Les opportunistes et les apparatchiks du Parti démocrate réussissent à tirer parti de l'argent et du soutien des entreprises pour dévoyer des organisations historiques de défense des droits et les transformer en auxiliaires de la classe dirigeante.
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Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, est l'une des très rares personnalités de l'establishment à dénoncer le lynchage judiciaire de Julian Assange. L'intégrité et le courage de Melzer, pour lesquels il est impitoyablement attaqué, contrastent fortement avec la complicité généralisée de nombreuses organisations de défense des droits humains et de la presse, dont PEN America, qui est de facto devenue une filiale du Comité national démocrate.
Comme le souligne très justement Noam Chomsky, les détenteurs du pouvoir segmentent le monde en deux catégories : les victimes « légitimes » et les victimes « illégitimes ». Ainsi, ils pleurent des larmes de crocodile sur le sort des musulmans ouïghours persécutés en Chine tout en diabolisant et en massacrant les musulmans du Moyen-Orient. Ils s'insurgent contre la censure de la presse chez leurs adversaires géopolitiques tout en approuvant la censure et les algorithmes émanant de la Silicon Valley. Il s'agit d'un jeu ancien et pervers, pratiqué non pas pour promouvoir les droits humains ou la liberté de la presse, mais pour vêtir ces courtisans du pouvoir de leur suffisance moralisatrice et mielleuse.
L'organisation PEN America n'hésite pas à parler de la Biélorussie, de la Birmanie, ou de la star du tennis chinois Peng Shuai, alors même qu'elle ignore totalement l'attaque la plus flagrante qui soit contre la liberté de la presse. Il aura fallu attendre 2017 avec une tribune de plus de 250 écrivains, poètes et éditeurs, pour que PEN America cesse d'accepter le financement du gouvernement israélien, alors que ce dernier censure et emprisonne régulièrement des journalistes et écrivains palestiniens en Israël et en Cisjordanie occupée.
Défendre Julian Assange a un coût, comme tous les impératifs moraux. Et c'est un coût que les opportunistes et les apparatchiks du Parti démocrate - qui tirent parti de l'argent et du soutien des entreprises pour détourner ces organisations et les transformer en auxiliaires de la classe dirigeante - n'ont pas l'intention de payer. Même le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) refuse de faire figurer Assange dans son index annuel des journalistes emprisonnés.
PEN America est tout à fait caractéristique du détournement par l'establishment d'une organisation fondée et autrefois dirigée par des écrivains. Sa PDG, Suzanne Nossel, est une ancienne avocate d'entreprise, répertoriée comme « contributrice » à la Federalist Society, qui a travaillé pour McKinsey & Company, mais aussi pour Bertelsmann en tant que vice-présidente du développement commercial. Nossel a également travaillé pour Hillary Clinton au département d'État, notamment au sein du groupe de travail chargé de réagir aux révélations de WikiLeaks.
Au cours de l'année 2013, pour protester contre la nomination de Nossel en tant que PDG de PEN America, j'ai annulé une intervention prévue au World Voices Festival de New York et j'ai démissionné de l'organisation qui, la même année, m'avait pourtant décerné son First Amendment Award. PEN Canada m'a alors proposé de devenir un de ses membres, ce que j'ai accepté.
Certes, PEN America a déclaré que les poursuites à l'encontre d'Assange soulevaient de « graves inquiétudes » quant à la liberté de la presse, et a salué la décision prise par la justice britannique en janvier 2012 de ne pas extrader Assange. Mais si l'organisation américaine n'avaient pas adopté cette position concernant Assange, elle se serait trouvé en situation de conflit avec la plupart des organisations PEN dans le monde. PEN Allemagne, par exemple, a accordé à Assange un titre de membre honoraire, et PEN International a demandé que toutes les accusations contre Assange soient abandonnées.
Dans le même temps, Suzanne Nossel se fait le perroquet de tous les mensonges calomnieux utilisés pour discréditer Assange - qui risque d'être extradé aux États-Unis pour être condamné à 175 ans de prison en vertu de la loi sur l'espionnage. Nossel refuse de reconnaître le fait qu'Assange est victime de persécution pour avoir accompli le rôle le plus fondamental et le plus important qui soit pour tout journaliste, à savoir rendre publics des documents qui exposent les multiples crimes et mensonges du gouvernement. Et je n'ai eu connaissance d'aucun plaidoyer direct de PEN America en faveur d'Assange auprès de l'administration Biden.
