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D'après le gouvernement, les chiffres récemment publiés démontreraient que le chômage est en baisse. En réalité, et bien que la reprise de l'emploi pour certaines catégories de chômeurs soit réelle, on note une hausse significative des radiations et une augmentation de la précarité de l'emploi. De même, le nombre d'inscrits à Pôle emploi se situe toujours à des niveaux historiquement hauts. Une fois de plus, les chiffres sont décorrélés du réel à la faveur d'une propagande clémente envers la politique économique du gouvernement.
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En France, il existe plusieurs manières de définir un « chômeur » et donc de mesurer le chômage. Pôle emploi distingue ainsi cinq catégories de chômeurs. La catégorie la plus utilisée dans le débat public est la catégorie A, qui désigne « une personne sans emploi, à la recherche de n’importe quel type de contrat, et tenue de rechercher activement un emploi ».
Selon Pôle emploi, en août 2022, le nombre de chômeurs en « catégorie A » est quasiment inchangé par rapport au mois précédent, interrompant une longue période de baisse. Le nombre de chômeurs au sens large (catégories A à E) a augmenté de 2 %, avec une hausse de 13 000 chômeurs. Le nombre d’intérimaires a quant à lui baissé de près de 14 000.
Si l’on considère l’ensemble des catégories définies par Pôle Emploi, depuis trente ans, le nombre de chômeurs en France a augmenté significativement, particulièrement depuis la crise de 2008 : il est en effet passé de 4 millions à près de 7 millions d’inscrits en 10 ans, avant de retomber au niveau actuel de plus de 6 millions.
La seule « Catégorie A », dont on parle généralement dans les médias, comptabilise 3,2 millions de chômeurs.
Manipulations statistiques
Ces chiffres posent cependant différents problèmes statistiques. Le premier saute aux yeux. On note que s’est développé depuis le début des années 2010 un phénomène pernicieux : une forte décorrélation entre le nombre de chômeurs en Catégorie A, qu’on peut résumer comme des « personnes sans emploi qui en recherchent un » et celui des chômeurs selon la définition du BIT (Bureau International du Travail) qui est utilisée pour les comparaisons internationales.
Le BIT définit en effet de façon plus restrictive les chômeurs comme des « personnes sans emploi disponibles pour en accepter un rapidement ». Concrètement, alors qu’ils sont bien des chômeurs de catégorie A, ni les chômeurs en formation ou en maladie, ni les chômeurs proches de la retraite dispensés de recherche d’emploi ne sont considérés comme chômeurs par le BIT.
Le BIT classe d’ailleurs certains de ces chômeurs dans ce qu’il appelle le « halo du chômage », c’est-à-dire des quasi-chômeurs, mais ce chiffre ne nous est jamais présenté par les médias. Si on rajoute les personnes découragées et celles qui travaillent à temps partiel, mais voudraient un temps complet, on retrouve des chiffres cohérents avec ceux de Pôle emploi ; on constate alors aussi que la situation de l’emploi est à des plus hauts historiques, et que, contrairement aux discours osant parler « d’objectif de plein emploi », la situation se dégrade fortement depuis 2019.
Ceci pose un vrai problème, car l’INSEE utilise cette définition restreinte du BIT pour calculer le taux de chômage, que la plupart des médias et des dirigeants politiques reprennent. Le taux de chômage n’est donc pas de 7 %, mais plutôt de 10 %. Et si l'on prend tous les inscrits à Pôle emploi, on est à plus de 20 % ! Pire, si on rajoute les découragés, et qu’on s’intéresse au seul secteur privé (la population de fonctionnaires titulaires étant peu touchée par le chômage), c’est sans doute près de 30 % des salariés qui vivent ces situations de chômage ou quasi-chômage — et c’est bien entendu sans parler des emplois précaires.
