Cette semaine, la France a les yeux tournés vers son Conseil constitutionnel, amené à se prononcer sur la constitutionnalité de la réforme des retraites. Une bonne occasion de rappeler la nature de cette institution, sa composition pour le moins intrigante, et de comprendre ce que l’on peut raisonnablement en attendre…
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La tâche du Conseil constitutionnel est de veiller à la bonne application de la Constitution. Celle-ci prévoit en particulier que « le Président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs » peuvent déférer une loi au Conseil constitutionnel afin qu’il se « prononce sur leur conformité à la Constitution. »,
Le Conseil a été saisi 4 fois sur la loi réformant les retraites, par la Première ministre, 60 députés Nupes, 60 sénateurs de gauche et 60 députés RN, et il a prévu de rendre sa décision le 14 avril.
Le professeur de Droit constitutionnel Dominique Rousseau estime que « Il semble difficile que [le Conseil] ne censure pas la loi sur la réforme des retraites tant les motifs d’inconstitutionnalité pour des raisons de forme sont sérieux. » L’annulation n’est donc absolument pas une chimère. Les raisons qui peuvent justifier la censure sont multiples, telles que :
- • sur la forme juridique : le gouvernement a choisi un Projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, qui n’est pas forcément son rôle ;
- • sur la forme juridique : le gouvernement a accumulé les procédures exceptionnelles pour précipiter le vote, avec un 49.3 à l'Assemblée nationale en seconde lecture, un vote bloqué au Sénat avec l'article 44.3, le tout sur fond de recours à l'article 47.1 de la Constitution pour limiter le temps des débats à 50 jours maximum, procédure qui n’avait encore jamais été utilisée dans cette forme ;
- • sur la forme des débats : on peut légitimement considérer qu’ils n’ont pas respecté le principe constitutionnel de « clarté et de sincérité » des débats, en particulier avec les mensonges du gouvernement sur la pension minimale à 1 200 euros ;
- • sur la forme des débats : des amendements ont été déclarés irrecevables de manière très discutable ;
- • sur la forme de la préparation de la loi, qui aurait méconnu le droit pour les syndicats, de pouvoir négocier les réformes sociales ;
- • sur le fond : la loi n’aurait pas respecté le droit inscrit dans le préambule de 1946, qui précise que la nation « garantit à tout être humain en raison de son âge et de son état physique le droit d’obtenir des moyens convenables d’existence », c’est-à-dire une retraite digne.
Du point de vue de l’opportunité politique d’annuler ou pas la réforme, les choses sont bien plus complexes, notamment en raison de la composition du Conseil constitutionnel que nous allons examiner.
La Constitution prévoit que : « Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n'est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale, trois par le président du Sénat.» Le site internet du Conseil indique qu’ils sont « couramment désignés comme les "Sages" ».
Depuis 2008, « la procédure de nomination des membres fait intervenir pour avis […] la commission des lois constitutionnelles de chaque assemblée. Par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, il peut être fait obstacle à la nomination du candidat pressenti par l'autorité de nomination. »
Cela signifie que les députés n’ont pas à approuver la nomination d’un candidat. Ils peuvent seulement bloquer une candidature, mais ils doivent recueillir 60 % des parlementaires pour s’opposer à une décision majeure du Président de l’assemblée concernée. Or ce Président a, par définition, été élu par le passé par la majorité des mêmes parlementaires ; on ne voit pas pourquoi ils se déjugeraient, et cette règle n’a donc guère de portée pratique réelle. C’est une autre preuve du faible degré démocratique de nos institutions.
Les 9 membres du Conseil
La simple lecture du CV des membres sur le site du Conseil est atterrante.
1/ Laurent Fabius (76 ans)
Un des derniers actes importants de François Hollande a été de nommer l’ancien Premier ministre Laurent Fabius comme Président du Conseil constitutionnel. Agrégé de lettres modernes, énarque, une vie professionnelle entière comme député (27 ans) et ministre (11 ans). Aucune expérience particulière en Droit constitutionnel.
