L’extrême droite prospère sur fond d’hégémonie néolibérale, elle-même rendue possible par l’absence de fonds doctrinal. Alain Caillé, professeur émérite de sociologie et directeur de la revue du Mauss, à l’origine du mouvement du convivialisme, est l’auteur aux éditions du Bord de l’eau d’un petit livre paru en 2023, Extrême-droite et autoritarisme partout, pourquoi ? La démocratie au risque de ses contradictions. Il place les enjeux démocratiques au niveau de la lutte contre le capitalisme spéculatif et rentier, contre lequel une majorité pourrait être trouvée à l’échelle nationale comme mondiale.
Laurent Ottavi (Élucid) : Vous avez choisi de retenir le concept d’extrême droite plutôt que de populisme. Qu’est-ce qui rassemble, par-delà leur diversité, les mouvements désignés comme tels ?
Alain Caillé : Les extrêmes droites ont des discours qui peuvent être très contradictoires. Certaines ont des programmes radicalement étatistes, d’autres radicalement individualistes. Certaines sont profondément religieuses, d’autres totalement étrangères à la religion. Certaines rejettent l’homosexualité, d’autres l’acceptent. Par contre, elles ont deux points communs. Le premier est la haine des étrangers, érigés en bouc-émissaires. C’est leur invariant systémique en quelque sorte. L’autre est la haine de ceux qu’on a nommés les social justice warriors, ceux qui militent pour la justice sociale. C’est la haine des intellectuels et de la pensée, qui conduit aux vérités alternatives, aux fake news.
Élucid : Pouvez-vous expliquer en quoi l’idéal démocratique est protéiforme et pourquoi cela est important par rapport au succès rencontré par l’extrême droite aujourd’hui ?
Alain Caillé : Tout le monde se réclame de la démocratie, y compris les pires dictatures, comme si son sens était évident aux yeux de tous. Or, elle peut être abordée selon des approches extraordinairement différentes, car l’idéal démocratique est très complexe. La définition minimale donnée par Abraham Lincoln est celle du « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Voilà qui pose la question de savoir ce qu’est un peuple. Est-ce une population définie en termes ethniques, l’ensemble des habitants d’un pays, ceux qui se reconnaissent dans une Constitution particulière comme le soutient Habermas ? Ou bien le mot peuple désigne-t-il les petits par rapport aux grands, ceux qui s’opposent aux élites ? Ce peuple, si difficile à définir, est-il fermé ou ouvert ? Se limite-t-il à la population d’origine ou prend-il en compte les personnes immigrées ?
Lisez la suite et soutenez un média indépendant sans publicité
S’abonnerAccès illimité au site à partir de 1€
Déjà abonné ? Connectez-vous
5 commentaires
Devenez abonné !
Vous souhaitez pouvoir commenter nos articles et échanger avec notre communauté de lecteurs ? Abonnez-vous pour accéder à cette fonctionnalité.
S'abonner