement du PIB par habitant
Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l’évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de +2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1 %. Cet indicateur est donc beaucoup plus pertinent pour apprécier la croissance réelle d’une économie.
La Belgique connait comme beaucoup d’autres pays européens une baisse de sa croissance démographique. Désormais, son solde naturel, c’est-à-dire la différence entre les naissances et les décès, est nul ; sa population n’augmente plus qu’au rythme du solde migratoire et de ses fluctuations, soit actuellement environ +0,5 % par an.


La prise en compte du facteur démographique change bien les choses : ainsi, après la crise de 2008, il n’a fallu que deux ans au PIB belge pour retrouver son niveau d’avant crise, contre 6 ans pour le PIB par habitant. De même, les difficultés de 2022 ont conduit à une stagnation du PIB par habitant durant un an. La croissance belge a retrouvé un rythme plus habituel depuis 2023.


Sur le temps long, comme dans beaucoup de pays occidentaux, la dynamique de croissance du PIB trimestriel par habitant en Belgique s’est essoufflée depuis 15 ans et peine à dépasser les +1,5 %. La croissance réelle du pays n’est actuellement que de +0,6 %.


Il apparaît que l’économie de la Belgique superforme très légèrement par rapport à celle de la France depuis les années 1990.


Depuis les années 1960, une croissance qui ralentit
Pour prendre du recul sur la dynamique de croissance belge, on peut observer la croissance décennale depuis les années 1960. On remarque que le phénomène des Trente Glorieuses a pris fin avec les crises des années 1970 et que depuis, la croissance moyenne diminue de plus en plus. Elle n’a atteint que +0,9 % au cours de la décennie 2010, du même ordre que celle des années 2020.


Cette baisse est liée à différents facteurs. En particulier, les Trente Glorieuses ont été induites par la forte mécanisation du pays et l’introduction de techniques ayant fait exploser la productivité. Mais il est désormais de plus en plus dur de continuer à l’augmenter. Une fois qu’on remplace un cheval par un tracteur, il est difficile de trouver par quoi remplacer le tracteur pour avoir le même gain.
Sur le temps très long, cet affaiblissement progressif de la croissance du PIB par habitant se vérifie : il faut remonter jusqu’aux années 1930 et 1940 pour retrouver une croissance du PIB par habitant aussi faible sur l’ensemble d’une décennie.


À l’échelle d’une vie humaine, on a l’impression qu’on vit une « panne » de la croissance, et donc les responsables politiques baratinent sans cesse la population, promettant le « retour de la croissance » pour peu qu’on les élise. Bien entendu, ceci n’arrive jamais, pour la bonne raison que la croissance a retrouvé son très bas niveau historique. « L’anomalie », c’était les Trente glorieuses.
Suisse : après la crise sanitaire, un déclin moins important qu’ailleurs en Europe
La Suisse a la particularité d’être un des pays qui ont été les moins touchés par la crise économique du Covid. Ceci s’explique par le fait qu'elle n’a jamais mis en place de confinement strict sur son territoire comme l'ont fait les pays voisins. Elle a préféré une politique de tests, d’isolements et de limitation des rassemblements en fermant de nombreux commerces et en privilégiant le télétravail. Son économie n’a donc pas connu un coup d’arrêt aussi brutal que ce que l’on a vu ailleurs, notamment en France.


L'économie suisse a donc rapidement récupéré, mais sa croissance est restée faible depuis 2021, en raison des difficultés économiques mondiales.


La chute, plus faible qu'ailleurs, s'est soldée par un rebond plus faible qu'ailleurs ; la croissance de 2024 n’a été que de +1,3 %. Les prévisions pour 2025 tablent sur une croissance de +1,2 % à + 1,4 %.


Comme la Belgique, hors crise, la croissance suisse fluctue globalement entre +1 % et + 2 % par an depuis une dizaine d’années.


Au niveau des contributions sectorielles, la croissance suisse est très peu entretenue par la consommation ou l’investissement. C’est plutôt le commerce extérieur qui porte tout le dynamisme de l’économie, mais il est soumis à de fortes et fréquentes variations, que compensent les stocks du pays.


En Suisse, une démographie qui soutient fortement le PIB
À la différence de beaucoup de pays européens, la Suisse connait une forte croissance démographique, de +1 % à +1,5 % par an. Son solde naturel est pourtant faible ; c’est la forte immigration, attirée par le niveau de vie élevé de la Suisse qui explique cette croissance très soutenue. La population helvète est en effet passée de 7,6 à 9 millions d’habitants entre 2008 et 2024, soit une augmentation de 18 %. À titre de comparaison, sur la même période, la population française n’a augmenté que de 6 %.


Conséquence de cette démographie dynamique, depuis le premier trimestre 2008, le PIB par habitant de la Suisse a progressé de +10 %, soit une hausse trois fois moins importante que celle du PIB global sur la même période (+30 %).


Sur le temps long, comme dans beaucoup de pays occidentaux, la dynamique de croissance du PIB trimestriel par habitant en Suisse s’est donc essoufflée depuis 20 ans. Quand on corrige de la croissance démographique, on constate que la crise de 2022 a été particulièrement forte en Suisse, à tel point que la croissance par habitant y a été négative, et qu’elle n’est actuellement que de +0,8 % par an.