2/ Michel Pinault (75 ans)
Cet énarque diplômé d’HEC a alterné les fonctions au sein du Conseil d’État et dans le privé et la finance. Aucune expérience particulière en Droit constitutionnel.
3/ Corinne Luquens (70 ans)
Cette juriste a exercé sa carrière au sein de l’Assemblée nationale. Elle a été Secrétaire générale de l’Assemblée et de la Présidence de Claude Bartolone, qui l’a nommée au Conseil.
4/ Jacques Mézard (75 ans)
Cet avocat a été sénateur durant une dizaine d’années. Point positif, il a été professeur de droit durant 5 ans ; point négatif, c’était sous Georges Pompidou, et la jurisprudence a beaucoup évolué depuis. Il a été ministre d’Emmanuel Macron pendant 2 ans, qui l’a nommé au Conseil. Aucune expérience particulière en Droit constitutionnel.
5/ François Pillet (72 ans)
Cet avocat a été sénateur durant une dizaine d’années. Il a été chargé de cours durant quelques années à l’Université. C’est l’auteur de l’inoubliable ouvrage « Le Sénat, gardien des libertés ». Aucune expérience particulière en Droit constitutionnel. Comme il est « Chevalier de l’ordre national mongol de l’Étoile Polaire », gageons qu’il n’est pas du genre à perdre le nord.
6/ Alain Juppé (76 ans)
Le doyen du Conseil est un autre énarque ancien Premier ministre. Agrégé de lettres classiques, il complète ainsi parfaitement les connaissances de Laurent Fabius, agrégé de lettres modernes. Son CV omet de préciser qu'il a été condamné pour "prise illégale d'intérêts" à 14 mois de prison avec sursis et 1 an d'inéligibilité en appel (contre 18 mois et 10 ans en première instance) dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Aucune expérience particulière en Droit constitutionnel. Son expérience de ministre des Affaires étrangères et de maire de Bordeaux l’aidera (peut-être…) pour ses fonctions en lien avec le Droit constitutionnel. Point positif : cette nomination l’empêche de détruire un pays arabe de plus.
7/ François Seners (65 ans)
Le second benjamin du Conseil est encore un énarque, diplômé de Sciences-Po Strasbourg et Conseiller d’État. Ancien sous-préfet, chef du centre de prospective de la gendarmerie nationale, membre du Conseil de l’ordre des médecins, il a été conseiller du Premier ministre François Fillon, puis directeur de cabinet du Garde des Sceaux puis directeur de cabinet du Président du Sénat, qui l’a naturellement nommé au Conseil. Le hasard faisant bien les choses, ancien conseiller technique pour l’outre-mer du Premier ministre Alain Juppé, il le retrouve ainsi au Conseil.
8/ Jacqueline Gourault (72 ans)
Emmanuel Macron a encore innové, et pour bien montrer son respect des institutions, il a nommé sa ministre Jacqueline Gourault, qui n’a jamais eu la moindre formation juridique. Cette titulaire d’une simple licence en histoire-géographie et professeure d’histoire pendant un quart de siècle a été ensuite sénatrice pendant 16 ans. L'absence de compétences juridiques de cette « Marianne d'or » lui a valu de ne pas obtenir la majorité des votes des sénateurs lors de sa nomination (12 voix contre 16), le score étant cependant insuffisant pour invalider la nomination.
De façon surréaliste, le sénateur LR Philippe Bas a l’a défendue ainsi, montrant que le Conseil constitutionnel n’a plus qu’un lointain rapport avec le Droit pur : « Le Conseil constitutionnel n’a pas seulement besoin de juristes, mais a aussi besoin de personnalités qui connaissent la société française. » Si vous êtes sociologue et intéressé par une nomination au Conseil en 2025, envoyez votre CV à l’Élysée.