« La question de savoir si Assange est un journaliste ou si WikiLeaks peut être considéré comme un organe de presse est sans importance quant aux chefs d'accusation énoncés ici », a déclaré Nossel. Mais en tant qu'avocate ayant fait partie du groupe de travail du département d'État chargé de réagir aux révélations de WikiLeaks, elle sait très bien que tout cela n'est pas sans importance. Le principal argument qui sous-tend les efforts du gouvernement américain pour extrader Assange consiste à lui refuser le statut d'éditeur ou de journaliste et à refuser à WikiLeaks le statut de publication de presse.
Nossel répète comme un perroquet la litanie des fausses accusations portées à l'encontre d'Assange, notamment le fait qu'il aurait mis des vies en danger en révélant ses documents, en piratant des ordinateurs gouvernementaux et en s'immisçant dans les élections de 2016… PEN America a également publié des brèves avec pour titre : « Des rapports de sécurité révèlent comment Assange a transformé une ambassade en poste de commandement à des fins d'ingérence dans les élections ». Dès lors, PEN America contribue à enrouler la corde autour du cou d'Assange, une trahison grossière de la mission fondamentale de l'organisation.
Le 28 mai 2019, lors d'une émission télévisée, Nossel a également déclaré les propos suivants :
« Dans cette affaire, Julian Assange a fait - ou est censé avoir fait - certaines choses qui vont au-delà du rôle d'un média mainstream, et plus particulièrement […] cette accusation de piratage informatique, de piratage d'un mot de passe pour passer outre l'infrastructure de sécurité nationale du gouvernement afin d'y pénétrer et permettre à Chelsea Manning d'avoir accès à tous ces documents. Tout cela - je pense qu'on peut le dire - ne correspond pas à ce qu'un organe de presse mainstream ou un journaliste devrait faire. »
Mais Nossel ne s'est pas arrêtée là et a continué de défendre la légitimité de la campagne américaine en faveur de l'extradition d'Assange, bien que ce dernier ne soit pas un citoyen américain et que WikiLeaks ne soit pas une publication basée aux États-Unis. Et le fait le plus important - et évidemment ignoré par Nossel - est qu'Assange n'a commis aucun crime.
« Si cette mise en accusation arrive maintenant, c'est avant tout parce qu'Assange s'est terré pendant des années à l'intérieur de l'ambassade d'Équateur à Londres pour tenter d'échapper à sa demande d'extradition », a-t-elle déclaré lors de la même émission.
« Il fait face à une demande d'extradition vers la Suède où il a été accusé d'agression sexuelle, et maintenant, nous avons cette importante mise en accusation ici, aux États-Unis, avec une procédure étalée sur de longues années. [Assange] va avancer toutes sortes d'arguments pour expliquer qu'il est confronté à une forme de risque juridique qui devrait l'immuniser contre toute extradition, mais il existe des traités d'extradition.
Il existe des traités d'assistance juridique qui permettent aux pays de poursuivre des ressortissants d'autres pays et de les ramener pour qu'ils répondent de leurs crimes. […] Nous avons des ressortissants américains qui sont accusés et condamnés dans des tribunaux étrangers. »
Pour rappel, WikiLeaks a publié des documents secrets de l'armée américaine concernant les guerres en Afghanistan et en Irak, une série de 250 000 câbles diplomatiques et 800 dossiers d'évaluation de détenus de Guantanamo Bay, ainsi que la vidéo « Collateral Murder » de 2007, dans laquelle des pilotes d'hélicoptères américains plaisantent alors qu'ils sont en train d'abattre des civils, dont des enfants et deux journalistes de Reuters, dans une rue de Bagdad.
Ces documents ont été remis à WikiLeaks en 2010 par Chelsea Manning, qui était alors le lieutenant Bradley Manning, soldat de première classe. La communauté du renseignement américain a alors accusé Assange d'être à l'origine de « l'une des plus grandes atteintes à des informations classifiées de toute l'histoire des États-Unis ». Mike Pompeo, qui dirigeait la CIA du temps de Donald Trump, a même qualifié WikiLeaks d'« agence de renseignement hostile » aidée par la Russie, une rhétorique aussi adoptée par les dirigeants du Parti démocrate.
Assange a ensuite publié 70 000 courriels piratés depuis les comptes de John Podesta, directeur de la campagne d'Hillary Clinton, et s'est ainsi acquis la haine perpétuelle de l'establishment du parti démocrate. Les courriels de Podesta ont mis en lumière le monde sclérosé et corrompu des Clinton, révélant entre autres des dons de l'Arabie saoudite et du Qatar à hauteur de millions de dollars à la Fondation Clinton, et identifiant ces deux nations comme les principaux bailleurs de fonds de l'État islamique.