Il apparaît enfin que l’économie suisse surperforme légèrement par rapport à celle de la France depuis 2010, ce qui n’était historiquement pas le cas, contrairement à une idée reçue (la croissance démographique masquait souvent ce fait).


Depuis 50 ans, une croissance suisse globalement stable
Sur le temps long, on s’aperçoit que la croissance suisse était relativement modeste dans les années 1960, comparée à ses voisins. Celle-ci a chuté dans les années 1970 à un niveau de +1,4 %, pour diminuer progressivement et légèrement depuis lors. Les années 2010 ont connu une croissance moyenne réelle de +1,0 % et les années 2020 seulement +0,7 %.


Au final, la croissance du PIB par habitant de la Suisse est retombée à un niveau très bas, si on l’analyse depuis 1850. Compte tenu des nombreux enjeux complexes des décennies à venir, peut-être ceci est-il le signe d’une entrée dans une économie stationnaire, voire décroissante.


Canada : une croissance qui résiste
Comme la Suisse, le Canada fait partie des pays qui ont été le moins touchés par la crise économique du Covid. Le pays a mis en place des confinements relativement stricts, mais souvent moins longs que ceux de la France ou de l’Italie. Son économie n’a donc pas connu un coup d’arrêt aussi brutal que ce que l’on a vu ailleurs, notamment en France.


L'économie canadienne a donc rapidement récupéré, mais sa croissance est restée faible depuis 2021, en raison des difficultés économiques mondiales.


La croissance de 2023 a été de +1,8 % et de seulement + 1,0 % en 2024. Les prévisions pour 2025 tablent sur une croissance de +0,7 % à + 1,2 %, la guerre commerciale avec les États-Unis rendant les prévisions difficiles.


La croissance canadienne fluctue globalement entre +1 % et + 2,5 % par an depuis une dizaine d’années.


Au niveau des contributions sectorielles, la croissance canadienne est très largement entretenue par la consommation des ménages.


Une croissance par habitant plombée par l’immigration
À la différence de beaucoup de pays européens, le Canada connait une croissance démographique assez forte, qui a même atteint les + 3 % en 2023-2024 en raison d’une forte hausse de l’immigration. Elle est actuellement retombée à +1 % par an.


Conséquence de cette démographie très dynamique, depuis le premier trimestre 2008, le PIB par habitant du Canada n’a progressé de +6 %, soit une hausse cinq fois moins importante que celle du PIB global sur la même période (+33 %). Le PIB par habitant est actuellement sous son niveau de 2019.


La récente poussée migratoire a même entrainé une nette baisse du PIB par habitant. Actuellement, il est revenu à une croissance de +1,3 %.


Une croissance canadienne stable
Sur le temps long, on s’aperçoit que la croissance canadienne était relativement modeste dans les années 1960, comparée à celle en Europe. Celle-ci a alors diminué pour se situer autour de +1,2 % depuis les années 1990, exception faite des années 2020, qui sont en légère décroissance en raison d'une augmentation de population (surtout par afflux migratoire).


Au final, la croissance du PIB par habitant du Canada est retombée à un niveau bas, si on l’analyse depuis 1850. Là encore, c’est peut-être le signe d’une entrée dans une économie stationnaire, voire décroissante.


Tout ceci est sans doute de bon augure pour la Planète. Mais pour que cela soit également bon pour les citoyens, il conviendrait de réorganiser en profondeur l’économie, afin de garantir au plus grand nombre une prospérité sans croissance.
Un zoom sur le Québec
Au vu du nombre de nos lecteurs outre-Atlantique, nous complétons notre analyse par un bref zoom sur la Province du Québec. Le PIB y a atteint en 2024 les 610 Md$ CA (soit environ 385 Md€), soit environ 20 % de l’économie canadienne.


La croissance y est notablement différente du reste du Canada : elle n’a été en 2023 que de +0,8 % et de +1,3 % en 2024. Les prévisions pour 2025 tablent sur une croissance de +1,1 %, la guerre commerciale avec les États-Unis rendant les prévisions difficiles.


Au niveau des contributions sectorielles, la croissance québécoise est aussi très largement entretenue par la consommation des ménages, encore plus que dans le reste du Canada.


Conséquence logique de la très forte immigration de 2022 et 2023, le PIB par habitant du Québec a nettement baissé durant cette période. Il est actuellement à peine supérieur à son niveau de 2019.


Le PIB par habitant connait une croissance à peine positive au début de 2025.


Sur le temps long, on s’aperçoit que la croissance québécoise a tendance à être supérieure à celle du reste du Canada. Elle a cependant connu le même parcours de baisse pour se situer autour de +1,3 % depuis les années 1990, exception faite des années 2020, qui ne sont qu’en très légère croissance en raison d'une augmentation de population (surtout par afflux migratoire).


Cette analyse graphique originale d'Olivier Berruyer pour Élucid est une mise à jour de notre suivi régulier et actualisé des grands indicateurs économiques.
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