Comme le font souvent les imposteurs atteignant un poste à responsabilité dont ils n’ont pas les compétences nécessaires, Jacqueline Gourault s’est sentie obligée de rédiger le plus long CV du Conseil Constitutionnel, rempli d’informations très intéressantes pour la tenue de son poste, telles que « 2017 : Administratrice suppléante de l'établissement public du Domaine national de Chambord ». Du très lourd donc.
9/ Véronique Malbec (64 ans)
La benjamine du Conseil constitutionnel est la seule membre magistrate diplômée de l’École nationale de la magistrature. Après une carrière dans des fonctions de procureur, elle est nommée secrétaire générale du ministère de la Justice en 2018, puis directrice de cabinet du ministre de la Justice Éric Dupont Moretti. Le hasard faisant bien les choses, elle partage la vie de Frédéric Veaux, le directeur général de la Police nationale.
Le président de l’Assemblée Richard Ferrand aurait ainsi pu réaliser une des nominations les moins discutables du Conseil, mais il n’en a rien été, bien au contraire. Une forte polémique a surgi, car, comme le monde est petit, Véronique Malbec était procureure générale à Rennes en 2017, au moment où un de ses procureurs a rapidement classé sans suite la plainte visant Richard Ferrand concernant l’affaire des mutuelles de Bretagne.
Elle a déclaré lors de son audition « un procureur général ne peut jamais donner d'ordre à un procureur de classer une affaire. Il peut seulement donner des instructions de poursuite ». Ce à quoi un député lui a répondu « Mme Malbec, vous auriez dû refuser la proposition qui vous a été faite. »
Rappelons le cœur de l’affaire Ferrand : cet élu dirigeait les Mutuelles de Bretagne. Il a acheté un grand local vétuste pour le compte de sa concubine, puis a fait acter que les Mutuelles allaient louer ce local et réaliser 250 000 € de travaux dedans. Il a négocié pour sa concubine un emprunt immobilier qui finançait à 100 % l’achat dudit local.
Au final, sa compagne sera ainsi propriétaire au bout de 15 ans d’un local qui pourrait alors valoir autour d’1 million d’euros, entièrement financé par les loyers garantis de la mutuelle, sans avoir avancé le moindre argent et sans aucun risque. Local que la mutuelle aurait tout aussi bien pu acheter directement en empruntant elle-même l’argent. Richard Ferrand a finalement été mis en examen pour « prise illégale d'intérêts », mais la procédure s’est arrêtée, car elle a été jugée prescrite.
Un article du Canard Enchaîné du 23 février 2022 montrait l’implication de Véronique Malbec, largement ignoré par la presse, qui montrait qu’elle suivait le dossier de très près et qu’elle aurait voulu écarter des magistrats de la Cour des comptes dans ce dossier, ce qui les a fortement fâchés. Cela a nourri les soupçons à son égard lors de sa nomination.
Synthèse des membres du Conseil constitutionnel
Concluons cette partie par la synthèse des membres actuels du Conseil constitutionnel, qui est éloquente.
Il est frappant de constater à quel point le Conseil est politisé, avec 2 anciens premiers ministres et 2 anciens ministres de Macron sur les 9 membres, et manque de compétences en termes de droit constitutionnel : personne n’a jugé utile de nommer ne serait-ce qu’un seul professeur de Droit constitutionnel ou, par exemple, un magistrat de la Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français dont la mission est d’unifier et contrôler l'interprétation des lois.
Enfin, ce qui frappe le plus, et est flagrant sur la photo du Conseil, c’est son âge : 72 ans en moyenne, les 9 membres ont entre 64 ans et 76 ans, 7 sur 9 sont septuagénaires. Fort de cette moyenne d’âge avancée, ce sont eux qui seront amenés à se prononcer sur une réforme qui ne les concernera donc jamais.
Le « collège » des membres du Conseil. Comme on le voit, ce nom n’est pas lié à leur âge.