Dans les faits, l’évolution très favorable du taux de chômage façon BIT, que les médias n’ont cessé de présenter comme une réussite gouvernementale, n’a pas été suivie par une baisse aussi forte du taux de chômage Pôle emploi. Un nombre croissant d'inscrits en catégorie A ne sont plus comptabilisés par la définition du chômage au sens du BIT. Ainsi, en 2017, 44 % des inscrits en catégorie A à Pôle emploi n’étaient pas considérés comme chômeurs au sens du BIT. Ceci est en particulier lié aux politiques visant à pousser les chômeurs vers des formations et au vieillissement de la population active qui a multiplié les séniors sans emploi.
Il n’est donc pas surprenant que nos dirigeants politiques préfèrent communiquer le taux de chômage du BIT, bien moins élevé, puisqu'il ne comptabilise pas une grande partie des chômeurs situés dans le halo du chômage ou considérés comme « inactifs ».
Le second problème statistique s’observe en 2022, avec une baisse du nombre de chômeurs en catégorie A qui ne correspond en rien à une baisse du chômage au sens du BIT. Ce phénomène est simplement lié à un retraitement statistique opéré par Pôle emploi, qui a basculé des dizaines de milliers de chômeurs de la Catégorie A, très scrutée, vers d’autres catégories, sans aucun impact sur le total des inscrits à Pôle emploi.
Pôle emploi évoque ainsi, d’ici à fin novembre 2022, « une diminution cumulée de 75 000 demandeurs d’emploi en catégorie A, en augmentant d’autant le nombre de demandeurs d’emploi en catégories B et C », ce qui représente environ la moitié de la baisse du chômage de Catégorie A en 2022, sur laquelle le gouvernement n’a cessé de s’appuyer pour vanter l’efficacité de sa politique.
Sur ces bases, on peut également souligner qu'il existe de vastes différences au niveau local : les départements du Nord de la France et ceux du pourtour méditerranéen sont fortement frappés par le chômage, et plus encore ceux des Départements d'Outre-mer.
Au final, le niveau de chômage — qu’il soit mesuré par Pôle emploi ou le BIT — est donc encore supérieur à celui enregistré à la veille de la crise de 2008, ce qui illustre bien l’ampleur de cette crise, dont les conséquences sont encore largement visibles après des années de forte hausse. L’embellie est cependant terminée, et le chômage est désormais reparti à la hausse.
Cette situation est le résultat d’une baisse récente des sorties de pôle Emploi, et du maintien d’une tendance haussière des entrées. Dit autrement, il y a moins de personnes qui parviennent à trouver un emploi et plus de nouveaux inscrits à Pôle Emploi.
Hausse des entrées à Pôle emploi, Ruptures conventionnelles au plus haut
Les entrées mensuelles à Pôle emploi sont passées de 400 000 en 1996 à plus de 500 000 fin-2022, en augmentation depuis un an. Mis à part les retours d’inactivité (qui ont augmenté en raison du vieillissement de la population et de la gestion administrative des travailleurs âgés), les motifs d’entrées mensuelles (démissions, recherches de premier emploi, fins de contrat d’intérim ou de CDD…) n’ont pas varié dans de grandes proportions ces 25 dernières années.
Le dispositif de rupture conventionnelle — mis en place en août 2008 — a pris une place croissante parmi les motifs d’entrée à Pôle emploi, remplaçant une grande partie des licenciements. Depuis 2020, le nombre de personnes entrant à Pôle emploi à la suite d’une rupture conventionnelle n’a cessé d’augmenter, atteignant le record de 40 000 chaque mois, soit 10 % du total des entrées.
L’intérim a été une variable d’ajustement pour les entreprises durant la crise du Covid-19, puisqu’un afflux de personnes en fin de contrat d’intérim a eu lieu en avril 2020, au plus fort de la crise sanitaire (52 000 entrées), avant de redescendre rapidement et de s’établir à 25 000 en janvier 2022, en dessous du niveau pré-pandémie.
Baisse des sorties de Pôle emploi, hausse des radiations
Tout comme le nombre d’entrées mensuelles, le nombre de sorties mensuelles de Pôle emploi a également progressé depuis 1996, passant de 350 000 à 550 000 en 2022. La crise sanitaire de 2020 n’a pas eu de conséquences majeures sur la structure des motifs de sortie de Pôle emploi.
