La mondialisation a ravagé l’industrie automobile française. Mais ce mouvement a également touché la plupart des grands pays producteurs occidentaux, et même le Japon et la Corée qui voient leur production chuter. Quant à la Chine, son développement automobile est en train de rebattre totalement les cartes de cette industrie mondiale. On vous explique tout !

1- Une voiture neuve sur 3 est vendue en Chine
2- La Chine représente 33 % de la production mondiale
3- Les États-Unis ont construit 80 % des voitures entre 1900 et 1950
4- Les délocalisations ont ravagé les industries de l'Europe occidentale
5- Deux voitures de plus chaque seconde : le parc mondial
Ce qu'il faut retenir
Au début de 2024, la situation du marché automobile en Europe est en amélioration par rapport au grand creux de 2022. Les ventes ont repris dans la plupart des grands pays européens. Cependant, les niveaux restent très inférieurs à ceux de 2017-2019, ce qui pose de nombreux problèmes à cette industrie.


1 voiture neuve sur 3 est désormais vendue en Chine
Au niveau mondial, 1 voiture neuve sur 3 a été vendue en Chine en 2023 – on est bien loin de la Chine à vélo des années 1990. L’Asie a concentré la moitié de la vente de voitures cette année-là, contre près de 20 % en Europe et autant aux États-Unis. L’Afrique est le grand-parent pauvre du marché automobile mondial, avec 1 voiture vendue sur 100.


80 millions de véhicules automobiles (voitures + utilitaires) ont été vendu à l’échelle mondiale en 2023, un chiffre en net repli par rapport aux plus de 90 millions des années 2017-2019. Le marché mondial a relativement peu augmenté depuis l’an 2000 si on laisse la Chine de côté. Cette dernière a donc concentré l’essentiel de la croissance du marché mondial.


Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les faits marquants sont l’essor du marché européen dans un premier temps, suivi de celui du Japon et de la Chine.


La Chine représente 33 % de la production mondiale
Si l'on s’intéresse à la production automobile, près de 80 millions de véhicules ont été construits en 2023, dont un peu plus de 60 millions de voitures et 20 millions d’utilitaires. La production reste également bien loin de son record de 90 millions de véhicules des années 2017-2019.


Au niveau des pays producteurs, la Chine, qui exporte encore peu pour le moment, a représenté un tiers (33 %) de la production mondiale (la même part que pour les ventes), l’Europe 20 % (mais avec une très grosse part pour l’Europe centrale et orientale où a été délocalisée une partie importante de la production) et moins de 15 % pour les États-Unis (qui sont donc, là aussi, en fort déficit à cause de leur désindustrialisation).


Comme pour les ventes, le fait majeur des 20 dernières années au niveau de la production mondiale est l’émergence de la Chine, qui s’est en fait ajoutée aux producteurs existants. Pour le moment, elle a eu un impact limité à l'échelle internationale, puisqu’elle a essentiellement fourni son propre marché en forte croissance. Mais cette situation ne va pas durer.


Avec un peu plus de recul, on voit apparaître deux mouvements majeurs dans l’histoire de l’industrie automobile, qui précèdent celui de l’émergence de la Chine.
Les États-Unis ont construit 80 % des voitures entre 1900 et 1950
Les États-Unis ont rapidement trusté le marché mondial aux débuts de l’automobile. En effet, avec sa Ford T, Henry Ford a révolutionné la construction automobile en 1908, en la faisant passer du niveau de l’artisanat (300 constructeurs aux États-Unis à cette époque) à celui de la production industrielle de masse. Ce modèle T, construit selon la technique du travail à la chaîne, a été la première voiture accessible à presque tous en raison de son prix bas.
Ford s’est ensuite implanté en Europe, devenant le premier constructeur du Royaume-Uni. La taille du marché américain a permis aux constructeurs américains, dont General Motors et Chrysler, de se développer rapidement et d’écraser la concurrence mondiale. 80 % des voitures ont été ainsi construites aux États-Unis entre 1900 et 1950.


Ensuite, dans les années 1960, le libre-échange s'est développé avec les accords du GATT. Comme il n’existe pas de grande différence technique au niveau des voitures à l'époque, la concurrence se joue au final sur le rapport qualité-prix. Et c’est justement ce critère qui a été au cœur de la stratégie des constructeurs japonais, qui ont repensé leur organisation productive.
Le résultat ne s'est pas fait attendre : entre 1965 et 1980, leur part de marché aux États-Unis est passé de 1 % à 20 %, et ils se sont adjugés 10 % des marchés allemands et anglais. Pour contourner certaines mesures protectionnistes (par ailleurs combattues par Bruxelles), ils se sont implantés localement en Europe.

Les délocalisations ont ravagé les industries automobiles de l’Europe occidentale
En Asie, la croissance de la production chinoise a été phénoménale, jusqu’à produire en quelques années le double du Japon ou des États-Unis, soit plus de 25 millions de véhicules. Le Japon connaît depuis 30 ans une baisse continue de sa production. La production coréenne, quant à elle, a chuté de moitié sur la même période.


En Europe, de nombreux pays ont été frappés par les délocalisations, surtout dans les pays d’Europe de l’Est après leur intégration dans l’Union européenne. C’est un tiers de la production allemande et la moitié des productions française, italienne et anglaise qui ont ainsi disparu en 30 ans. L’Espagne a mieux résisté.
Plus largement, de nombreux pays ont développé des productions nationales. Là où il y n’y avait en 1954 que 6 pays dont la production dépassait 1 % de la production mondiale, ils sont désormais 20 pays à atteindre ce chiffre en 2022. Grâce au développement de leur marché intérieur, les parts de marché de la Chine, de l’Inde et du Brésil ont fortement augmenté, au détriment des pays occidentaux.