Ces courriels ont révélé les quelques 657 000 dollars que Goldman Sachs a versés à Hillary Clinton pour donner des conférences, une somme si importante qu'elle ne peut être considérée que comme un pot-de-vin. Ils ont aussi mis en lumière la malhonnêteté récurrente d'Hillary Clinton, qui affirmait devant les élites financières vouloir « un commerce libre et des frontières ouvertes » et que les dirigeants de Wall Street étaient les mieux à même de gérer l'économie, tout en promettant publiquement une réglementation et une réforme financières.
Ces documents ont permis d'apprendre l'implication de la campagne Clinton dans les primaires républicaines, avec l'objectif de favoriser la candidature de Donald Trump, alors perçu comme le plus facile à battre. Enfin, ils ont révélé qu'Hillary Clinton connaissait à l'avance les questions posées lors d'un débat de la primaire démocrate, mais aussi qu'elle avait été la principale instigatrice de la guerre en Libye, une guerre dont elle pensait qu'elle renforcerait son crédit dans la course à la présidence.
Le Parti démocrate - qui impute sa défaite électorale à une ingérence russe - a affirmé que les courriels de Podesta avaient été hackés par le gouvernement russe. Hillary Clinton a qualifié Wikileaks de paravent de la Russie. Toutefois, James Comey, ancien directeur du FBI, a admis que les courriels avaient probablement été remis à Wikileaks par un intermédiaire, et Assange a quant à lui déclaré qu'ils n'avaient pas été fournis par des « acteurs étatiques ».
« Le procureur zélé qui se penchera sur le cas d'Assange remarquera à quel point il est impopulaire, et ce pour une centaine de raisons différentes, qu'il s'agisse de son ingérence dans les élections de 2016, des motivations politiques qui l'ont conduit à faire cela, ou de la nature tonitruante de ces divulgations », a déclaré Nossel toujours dans la même émission :
« Ces révélations n'avaient pas pour objectif de mettre en lumière une certaine politique ni d'amener à une modification de la façon dont le gouvernement américain mène ses affaires. Il s'agit de révélations aussi massives qu'irresponsables. Pourtant, au départ, ils travaillaient avec des journalistes qui prenaient bien à garde à expurger les noms des individus impliqués.
À cette période, je travaillais au Département d'État, et j'ai brièvement fait partie d'un groupe chargé de réagir aux révélations de Wikileaks. Il y avait une véritable inquiétude autour des personnes dont la vie était alors mise en danger, des personnes qui avaient collaboré avec les États-Unis, qui avaient fourni des informations, des défenseurs des droits humains qui avaient échangé avec le personnel des ambassades en toute confidentialité.
Certes nous avons tendance à classifier trop facilement certains documents, mais il y a aussi de bonnes raisons pour classifier beaucoup de ces éléments, et Wikileaks n'a fait aucune distinction entre ce qui était légitimement classifié et ce qui ne l'était pas. »
Ces déclarations nous montrent que tout groupe d'artistes ou d'écrivains contrôlé par le PDG d'une entreprise américaine se transforme tôt ou tard en une version actualisée de l'Union des écrivains soviétiques, qui considère les violations des droits humains commises par des ennemis comme des crimes odieux, tandis que ses propres violations et celles de ses alliés sont ignorées ou blanchies.
Comme nous l'a rappelé Julian Benda dans La trahison des intellectuels, les individus peuvent être soit au service du privilège et du pouvoir, soit au service de la justice et de la vérité. Et Benda nous met en garde : ceux qui se font les défenseurs des détenteurs de privilèges et de pouvoir détruisent leur capacité à défendre la justice et la vérité.
Où est l'indignation de PEN America - une organisation fondée par des écrivains pour protéger les écrivains des abus, des pressions et des menaces de mort - lorsque Hillary Clinton déclare : « Ne pouvons-nous pas tout simplement envoyer un drone abattre ce type ? » (Hillary Clinton n'a jamais infirmé avoir tenu ce propos), ou lorsqu'on apprend que la CIA a envisagé l'enlèvement et l'assassinat d'Assange ? Où est leur demande d'annulation du procès Assange, dès lors que la CIA - par l'entremise d'UC Global, l'entreprise de sécurité de l'ambassade - a secrètement enregistré les réunions et toutes les rencontres entre Assange et ses avocats ?
