Israël ne se contente pas de détruire Gaza grâce à des frappes aériennes, mais utilise l'arme de guerre la plus ancienne et la plus cruelle : la famine. Le message d'Israël à la population civile de Gaza est clair : « fuyez ou mourez ».
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Israël, avec le soutien de ses alliés américains et européens, se rapproche du lancement d'une opération « terre brûlée » à Gaza, mais aussi d'un des pires nettoyages ethniques depuis les guerres de l'ex-Yougoslavie. Il s'agit de pousser des dizaines, très probablement des centaines de milliers de Palestiniens à franchir la frontière méridionale de Rafah pour les contraindre à rejoindre des camps de réfugiés en Égypte. Les conséquences en seront catastrophiques, non seulement pour les Palestiniens, mais aussi dans toute la région, déclenchant presque certainement des affrontements armés au nord d'Israël avec le Hezbollah au Liban et peut-être avec la Syrie et l'Iran.
Et jusqu'à présent, l'administration Biden alimente cette folie. Les États-Unis ont été le seul pays à opposer leur veto à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à des trêves humanitaires pour permettre d'acheminer de la nourriture, des médicaments, de l'eau et du carburant à Gaza. Ils ont bloqué les propositions de cessez-le-feu. Ils ont proposé un projet de résolution stipulant qu'Israël avait le droit de se défendre. La résolution exige également que l'Iran cesse d'exporter des armes au profit des « milices et groupes terroristes qui menacent la paix et la sécurité dans la région ».
Le conflit, qui a coûté la vie à plus de 1 400 Israéliens et à plus de 4 600 Palestiniens à Gaza, s'intensifie. Israël a effectué une deuxième frappe aérienne sur deux aéroports en Syrie. Les barrages de roquettes avec les milices du Hezbollah sont quotidiens. Les bases militaires américaines en Irak et en Syrie ont été attaquées par des milices chiites. Le 19 octobre, le destroyer lance-missiles USS Carney a abattu trois missiles de croisière apparemment lancés par les Houthis au Yémen et se dirigeant vers Israël.
Israël réprime également les violents affrontements quotidiens en Cisjordanie occupée. Dimanche, une frappe aérienne a atteint une mosquée du camp de réfugiés de Jénine – la première frappe aérienne en Cisjordanie depuis deux décennies – tuant au moins deux personnes. Des colons juifs armés se sont déchaînés dans les villes palestiniennes de cette région. Selon le bureau humanitaire de l'ONU, au moins 90 Palestiniens de Cisjordanie ont été tués par des colons armés ou par l'armée israélienne depuis l'incursion du Hamas en Israël le 7 octobre dernier. Quelque 4 000 travailleurs de Gaza et 1 000 Palestiniens de Cisjordanie ont été arrêtés au cours des deux dernières semaines, ce qui a doublé le nombre de prisonniers palestiniens détenus par Israël, qui s'élève désormais à environ 10 000, dont plus de la moitié sont des prisonniers politiques.
« Beaucoup de prisonniers ont eu les membres, mains et jambes, cassées [...], ont été victimes de propos humiliants et injurieux, d'insultes et jurons. Ils ont été attachés les mains dans le dos par des menottes, ces dernières étant serrées au point de créer une douleur intense [...]. Ils ont été soumis à des fouilles à nu, humiliantes et collectives », a déclaré lors d'une conférence de presse Qadura Fares, membre de la Commission de l'Autorité palestinienne en charge de la question des détenus.
B'Tselem, l'organisation israélienne de défense des droits humains, a déclaré à la BBC que depuis l'attaque du 7 octobre, elle avait constaté « un effort concerté et organisé de la part des colons pour profiter du fait que toute l'attention internationale et régionale était concentrée sur Gaza et le nord d'Israël pour essayer de se saisir de terres en Cisjordanie ».
En Israël même, les Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne et des cartes d'identité de Jérusalem sont harcelés, détenus, arrêtés et renvoyés de leurs emplois et des universités, dans ce qui est décrit comme une « chasse aux sorcières ». Plus de 152 000 Israéliens ont été évacués des villes et villages proches des frontières de Gaza et du Liban.
Afin de contrecarrer une réponse militaire de l'Iran qui pourrait déclencher une guerre régionale, les États-Unis déploient 2 000 soldats supplémentaires au Moyen-Orient. Ils vont également réaffecter l'un de leurs groupes d'intervention dans le golfe Persique et envoyer des systèmes de défense aérienne supplémentaires dans la région. L'USS Dwight D. Eisenhower et son groupe d'attaque – qui, à la mi-octobre, était déployé en Méditerranée orientale pour rejoindre l'USS Gerald R. Ford – ont été redirigés vers le golfe Persique. Une batterie antimissile THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) et des bataillons du système de défense antimissile Patriot ont également été envoyés dans le golfe Persique.
