Capitalisme : l’impossible moralisation

« Les vices privés font les vertus publiques ». Le capitalisme, dont cette formule de Bernard de Mandeville constitue le meilleur résumé d’après le philosophe Jean-Claude Michéa, s’est fatalement affranchi, depuis ses origines, des principes, des traditions ou des pratiques qui le préexistaient et le civilisaient. Ce premier article, centré sur l’économie, explique pour quelles raisons un retour en arrière ou l’imposition de contrôles stricts seraient de faux antidotes aux maux du capitalisme. Un second élargira la réflexion à d’autres domaines, et notamment à l'enjeu démocratique.

publié le 29/03/2022 Par Laurent Ottavi
Capitalisme : l’impossible moralisation

Le même homme qui pestait contre le « tabou de la réussite » en France et dont les ambitions post-présidentielles se résumaient à « faire du fric » avait promis de moraliser le capitalisme. Nicolas Sarkozy renouvela son engagement de campagne à travers plusieurs discours, notamment celui de Toulon, le 25 septembre 2008 - prononcé dans le contexte d’une « crise financière » inédite, mieux comprise comme la résultante de décennies de globalisation néolibérale - et celui de Davos le 27 janvier 2010.

La nostalgie des Trente Glorieuses

L’ancien Président attribuait, à chaque fois, aux « excès » et aux « dérives » du capitalisme, et non au capitalisme lui-même, les indécentes inégalités dont il dressait la liste : l’ascendant démesuré du capital sur le travail, les « paradis fiscaux », la concurrence déloyale, les bonus des traders ou encore les salaires exorbitants, les parachutes dorés et les stock-options des grands patrons.

Mis à part quelques appels très généraux à un changement « en profondeur » de notre façon de consommer et de produire, l’alternative formulée par Nicolas Sarkozy s’assimilait à un pur retour en arrière. Le Président parlait d’ailleurs d’une « refondation ». Elle visait la renaissance d’un prétendu capitalisme moral, non « dénaturé » par la loi du plus fort, la financiarisation et l’autorégulation des marchés. Le temps long y serait privilégié par rapport au court terme, l’entrepreneur prendrait la place occupée aujourd’hui par l’actionnaire ou le « patron voyou » et l’éthique du travail (le sens de l’effort, de l’initiative et de la responsabilité) se substituerait à l’« argent facile de la spéculation ». Le politique dominerait également les grandes banques actuellement « too big to fail », c’est-à-dire trop grosses pour ne pas entraîner les États dans leur chute. L’économie de marché contribuerait, enfin, à réduire les inégalités en éliminant les rentes, les ententes et les monopoles.

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