Où est leur dénonciation publique de l'isolement extrême qui a plongé Assange - victime d'un AVC le 27 octobre dernier - dans un état de santé physique et psychologique précaire ? Où sont les protestations contre sa situation de profonde dépression, au point de le rendre dépendant de médicaments antidépresseurs et de l'antipsychotique quétiapine ? Où sont les condamnations de ses dix années de détention, dont sept à l'ambassade d'Équateur à Londres et près de trois dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, où il a dû vivre sans aucun accès à la lumière du jour ou à des soins appropriés ? « Ses yeux étaient désynchronisés, sa paupière droite ne se fermait pas, sa mémoire était floue », a déclaré sa fiancée Stella Morris au sujet de l'AVC.
Où sont les demandes d'intervention et de traitements humains, y compris la fin de son isolement, lorsqu'on apprend qu'Assange fait les cent pas dans sa cellule jusqu'à ce qu'il s'effondre, se frappant au visage et se cognant la tête contre les murs ? Où sont les craintes pour sa vie, surtout après que la « moitié d'une lame de rasoir » a été retrouvée dans ses chaussettes et que ses appels sur la ligne d'assistance de prévention au suicide se comptent par centaines ?
Et enfin, où sont les appels à poursuivre les criminels de guerre, les tortionnaires et les corrompus mis en lumière par Wikileaks ? Pas au sein de PEN America…
Lire aussi : « Julian Assange est victime de torture physique et morale » d’après son père
Dans son livre The Trial of Julian Assange, le récit le plus méthodique et le plus détaillé qui soit de la longue persécution d'Assange par les États-Unis et le gouvernement britannique, Nils Melzer fustige ceux qui, comme Suzanne Nossel, colportent allègrement les mensonges utilisés pour salir Assange et satisfaire les puissants.
Lorsque Julian Assange a été inculpé la première fois, le gouvernement américain ne l'accusait pas d'espionnage, mais du seul chef d'accusation de « complot en vue de faire intrusion dans un ordinateur ». Selon cette accusation, il aurait conspiré avec Chelsea Manning pour décrypter un hachage de mot de passe du système informatique du ministère de la Défense. Cependant, comme le souligne Melzer :
« Manning bénéficiait déjà d'un accès privilégié au système et à tous les documents qu'elle a transmis à Assange. Ainsi, l'objectif de la tentative présumée de décryptage n'était pas d'obtenir un accès non autorisé à des informations classifiées (piratage), mais d'aider Manning à brouiller les pistes à l'intérieur du système en se connectant sous une autre identité (protection des sources). En tout état de cause, la prétendue tentative est incontestablement restée infructueuse et n'a entraîné aucun préjudice quel qu'il soit. »
Nossel a répété le mensonge selon lequel Assange aurait mis des vies en danger en ne censurant pas des documents. Or, ceci a été complètement balayé lors du procès Manning auquel j'ai assisté. Au cours de la procédure judiciaire de juillet 2013, Robert Carr - un officier supérieur du contre-espionnage qui dirigeait le groupe chargé d'examiner les informations et qui a enquêté sur l'impact des divulgations de WikiLeaks pour le compte du ministère de la Défense - a déclaré à la cour qu'il n'avait pas découvert un seul cas de personne ayant perdu la vie en raison des révélations de Wikileaks.
Quant à l'affirmation de Nossel selon laquelle « au départ, ils travaillaient avec des journalistes qui prenaient bien garde à expurger les noms des individus impliqués », elle devrait pourtant savoir que ce n'est pas par Assange que la clé de décryptage des documents du département d'État a été divulguée, mais bien par Luke Harding et David Leigh du Guardian, dans leur livre Julian Assange et la face cachée de WikiLeaks - La fin du secret.
Lorsque la classe dirigeante ment, les perroquets du pouvoir n'ont aucun prix à payer pour colporter ses mensonges au public. Ce prix n'est payé que par ceux qui défendent la vérité.
Le 27 novembre 2019, Nils Melzer a présenté une conférence à Berlin pour l'inauguration d'une sculpture de l'artiste italien Davide Dormino. Les représentations en bronze d'Edward Snowden, Julian Assange et Chelsea Manning étaient alors présentées debout sur trois chaises. Une quatrième chaise vide invitait chacun d'entre nous à les rejoindre. Avec l'ambassade des États-Unis à sa droite, Melzer s'est mis debout sur la quatrième chaise et a prononcé des mots qui auraient dû être ceux d'organisations telles que PEN America :
« Pendant des décennies, les dissidents politiques ont été accueillis à bras ouverts par l'Occident, car dans leur combat en faveur des droits humains, ils étaient persécutés par des régimes dictatoriaux. Aujourd'hui, cependant, les dissidents occidentaux eux-mêmes sont contraints de chercher asile ailleurs, comme Edward Snowden en Russie ou, jusqu'à récemment, Julian Assange à l'ambassade d'Équateur à Londres.
