La Belgique et la Suisse ont rapidement récupéré de la crise du Covid. Cependant, le retour de l’inflation est venu compromettre le rétablissement économique. Pire, si on regarde par habitant, la croissance belge a été famélique, et la Suisse connait en réalité une récession. Des niveaux de croissance très moyens sont attendus en 2024, signes de difficultés à venir pour le pouvoir d’achat et l’emploi.

1- Belgique : une croissance famélique
2- Le difficile rétablissement du PIB par habitant
3- Une croissance qui ralentit depuis 1960
4- Suisse : un déclin moins important qu'ailleurs
5- Une démographie qui soutient fortement le PIB
6- Une croissance suisse stable depuis 50 ans
Élucid vous propose cet été une série d’analyses sur les économies des grands pays d’Europe et des Brics.
Belgique : une croissance famélique
En Belgique, l’observation du Produit Intérieur Brut (le fameux PIB, c’est-à-dire, en simplifiant, la valeur de ce que le pays a réellement produit) indique clairement que, dès 2022, l'économie a totalement récupéré de la crise du Covid.


Le PIB belge du premier trimestre 2024 est même à son plus haut historique. La crise économique de 2020 a été bien moins grave qu’en France : le PIB du premier trimestre 2020 a été à peine inférieur à celui de 2008 (contre près de -10 % en France). La situation s’est normalisée en 2021 et l’économie s’est remise à croître.


Si on s’intéresse à la croissance du PIB belge (c’est-à-dire à la valeur de sa hausse ou de sa baisse), on note que le pays a connu une croissance robuste en 2022, de plus de 3 %, mais aussi que ce niveau s’explique par la fin du rattrapage post-Covid. En 2023, la croissance a fortement ralenti pour atteindre +1,4 %. En 2024, la croissance devrait rester stable, les prévisions tournant autour de +1,3 %.


Hors crise, depuis une dizaine d’années, la croissance belge fluctue donc entre +1 % et + 2 % par an.


L’analyse des contributions sectorielles à la croissance belge au cours des dernières années révèle que la croissance belge est largement entretenue par la consommation et l’investissement. Le commerce extérieur a une contribution négligeable en moyenne depuis deux ans.


Le difficile rétablissement du PIB par habitant
Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l’évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de +2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1 %. Cet indicateur est donc beaucoup plus pertinent pour apprécier la croissance réelle d’une économie.
La Belgique connait comme beaucoup d’autres pays européens une baisse de sa croissance démographique. Désormais, son solde naturel, c’est-à-dire la différence entre les naissances et les décès, est nul ; sa population n’augmente plus qu’au rythme du solde migratoire et de ses fluctuations, soit actuellement environ +0,5 % par an.


La prise en compte du facteur démographique change bien les choses : ainsi, après la crise de 2008, il n’a fallu que deux ans au PIB belge pour retrouver son niveau d’avant crise, contre 6 ans pour le PIB par habitant. De même, les difficultés de 2022 ont conduit à une stagnation du PIB par habitant durant un an. La croissance belge a retrouvé un rythme plus habituel depuis 2023.


Sur le temps long, comme dans beaucoup de pays occidentaux, la dynamique de croissance du PIB trimestriel par habitant en Belgique s’est essoufflée depuis 15 ans et peine à dépasser les +2 %. 2022 a ainsi été marquée par une nette baisse, la croissance ayant plafonné à +0,8 % au début de 2023 en raison de la crise inflationniste.


Il apparaît que l’économie de la Belgique superforme très légèrement par rapport à celle de la France depuis les années 1990.


Depuis les années 1960, une croissance qui ralentit
Pour prendre du recul sur la dynamique de croissance belge, on peut observer la croissance décennale depuis les années 1960. On remarque que le phénomène des 30 Glorieuses a pris fin avec les crises des années 1970 et que depuis, la croissance moyenne diminue de plus en plus. Elle n’a atteint que +1 % au cours de la décennie 2010.


Cette baisse est liée à différents facteurs. En particulier, les Trente Glorieuses ont été induites par la forte mécanisation du pays et l’introduction de techniques ayant fait exploser la productivité. Mais il est désormais de plus en plus dur de continuer à l’augmenter. Une fois qu’on remplace un cheval par un tracteur, il est difficile de trouver par quoi remplacer le tracteur pour avoir le même gain.
Sur le temps très long, cet affaiblissement progressif de la croissance du PIB par habitant se vérifie : il faut remonter jusqu’aux années 1930 et 1940 pour retrouver une croissance du PIB par habitant aussi faible sur l’ensemble d’une décennie.


