Si le catastrophisme ambiant désempare davantage qu'il n'œuvre à une « conscientisation » suivie d'effets politiques, si l'idéal révolutionnaire est aussi oublié qu'il paraît irréalisable, maintes initiatives montrent que c'est ici et maintenant que se construit un autre monde, plus décent, plus humain. L'utopie prend des formes pragmatiques pour inventer l'avenir ici et maintenant.

2012, Le Jour d’après, I Am Legend, The Road, 28 jours plus tard, Snowpiercer, Don’t Look Up, les séries L’Effondrement, The Walking Dead, certains épisodes de Black Mirror : les fictions post-apocalyptiques déferlent sur les écrans depuis le début du siècle – jusqu’à l’écœurement. Leur succès semble suffire à démontrer que l'argument d'une « conscientisation » par l'art, un art prétendument « engagé » et qui encouragerait à agir, est invalide. Ces productions du divertissement capitaliste (20th Century Fox, Netflix, Canal+, etc.) ne suscitent ni éveil politique ni action, mais entretiennent passivité et impuissance.
Au fond, ce succès donnerait même plutôt raison au fameux mot de Walter Benjamin, selon qui l'humanité a atteint un degré d'aliénation « qui lui fait vivre sa propre destruction comme une sensation esthétique de tout premier ordre » (1). Ou cette sentence devenue proverbiale, attribuée à Fredric Jameson ou Slavoj Žižek : « Il est plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme ».
La fiction, amplifiant une actualité saturée de catastrophes (inondations, mégafeux…), entretient une inquiétude presque religieuse, comme si tout cela n’avait pas d’explication. Pour les moins informés, la notion de « changement climatique » fait office d'écran empêchant toute explication systémique. Et, chez les très informés, on parle d'écoanxiété et de solastalgie. Rien ne paraît ouvrir à une alternative désirable : l’avenir ressemble à un gouffre. Et, loin de produire une soif de transformation, ce bouillon de culture tend à produire plutôt une crispation qui profite, paradoxalement, au camp des indifférents et des négationnistes de la question écologique – c'est-à-dire principalement à la droite autoritaire (2).
Lisez la suite et soutenez un média indépendant sans publicité
S’abonnerAccès illimité au site à partir de 1€
Déjà abonné ? Connectez-vous
0 commentaire
Devenez abonné !
Vous souhaitez pouvoir commenter nos articles et échanger avec notre communauté de lecteurs ? Abonnez-vous pour accéder à cette fonctionnalité.
S'abonner