La rémunération inconstitutionnelle des membres du Conseil constitutionnel
La rémunération des membres du Conseil constitutionnel est d’environ 15 000 € brut par mois, identique à celle d’un Président de section au Conseil d’État, ou à celle du Président de la République et de la Première ministre (les ministres gagent environ 10 000 €).
Il y a cependant un léger problème : le niveau de cette rémunération est totalement illégal depuis 1960, comme l’a révélé l’Observatoire de l’éthique publique en 2018. Ce n’est pas passé inaperçu dans la presse.
Selon l’article 63 de la Constitution, la rémunération des membres du Conseil doit être fixée par une loi organique.
L’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 « portant loi organique sur le Conseil constitutionnel » prévoit une indemnité pour un membre du Conseil correspondant en pratique à environ 6 400 € comme le rappelle ce rapport parlementaire de 2021.
Celle-ci est complétée illégalement depuis 2001 par une indemnité mensuelle de 8 400 € visant à compenser, la suppression, à cette date, de la non-imposition illégale de la moitié de l’indemnité des conseillers qui durait depuis 1960. C’est Florence Parly, l’ancienne ministre des Armées d’Emmanuel Macron qui a décidé en 2001 cet acte illégal.
En effet, le gouvernement (« pouvoir règlementaire ») ne peut décider ceci sans qu’une loi votée par le Parlement l’y autorise. Comme l’indique l’Observatoire « une grande opacité entoure ce montant [de rémunération actuelle des membres du Conseil], qui n’est pas même connu des parlementaires. » Le gouvernement a même refusé de la communiquer aux parlementaires en 2019. Un député a finalement réussi à obtenir une feuille de paye anonymisée du Conseil en 2020.
Une proposition de loi organique de 2021 d’une députée PS, Cécile Untermaier, a finalement proposé de remédier à l’illégalité, en alignant la rémunération des membres du Conseil sur celle des ministres (10 000 €) avant finalement d’accepter durant les travaux de conserver leur niveau de rémunération de 15 000 €. Comme elle l’indiquait :
« Le Conseil constitutionnel ne peut pas être dans l’inconstitutionnalité. […] Ils le savent depuis longtemps et ils n’ont pas réagi ». En effet, « Le Conseil constitutionnel n’aurait en fait jamais accepté la rémunération fixée en 1958. […] Depuis 1958, les membres du Conseil constitutionnel cherchent donc par tous les moyens à s’augmenter. »
Fait rare, cette proposition de loi de 2021 est adoptée en commission des Lois à l'unanimité. Mais le PS a finalement reculé et n’a pas présenté le texte, qui n’a donc pas été adopté et est devenu caduc.
La rémunération des membres du Conseil constitutionnel reste donc illégale.
Dernier point, encore plus important. La rémunération illégale des membres du Conseil constitutionnel est intégralement cumulable avec une pension de retraite, ce qui n’est pas possible en général pour les retraités qui veulent exercer une activité, afin de ne pas creuser les déficits des régimes de retraite.
Ceci fait que Laurent Fabius et Alain Juppé perçoivent actuellement environ 28 000 € par mois, soit le double du Président de la République, et une des plus hautes rémunérations publiques de France (voir ici pour les autres membres).
On peut grossièrement estimer que le cumul des rémunérations pour ces seuls 8 retraités entraine un surcoût pour les finances publiques d’environ 500 000 à 800 000 € chaque année – une bien belle piste de réforme pour soulager les déficits.
Une proposition de loi de 2019 a justement proposé « d’interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel ». Elle a été rejetée par la majorité LREM.
Cette proposition avait été reprise en 2021 dans la proposition de loi de Cécile Untermaier, ce qui dérangeait encore plus les membres du Conseil. Pourtant, durant les travaux, il avait été accepté que le non-cumul ne s’applique qu’aux futurs membres (8 membres sur 9 cumulant des pensions de retraite). Mais cela n’a donc pas suffi pour que le texte soit présenté au vote par le PS.