À l’échelle d’une vie humaine, on a l’impression qu’on vit une « panne » de la croissance, et donc les responsables politiques baratinent sans cesse la population, promettant le « retour de la croissance » pour peu qu’on les élise. Bien entendu, ceci n’arrive jamais, pour la bonne raison que la croissance a retrouvé son très bas niveau historique. « L’anomalie », c’était les Trente glorieuses.
Suisse : après la crise sanitaire, un déclin moins important qu’ailleurs en Europe
La Suisse a la particularité d’être un des pays qui ont été le moins touchés par la crise économique du Covid. Ceci s’explique par le fait qu'elle n’a jamais mis en place de confinement strict sur son territoire comme l'ont fait les pays voisins. Elle a préféré une politique de tests, d’isolements et de limitation des rassemblements en fermant de nombreux commerces et en privilégiant le télétravail. Son économie n’a donc pas connu un coup d’arrêt aussi brutal que ce que l’on a vu ailleurs, notamment en France.


L'économie suisse a donc rapidement récupéré, mais sa croissance est restée faible depuis 2021, en raison des difficultés économiques mondiales.


La chute plus faible qu'ailleurs s'est soldée par un rebond plus faible qu'ailleurs ; la croissance de 2023 n’a été que de +0,7 %. Les prévisions pour 2023 sont comme en Belgique autour de +1,2 %.


Comme la Belgique, hors crise, la croissance suisse fluctue globalement entre +1 % et + 2 % par an depuis une dizaine d’années.


Au niveau des contributions sectorielles, la croissance suisse est très peu entretenue par la consommation ou l’investissement. C’est plutôt le commerce extérieur qui porte le dynamisme de l’économie, mais il est soumis à de fortes et fréquentes variations, que compensent les stocks du pays.


En Suisse, une démographie qui soutient fortement le PIB par habitant
À la différence de beaucoup de pays européens, la Suisse connait une forte croissance démographique, de +1,5 % par an. Son solde naturel est pourtant faible ; c’est la forte immigration, attirée par le niveau de vie élevé de la Suisse qui explique cette croissance très soutenue. La population helvète est en effet passée de 7,6 à 9 millions d’habitants entre 2008 et 2024, soit une augmentation de 18 %. À titre de comparaison, sur la même période, la population française n’a augmenté que de 6 %.


Conséquence de cette démographie dynamique, depuis le premier trimestre 2008, le PIB par habitant de la Suisse a progressé de +8,9 %, soit une hausse trois fois moins importante que celle du PIB global sur la même période (+28 %).


Sur le temps long, comme dans beaucoup de pays occidentaux, la dynamique de croissance du PIB trimestriel par habitant en Suisse s’est essoufflée depuis 20 ans. Quand on corrige de la croissance démographique, on constate que la crise de 2022 a été particulièrement forte en Suisse, à tel point que la croissance par habitant y est toujours négative, de -0,5 % par an.


Il apparaît enfin que l’économie Suisse surperforme légèrement par rapport à celle de la France depuis 2010, ce qui n’était historiquement pas le cas, contrairement à une idée reçue (et car la croissance démographique masquait souvent ce fait).


Depuis 50 ans, une croissance suisse globalement stable
Sur le temps long, on s’aperçoit que la croissance suisse était relativement modeste dans les années 1960, comparée à ses voisins. Celle-ci a chuté dans les années 1970 à un niveau de +1,3 %, pour rester relativement stable en moyenne au cours du demi-siècle suivant.


Au final, la croissance du PIB par habitant de la Suisse est retombée à un niveau très bas, si on l’analyse depuis 1850. Compte tenu des nombreux enjeux complexes des décennies à venir, peut-être ceci est-il le signe d’une entrée dans une économie stationnaire, voire décroissante.


Tout ceci serait sans doute de bon augure pour la Planète. Mais pour que cela soit également bon pour les citoyens, il conviendrait de réorganiser en profondeur l’économie, afin de garantir au plus grand nombre une prospérité sans croissance.