La démondialisation n’est ni un repli sur soi ni un simple protectionnisme

Comme tout pas de côté aujourd’hui, la « démondialisation » est accusée de recéler les pires maux. Elle conduirait au « repli sur soi », à « l’autarcie », à la « fermeture » (opposée de manière très manichéenne à une sacro-sainte « ouverture » faite de traités de libre-échange, de sans-frontiérisme et de principe de non-discrimination) mais aussi au « retour à l’âge de pierre », et même à la Corée du Nord et à la guerre...

Le fait qu’elle soit, à l’instar du concept de décroissance, construite sur un privatif (de-), contribue aussi à cette représentation sinistre, car elle donne l’impression de se limiter à un simple rejet, de n’ouvrir aucune brèche. Ce type de vocabulaire semble malheureusement constituer le seul moyen –en attendant le surgissement de notions plus enthousiasmantes – d’éviter la récupération par le capitalisme actuel des concepts qui lui sont, avec plus ou moins de force et de cohérence, opposés ici et là (« économie circulaire », « sobriété », « commerce équitable » etc.).

Les conséquences du temps long et le poids des circonstances

Le scénario catastrophe, brandi en épouvantail afin de perpétuer un ordre en train de saturer, contient cependant une part de vrai. Si globalisation et interconnexion du monde ne sont pas des synonymes, il est fort possible que la démondialisation se manifeste, dans un premier temps, par une contraction nationaliste et autoritariste, sur fond de ressentiment, de quête des repères perdus ou brouillés, de volonté d’enfermement dans une bulle communautaire, identitaire et protectrice. Un tel basculement, dont de nombreux indices présagent, serait conforme au mouvement de balancier récurrent de l’Histoire, un excès en appelant un autre.