Dernier point, les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas concernés par les obligations de déclaration de patrimoine. Une autre proposition de loi du PS l’avait prévu en 2016, avec d’autres obligations déontologiques pour les membres du Conseil constitutionnel, l’Assemblée l’a voté, mais le texte n’a jamais été présenté au vote au Sénat. Cette proposition dort donc dans un tiroir depuis lors.
On ne connait donc que ceux des anciens ministres, comme Jacqueline Gourault. La politique aura a priori payé plus que l’éducation nationale, vu qu’elle est millionnaire, même en tenant compte du fait qu’elle doit « rembourser plus de 100 000 € sur un prêt [de 330 000 €] contracté auprès du Sénat pour acheter un logement. » Vous aussi, si vous avez des problèmes à obtenir un crédit immobilier, contactez le Sénat, c’est une banque a priori super accommodante.
Pour terminer cette analyse, concernant la qualité des membres, la comparaison avec d’autres grands pays est particulièrement cruelle pour notre pays.
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe en Allemagne
La Cour constitutionnelle allemande comprend 2 chambres (appelées Sénats) de 8 juges qui se répartissent les contentieux. Chaque phrase de la législation l’instituant est une claque pour les pratiques françaises.
« Les 16 membres de la Cour constitutionnelle fédérale sont élus pour moitié par le Bundestag et pour moitié par le Bundesrat afin d'assurer l'équilibre aux sénats. Pour qu’un juge soit élu, une majorité de deux tiers est nécessaire. Le Bundestag et le Bundesrat désignent aussi en alternance le président et le vice-président de la Cour.
Au moins trois des juges de chaque sénat doivent avoir siégé à une cour suprême de la Fédération (Cour fédérale de justice, Cour administrative fédérale, Cour fédérale des finances, Cour fédérale du travail ou Cour fédérale du contentieux social) afin que leur expérience judiciaire particulière puisse contribuer à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale.
Pour être éligible au poste de juge, il faut avoir au moins 40 ans et satisfaire aux conditions d'accès à la magistrature du siège ou du parquet selon la Loi allemande relative à la magistrature judiciaire. Les juges sont élus pour un mandat de douze ans ; la limite d'âge est de 68 ans. Pour garantir l’indépendance des juges, leur mandat n'est pas renouvelable. »
Tous doivent avoir une expérience judiciaire et être approuvés par 67 % des parlementaires, 6 sur 16 doivent avoir siégé dans une des Cours suprêmes, tous doivent avoir moins de 68 ans, ce qui fait que, au minimum, 7 membres du Conseil constitutionnel français sur 9 n’ont pas le droit d’être membres de la Cour constitutionnelle allemande. Si on rajoute l'expérience, il est probable qu'aucun membre du Conseil constitutionnel français ne serait désigné en Allemagne.
L’analyse détaillée des membres montre que la Cour comporte les plus grands juristes allemands, spécialisés dans sur questions constitutionnelles. L’influence politique est négligeable : un juge, avocat professeur de droit, a été député fédéral durant 9 ans, et un autre a été député de la Sarre 9 ans et Premier ministre de la Sarre 12 ans, mais il était précédemment juge et professeur de droit.
La Cour a 59 ans d’âge moyen ; la photo des membres parle d’elle-même.
Leur rémunération est de 18 000 € par mois – le chancelier allemand gagne 30 000 €. Leurs autres revenus sont rendus publics sur le site de la Cour (en moyenne, ils sont inférieurs à 1 000 € par mois).
La Cour Suprême des États-Unis
La Cour suprême américaine comprend comme en France 9 juges. Ils sont nommés à vie par le président des États-Unis, avec le consentement du Sénat ; historiquement, il fallait une majorité qualifiée de 60 % des Sénateurs, mais en 2017 les Républicains ont fait voter l'abolition de la majorité qualifiée au bénéfice de la majorité absolue (50 % des sénateurs).
