Cet été, un projet de décret gouvernemental reconnaissant aux « dark stores » le statut de commerces et non d’entrepôts, facilitant par là leur implantation dans les centres-ville, a déclenché une levée de boucliers de la part d’élus locaux de tous bords de l’échiquier politique. Si le gouvernement a finalement rétropédalé début septembre en annonçant que les dark stores seraient soumis à une plus stricte régulation, la multiplication de ces magasins fantômes interroge surtout sur les modèles de consommation prônés à l’heure de l’ubérisation de la ville et de l’essor de la « smart city ».
Les dark stores désignent les locaux utilisés par les plateformes de livraison ultra-rapide de biens de consommation courante, détenus par une poignée de géants du quick-commerce comme Gorillas, Flink ou encore Getir. En pratique, ces locaux ressemblent en tout point à des supermarchés classiques, à la différence que leurs vitres sont opacifiées, et qu’ils ne sont pas accessibles aux consommateurs qui voudraient y faire leurs achats, mais seulement aux livreurs qui prennent en charge la distribution des produits à vélo ou à scooter, à toute heure du jour et de la nuit.
Les dark stores suivent ainsi le modèle des « dark kitchens », ces restaurants fantômes qui ne sont utilisés que pour la livraison de repas, permettant une expansion à moindres frais des enseignes qui s’en partagent les locaux.
La multiplication des dark stores a notamment été portée par le changement des habitudes des consommateurs lors de la pandémie, qui ont eu tendance à faire davantage leurs courses alimentaires en ligne, mais surtout, dans des délais de livraison plus restreints. Ainsi, selon l’APUR (Atelier Parisien d'Urbanisme), en 2020, la vente de courses alimentaires livrées à domicile a progressé de 45 % en France et près de 30 % des courses en ligne sont aujourd'hui livrées le jour même, contre 15 % avant les confinements.
L’essor des dark stores soulève des problèmes de nature à la fois économique, écologique, sociale, urbanistique et politique. Leur modèle concurrence de manière déloyale les commerces traditionnels, qui risquent de déserter les centres-ville et de ne laisser aux citadins que le choix des grandes enseignes ou de la livraison en drive ou à domicile.
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