En représailles de l'attaque barbare du Hamas sur des civils israéliens, Israël a préféré la vengeance à la légitime défense, en provoquant à la fois la mort, la famine, la guerre et la conquête. Seuls deux choix ont été laissés aux habitants de Gaza : fuir ou mourir.
Les Palestiniens sont tués non seulement par les bombes et les obus, mais aussi bientôt par la faim et les épidémies telles que le choléra. Sans eau, sans carburant, sans médicaments et avec l'effondrement des structures sanitaires, les maladies se propageront rapidement. Les Nations unies affirment que les hôpitaux de Gaza « sont au bord de l'implosion ». Des milliers de patients mourront lorsque les générateurs des hôpitaux seront à court de carburant.
Un médecin de l'hôpital al-Shifa à Gaza a déclaré lors d'une interview samedi : « Nous sommes en plein effondrement ». Il a évoqué le manque d'oxygène, de lumière et de fournitures médicales, l'absence d'eau dans certains services, les craintes de choléra et les disparitions de médecins tués par les frappes aériennes israéliennes, dont un dentiste tué lors du bombardement israélien d'une église orthodoxe qui a fait au moins 18 morts, dont plusieurs enfants.
La poignée de camions, 37 à ce jour, acheminant de l'aide à Gaza, ne représente que 4 % de l'aide nécessaire pour atténuer la crise humanitaire en cours. L'ONU estime qu'il faudrait au moins 100 convois d'aide chaque jour. La dernière usine de dessalement d'eau de mer de Gaza en état de marche a été fermé en raison du manque de carburant.
Israël n'a aucune intention de lever le siège total de Gaza. Les frappes aériennes ont été intensifiées. Comme cela a été le cas au cours des deux dernières semaines, les forces israéliennes continuent de détruire la vie des Palestiniens, de les terroriser et de les affamer pour qu'ils quittent la bande de Gaza.
L'assaut terrestre contre Gaza ne sera pas rapide. Cela nécessitera des semaines, voire des mois, de combats de rue. Le secrétaire à la défense, Lloyd Austin, a comparé la bataille qui s'annonce à Gaza à l'assaut américain contre la ville irakienne de Mossoul, tenue par l'État islamique, en 2014. Il avait fallu neuf mois aux États-Unis pour reprendre Mossoul.
Israël a demandé à Washington une aide militaire supplémentaire à hauteur de 14,3 milliards de dollars, dont 10,6 milliards pour la défense aérienne et antimissile. Et elle sera sans doute accordée. Israël épuise rapidement ses stocks alors que Gaza est pilonnée, y compris dans le sud alors que des centaines de milliers de familles du nord tentent de s'y réfugier.
Israël n'autorisera pas la distribution des 100 millions de dollars d'aide américaine promise aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, du moins pas avant la fin de leurs opérations. Mais d'ici là, Gaza sera méconnaissable et peut-être même annexée en partie.
Les responsables égyptiens sont parfaitement conscients de ce qui les attend. Jusqu'à la moitié, voire plus, des 2,3 millions de Palestiniens risquent d'être poussés par Israël vers l'Égypte, à la frontière sud de Gaza, sans être jamais autorisés à revenir. « Ce qui se passe actuellement à Gaza est une manœuvre visant à contraindre les civils à migrer vers l'Égypte et à s'y réfugier, ce qui ne devrait pas être accepté », a averti le président égyptien Abdulfattah al-Sisi.
Israël utilise depuis longtemps la guerre pour justifier le nettoyage ethnique à l'encontre des Palestiniens. Des représentants du gouvernement ont ouvertement appelé à une nouvelle Nakba, ou « catastrophe », terme qui désigne les événements de 1947-1949, lorsque plus de 750 000 Palestiniens ont fait l'objet d'un nettoyage ethnique depuis la Palestine historique et ont été conduits dans des camps de réfugiés afin de permettre la création de l'État d'Israël. Pendant la guerre de 1967, qui a conduit à l'occupation par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, Israël a procédé à un nettoyage ethnique de 300 000 autres Palestiniens pendant la Naksa, ou « jour du revers », qui est commémoré chaque année par les Palestiniens.