L’analyse détaillée des membres montre que la Cour comporte les plus grands juges et juristes américains, spécialisés dans sur questions constitutionnelles. L’influence politique est nulle : si les juges sont politisés, aucun n’est une personnalité politique qui aurait été élue.
La Cour a 62 ans d’âge moyen malgré une élection à vie ; la photo des membres parle d’elle-même.
Leur rémunération est d’environ 25 000 € par mois – le président américain gagne environ 35 000 €.
Conclusion : la drôle de Planète de Sages
En conclusion, il est manifeste que le Conseil constitutionnel français est à l’image de la vie démocratique française : usé, vieillot, abimé. Son absence manifeste de compétences juridiques, sa politisation à outrance, son âge canonique plus proche de celui d’un EHPAD que des Cours constitutionnelles d’autres grands pays, sa propre rémunération non conforme à la Constitution : tout montre que nos institutions tiennent plus de la farce que d’une vraie démocratie.
Ces « Sages » ont été nommés non pas pour leurs compétences et leur souci de faire respecter la Constitution, mais bien plus en raison de leur réseau et de leur carrière. Or, quand on voit à quel point cette réforme des retraites a une forte charge politique, notamment en ce qu’elle est inutile et inefficace (comme nous l’avons montré dans cet article), on peut sérieusement douter que ces membres soient un garde-fou efficace.
En effet, en plus de leur évidente proximité politique avec le régime Macron, ces membres se distinguent par un âge élevé et des rémunérations conséquentes, avec des cumuls de retraites et d’indemnités. Peut-on vraiment leur faire confiance pour juger la validité d’une réforme qui ne les concernera jamais en rien ?
Enfin, leur nomination au sein du Conseil par le Pouvoir politique est la preuve qu’ils ont, par le passé, toujours docilement servi ce même Pouvoir au sein d’institutions acquises à la cause néolibérale, et bien peu soucieuse de la volonté des citoyens.
Tout ceci vient d’être remarquablement synthétisé par la professeure de droit public Laureline Fontaine, spécialiste du Conseil constitutionnel, que nous avons interrogée dans cet article :
« Le Conseil n’a pas du tout joué le rôle de contre-pouvoir qu’il prétend assurer. [...] S’il a rendu quelques bonnes et emblématiques décisions (sur la fouille des véhicules en 1977 ou sur la garde à vue en 2010 par exemple), il a surtout scrupuleusement validé des dizaines de lois qui apportaient des restrictions à des droits et libertés individuels et collectifs. À l’inverse, il a censuré beaucoup de lois dont l’objet était de limiter les excès du pouvoir économique. Tout cela alors que les membres du Conseil ont continué d’être des politiques liés aux pouvoirs à contrôler. [...]
Les personnalités nommées au Conseil constitutionnel ont la particularité d’être toutes liées au pouvoir politique qu’elles contrôlent : ces personnalités, nommées souvent après 60 ans, ont contracté des habitudes de pensée toute leur vie durant, en lien avec l’exercice du pouvoir politique, et se retrouvent bien en peine de penser "autrement", c’est-à-dire de penser à partir du droit et de l’idée de respect du droit. [...] Alors qu’un juge doit précisément être protégé et éloigné de tout risque d’influence pour juger, le Conseil au contraire baigne dans un réseau d’influences. »
Ce serait donc une belle surprise que la réforme soit balayée par le Conseil constitutionnel. On ne peut que le souhaiter, mais il ne faut pas trop compter là-dessus ! Si une bonne surprise survenait le 14 avril, cela aurait ainsi été décidé soit en relative coordination avec le gouvernement pour lui permettre de sortir de cette crise, soit par simple peur du désordre causé par un Président forcené, à qui ils souhaiteraient montrer qu’il existe des limites.
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