Depuis 1900, l’industrie automobile a construit plus de 3,5 milliards de véhicules. Évidemment, cette production sans cesse croissante a largement contribué aux émissions de CO2 planétaire et donc à l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. On peut estimer que les seules voitures individuelles ont été responsables de 10 à 15 % des émissions humaines de CO2.


Comme nous l’avons expliqué dans cet article, c’est le problème causé par ces émissions qui ont poussé les législateurs à promouvoir la voiture électrique.
À raison de 2 véhicules de plus par seconde, le parc planétaire approche les 2 milliards
L’ensemble des véhicules en opération (c’est-à-dire l’ensemble des véhicules achetés et encore utilisés) dans un pays est appelé le « parc automobile » ou la « flotte de véhicules ». En 2024, le parc mondial est constitué d’environ 1,8 milliard de véhicules en circulation, dont près de 1,4 milliard de voitures particulières, le tout en augmentation rapide – avec désormais 80 millions de véhicules produits tous les ans.


À ce rythme, il est probable que les 2 milliards de véhicules soient atteints d’ici 2028. En tenant compte des véhicules détruits tous les ans, le parc augmente désormais de plus de 55 millions de véhicules par an, soit 150 000 de plus par jour, 100 par minute ou 2 par seconde.


Au niveau de la répartition du parc par pays, au vu de l’Histoire, la Chine ne dispose que d’à peine 20 % du parc, contre 25 % à l’Europe.


Bien entendu, le parc mondial est poussé à croître fortement avec le développement des deux pays les plus peuplés au monde, la Chine, avec déjà 250 millions de voitures, et l’Inde, qui reste très en retard avec à peine 40 millions de voitures (attention, les chiffres indiens annonçant plusieurs centaines de millions de véhicules comptent également les motos).


De 1 à 90 voitures pour 100 habitants
Le gros problème planétaire est que les véhicules sont très mal répartis sur la Planète, comme le montre la densité de voitures : une large partie de l’Humanité dispose de moins de 5 voitures pour 100 habitants (et même 0,2 au Bangladesh), quand les États-Unis en ont près de 90 pour 100 habitants (y compris les enfants donc), soit près de 20 fois plus.


Si toute la Planète vivait comme les États-Unis, on passerait de 1,8 milliard de véhicules à plus de 7 milliards, ce qui poserait évidemment de gros problèmes au niveau des matériaux, de l’énergie et de la pollution.


On peut cependant se demander comment des pays qui ont 60 à 90 voitures pour 100 habitants vont arriver à expliquer à d’autres pays, qui n’ont même pas 20 voitures pour 100 habitants, qu’ils en ont déjà trop, et qu’il faudrait qu’ils se limitent ?
En tout cas, ce n’est clairement pas le chemin que prennent les pays émergents actuellement, ce qui est hélas bien compréhensible – la grande majorité des gens préférant faire 20 km en voiture plutôt qu’à pieds. La croissance du parc dans les 20 dernières années en Chine (x 18) et en Inde (x 5) a été impressionnante, même si ces pays partaient de très bas.


Les pays développés « raisonnables » semblent converger vers un chiffre de 60 à 70 voitures pour 100 habitants, ce qui correspond au final à environ 1,5 voiture par ménage (ce qui revient à avoir 1 voiture par foyer pour une moitié des ménages, et 2 voitures pour l’autre moitié). Et on voit mal pourquoi les pays émergents ne voudraient pas aussi disposer du même confort.


Les prochaines décennies devraient donc continuer à voir le parc mondial augmenter, et fortement. Il aura logiquement une tendance à rééquilibrer le retard des pays émergents. Mais ceci ne se fera probablement pas sans heurts économiques et environnementaux, et donc politiques.



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Ce qu’il faut retenir
Au début de 2024, les ventes sur le marché automobile européen sont reparties à la hausse, après le grand creux de 2022. Cependant, les niveaux restent bien inférieurs à ceux de 2017-2019.
La moitié des 80 millions de véhicules produits (dont 50 millions de voitures particulières) sont désormais vendus en Asie, la Chine s’adjugeant le tiers des ventes mondiales.
Au niveau de la production, l’Europe ne produit plus que 20 % des voitures et les États-Unis 15 %. En quelques années, la Chine s’est également imposée comme le plus gros producteur mondial, construisant 1 voiture sur 3.
Depuis quelques années, beaucoup de pays connaissent une forte baisse de leur production, particulièrement en Europe. C’est un effet des politiques de délocalisation qui se sont développées avec le développement de la mondialisation et du libre-échange, et que l’extension de l’Union européenne vers les pays à bas salaire de l’Europe centrale et orientale a facilitées.
Enfin, si la voiture a changé la vie dans nos sociétés, les 3,5 milliards de voitures construites ont aussi changé la Planète en raison de leurs conséquences écologiques très négatives : consommation de matières premières et pollution générée. Avec 2 voitures de plus chaque seconde, le mouvement n’est pas près de s’arrêter, car on peut encore s’attendre, à long terme, à un doublement voire à un triplement du nombre de véhicules sur la Planète, ce qui pourrait poser des tensions économiques et géopolitiques.