Les Palestiniens, privés des libertés civiles fondamentales dans l'État d'apartheid israélien, ont été dépouillés de leurs biens, y compris, souvent, de leurs maisons avec la construction régulière de nouvelles colonies illégales. Ils ont dû faire face à des restrictions croissantes quant à leurs déplacements personnels. Ils ont été empêchés de faire du commerce et des affaires, en particulier de vendre des marchandises. Ils se sont retrouvés de plus en plus appauvris et piégés derrière les murs et les clôtures de sécurité érigés autour de Gaza et de la Cisjordanie. Dans le même temps, ils ont subi des frappes aériennes israéliennes périodiques, des assassinats ciblés et des attaques quasi quotidiennes de la part de colons et de l'armée israélienne.
Selon le groupe israélien de défense des droits de l'homme HaMoked, Israël a empêché les Palestiniens qui avaient quitté la Cisjordanie et la bande de Gaza d'y retourner, à un rythme d'environ 9 000 Palestiniens par an depuis l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 1967, et ce jusqu'à la signature des accords d'Oslo en 1994. Israël a également révoqué les permis de résidence de quelque 14 000 Palestiniens qui vivaient à Jérusalem-Est depuis 1967, selon B'Tselem.
Israël a démoli 9 880 structures, dont plus de 2 600 bâtiments résidentiels habités, déplaçant plus de 14 000 personnes et affectant 233 681 personnes dans la seule Cisjordanie entre le 1er janvier 2009 et le 7 octobre 2023, selon les données du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies. Depuis l'attaque du 7 octobre, 38 autres maisons et autres structures ont été détruites en Cisjordanie, affectant 13 613 personnes supplémentaires et en déplaçant au moins 73 autres.
Moins de 2,2 % des demandes palestiniennes de permis de construire déposées entre 2009 et 2020 ont été approuvées, selon les données de Peace Now et du journal israélien Haaretz. Le nombre de colons israéliens dans les territoires occupés est passé de zéro avant la guerre de juin 1967 à entre 600 000 et 750 000, répartis dans au moins 250 colonies et avant-postes en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, tous en violation du droit international.
Israël ne cache pas ses intentions. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré aux troupes qui se préparaient à entrer dans la bande de Gaza : « J'ai levé toutes les contraintes ». Ariel Kallner, membre de la Knesset et du parti Likoud de Benjamin Netanyahu, a lancé un appel sur X (ex-Twitter), pour « une Nakba qui éclipsera la Nakba de 1948 ».
L'armée israélienne a mobilisé Ezra Yachin, un vétéran de l'armée âgé de 95 ans, pour « motiver » les troupes. Yachin était membre de la milice Lehi, qui a perpétré de nombreux massacres de civils palestiniens, notamment celui de Deir Yassin, le 9 avril 1948, lors duquel plus de 100 civils palestiniens, dont beaucoup de femmes et d'enfants, ont été massacrés. « Triomphez, achevez-les et ne laissez personne derrière vous. Effacez toutes leurs traces, jusqu'à leur souvenir », a déclaré M. Yachin en s'adressant aux troupes israéliennes. « Effacez-les, leurs familles, leurs mères et leurs enfants. [...] Ces animaux ne doivent plus vivre », a-t-il poursuivi. « Chaque juif possédant une arme devrait sortir et les tuer. Si vous avez un voisin arabe, n'attendez pas, allez chez lui et tuez-le ».
Où sont nos interventionnistes humanitaires ? Ceux qui ont versé des larmes de crocodile sur les droits humains lorsqu'il s'agissait des Ukrainiens, des Irakiens, des Syriens, des Libyens et des Afghans afin de justifier les livraisons massives d'armes et la guerre ? Où est l'ancienne aile antiguerre du parti démocrate et de la classe libérale ? Qu'est-il advenu des intellectuels de renom qui dénonçaient le massacre d'innocents et la machine de guerre américaine ? Où sont les juristes qui défendent les règles du droit international ? Pourquoi les quelques voix solitaires qui s'expriment sur le massacre des Palestiniens par Israël sont-elles attaquées et censurées ?
Nos systèmes d'armes occidentaux, nos munitions et nos avions d'attaque alimentent le massacre. Nous devons mettre fin à l'aide militaire de 3,8 milliards de dollars que les États-Unis accordent chaque année à Israël. Nous devons soutenir le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) et exiger la suspension de tous les accords de libre-échange et autres accords entre les États-Unis et Israël. Ce n'est qu'une fois que ces aides auront été éliminées que les dirigeants israéliens seront contraints, à l'instar du régime d'apartheid en Afrique du Sud, d'intégrer les Palestiniens dans un seul État, avec des droits égaux. Tant que ces éléments de soutien subsisteront, les Palestiniens seront condamnés et le Hamas continuera de recruter.
Texte traduit et reproduit avec l'autorisation de Chris Hedges
Source : Scheerpost — 22/10/2023
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