On observe une forte augmentation de la part des défauts d’actualisation dans le nombre de sorties : elles représentaient 90 000 personnes en 1996, soit moins de 30 % des sorties, contre 240 000 fin 2022, soit 40 % des sorties.
La hausse des radiations administratives est également notable : entre 1996 et 2007, les radiations administratives de Pôle emploi ont été multipliées par 6, passant de 8 000 à 50 000 par mois. Elles fluctuent depuis entre 40 000 et 50 000 par mois, un maximum historique qu’elles viennent de nouveau d’atteindre.
Un nombre d’offres élevé, mais insuffisant face au chômage de masse
Alors que le nombre d’offres d’emplois collectées par Pôle Emploi chaque mois oscille autour de 250 000 (offres mensuelles), il a plongé à un minimum historique de 75 000 en avril 2020, lors du premier confinement. Il y a ensuite eu un fort rattrapage, jusqu’à approcher des 350 000, niveau historiquement élevé.
Ce rattrapage est désormais terminé, et les offres d’emploi repartent désormais à la baisse, pour le moment de façon encore limitée.
Par ailleurs, depuis 2013, Pôle emploi diffuse également les offres d’emploi collectées par des organismes partenaires (sites d’emploi, réseaux sociaux professionnels, etc.).
La comptabilisation de ces offres est disponible depuis 2015 et montre que les partenaires de Pôle emploi collectent désormais le double d’offres d’emploi que Pôle emploi, le total atteignant désormais le million d’offres.
Avec 6 fois plus de chômeurs que d’offres d’emploi, même si toutes ces offres étaient pourvues en un instant, il resterait toujours plusieurs millions de chômeurs en France.
Enfin, on entend souvent une idée reçue et donc fausse, selon laquelle « les chômeurs sont fainéants et refusent de nombreuses offres d’emploi qui ne trouvent pas preneur ». Si l'on s'intéresse au devenir des offres déposées à Pôle emploi, on constate que 86 % des offres d'emploi sont pourvues, ce qui représente 2,7 millions d’embauches, dont 60 % en CDI ou en CDD de plus de 6 mois. Par ailleurs, 3 % des offres sont annulées, 5 % sont toujours en attente de trouver preneur, et 6 % sont abandonnées, ce qui représente seulement entre 250 000 et 400 000 offres chaque année — bien loin de quoi résorber le chômage...
Parmi ces offres abandonnées, seuls 60 % correspondent à des emplois durables, soit environ 200 000 offres. L’abandon de recrutement faute de candidats reste donc un phénomène très limité, représentant environ 3 % du nombre total d’inscrits à Pôle Emploi (200 000 annulations sur 6 600 000 inscrits) :
Les abandons de recrutements sont plus fréquents dans les entreprises de moins de dix salariés, pour les postes d’ouvriers, ainsi que dans le secteur de la construction.
Si les recruteurs évoquent comme principales raisons de ces abandons de recrutement le manque de motivation (67 %), de compétences (60 %), d’expérience (57 %) ou l’insuffisance de la formation (55 %), il peut également l’être par l’inadéquation entre les contraintes du poste (distance domicile-travail, travail de nuit) et les disponibilités des candidats.
Après une forte hausse lors de la crise du Covid-19, le chômage de catégorie A est donc retombé en France, pour atteindre en 2022 un niveau inférieur à celui qui prévalait avant la crise sanitaire — aidé en partie par un reclassement purement statistique des chômeurs en ayant fait changer des dizaines de milliers de catégorie. Le chômage au sens large et le chômage mesuré par le BIT ont quant à eux retrouvé leur niveau de début 2020.
Par ailleurs, la crise de 2008 continue d’avoir des conséquences en 2022, puisque le niveau d’emploi qui prévalait auparavant n’a toujours pas été retrouvé. En cela, la crise des subprimes a été bien plus dévastatrice sur le plan de l’emploi que la crise sanitaire de 2020.
Enfin, la crise économique qui s’annonce commence à faire sentir ses premiers effets. Il est à craindre que les prochains chiffres soient nettement plus mauvais.
Annexes
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