L’actualité libanaise est désormais celle de la guerre, de ses plus de 3 000 morts – déjà –, sans compter les destructions qui affectent la banlieue de Beyrouth et le sud du pays, et la cohorte sans fin des déplacés. Tout cela exerce une pression sur une société déjà à bout de souffle en raison d’une crise économique qui dure depuis presque six ans. Depuis le 27 novembre, un timide cessez-le feu vient s’inviter et offrir un répit à une population à bout de souffle. La paix ne semble pas être l’horizon mais c’est le provisoire armistice qui règne. Le Liban voit s’allonger la facture de la reconstruction si le temps lui est laissé de la mettre en œuvre. La dernière guerre avec Israël ajoute économiquement un poids à un pays qui vit un effondrement économique depuis plus de quatre ans.
La crise libanaise n’a pas d’équivalent dans l’histoire économique depuis deux siècles. En plus de cet effondrement massif et rapide de l’économie nationale à partir de 2019, un trait spécifique doit être noté : la profondeur de la dépression est imputable à l’État lui-même, notamment via l’une de ses institutions éminentes, la Banque centrale. Tout se passe comme si l’élite dirigeante avait préféré jeter le pays dans le chaos, de crainte que son emprise sur la nation ne se desserre.
Dans ce contexte, la guerre que livre l’État d’Israël au Liban est d’autant plus dramatique qu’elle vient aggraver la dépression économique, rendant la sortie de crise de plus en plus difficile.
Les origines de la crise : au lendemain de la guerre civile (1975-1990)
Tout commence avec la mise en place du modèle de reconstruction du pays établi par Rafik Hariri, lorsqu’il devient Président du Conseil en 1992. Le taux de change fixe établi alors, officialisé en 1997, est l’ingrédient critique du présent désastre : il a permis l’illusion durable selon laquelle l’État pouvait amener à la fois du pouvoir d’achat aux citoyens et une stabilité du change pour les investisseurs. Or, dans ces conditions, d’importantes dépenses de nature clientéliste et des prébendes diverses ont pu être financées sans difficulté.
Les données du problème avaient été constituées dès le début des années 1990, avec des taux d’intérêt très élevés (30 % parfois sur les bons du Trésor) et une politique de baisse drastique de la fiscalité pour séduire les hauts revenus. En somme, le Liban d’après-guerre fonde son économie sur les vertus supposées du « ruissellement » et adopte des choix financiers inspirés du Consensus de Washington : approfondir l’extraversion de l’économie et étendre le libre-échange. De nombreux traités fragilisent la structure de l’économie libanaise en l’exposant à des formes de concurrence déréglées et inéquitables.
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