En effet, l'Occident lui-même a commencé à persécuter ses propres dissidents, à les soumettre à des peines draconiennes dans des procès politiques à grand spectacle et à les emprisonner comme de dangereux terroristes dans des prisons de haute sécurité dans des conditions aussi inhumaines que dégradantes.
Nos gouvernements se sentent menacés par Chelsea Manning, Edward Snowden et Julian Assange, car ce sont des lanceurs d'alerte, des journalistes et des militants des droits humains qui ont fourni des preuves solides concernant les abus, la corruption et les crimes de guerre des puissants.
Désormais, ils sont systématiquement diffamés et persécutés. S'ils sont des dissidents politiques de l'Occident persécutés par une nouvelle chasse aux sorcières, c'est parce qu'ils menacent les privilèges d'un pouvoir d'État non supervisé qui a échappé à tout contrôle.
Les cas de Manning, Snowden, Assange et d'autres représentent le défi le plus important de notre époque en ce qui concerne la sincérité de l'État de droit et de la démocratie occidentale, ainsi que notre engagement en faveur des droits humains. Dans tous ces cas, il ne s'agit pas de la personne, du caractère ou de l'éventuelle inconduite de ces dissidents, mais de la façon dont nos gouvernements traitent les révélations quand il s'agit de leur propre inconduite.
Combien de soldats ont-ils été tenus pour responsables du massacre de civils révélé dans la vidéo « Collateral Murder » ? Combien d'agents pour la torture systématique des suspects de terrorisme ? Combien de politiciens et de PDG pour les machinations corrompues et inhumaines mises en lumière par nos dissidents ?
C'est bien de cela qu'il s'agit. Il s'agit de l'intégrité de l'État de droit, de la crédibilité de nos démocraties et, finalement, de notre propre dignité humaine et de l'avenir de nos enfants. N'oublions jamais cela ! »
Plusieurs éléments comme le retour fragile au pouvoir du Parti démocrate, le spectre de la victoire des Républicains lors des élections de mi-mandat, ainsi que la possibilité très réelle de la réélection de Donald Trump en 2024 (ou d'un personnage lui ressemblant fortement), ont aveuglé les groupes de défense des droits humains et de la presse quant au danger des agressions flagrantes contre la liberté d'expression perpétrées par l'administration Biden.
La marche régulière vers une censure d'État musclée a été accélérée par l'administration Obama qui a inculpé dix employés et contractants du gouvernement, dont huit en vertu de la loi sur l'espionnage, pour avoir divulgué à la presse des informations classifiées. En 2013, l'administration Obama a également saisi les relevés téléphoniques de 20 journalistes de l'Associated Press pour découvrir qui avait fait fuiter une information sur un complot terroriste déjoué d'Al-Qaïda.
Cet assaut continu du Parti démocrate s'est accompagné de la disparition des réseaux sociaux de plusieurs sommités de l'extrême droite, dont Donald Trump et Alex Jones, qui ont été retirées de Facebook, Apple et YouTube. Des contenus véridiques, mais préjudiciables au Parti démocrate, notamment les révélations de l'ordinateur portable de Hunter Biden, ont été bloqués par des plateformes telles que Facebook et Twitter.
Depuis au minimum 2017, les algorithmes ont marginalisé les contenus de gauche, y compris les miens. Dans cette ambiance, le précédent juridique créé par la condamnation d'Assange signifie que toute personne qui détient du matériel classifié, ou toute personne qui le divulgue pourra être reconnue coupable d'une infraction pénale. La condamnation d'Assange signe donc la fin de toute enquête sur les rouages du pouvoir.
La soumission au Parti démocrate des organisations de défense de la presse et des droits humains, censées être les sentinelles de la liberté, ne fait que contribuer à constamment resserrer l'étau de la censure de la presse. Il n'existe pas de notion de moindre mal dans ce combat. Il s'agit du mal dans son essence. Si l'on n'y prend pas garde, les États-Unis deviendront rapidement une variante du capitalisme totalitaire chinois.
Article traduit et reproduit avec l'autorisation de Chris Hedges
Source originale : Scheerpost - 27/12/2021
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