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À l'approche des fêtes de fin d'année, la France subit toujours les maux d'une inflation qui perdure malgré les « pics » annoncés trop hâtivement par le gouvernement. Et malgré les revendications d'une indexation des salaires sur l'inflation, ces derniers n'ont pas suivi. La santé économique des Français s'est donc dégradée, avec des répercussions sur notre économie qui vient d'entrer en décroissance. De plus, notre gouvernement a convenu avec Bruxelles de diminuer son soutien à l'économie en 2024 ; la situation devrait donc continuer à se détériorer dans les prochains mois, dans un contexte de crises internationales compliquées, entraînant un climat social pour le moins chaotique. Qu'avons-nous à craindre pour notre pouvoir d'achat et nos emplois ? Explications.

publié le 14/12/2023 Par Olivier Berruyer

1- En route vers la récession ?
2- Le PIB par habitant retrouve son niveau de... 2019
3- Une croissance plombée par le commerce extérieur
4- Une baisse du pouvoir d'achat
Ce qu'il faut retenir


Rappelons tout d’abord que le fameux PIB (Produit Intérieur Brut) est un indicateur économique qui mesure la production économique, c’est-à-dire la valeur de tous les biens et services produits. Souvent décrié – et pour de très bonnes raisons – pour son utilisation en tant que principal indicateur économique, le PIB offre cependant une bonne vision de la production économique de la France, et donc de l’évolution corrélative de nos revenus et de notre pouvoir d’achat.

En route vers la récession ?

Le deuxième trimestre 2023 avait été marqué par une croissance étonnement élevée de +0,6 %, causée essentiellement par une très forte hausse des stocks. Cet effet ne pouvant évidemment pas durer, la croissance a fortement baissé au troisième trimestre, jusqu’à devenir très légèrement négative : le PIB est ainsi annoncé en baisse de -0,1 %. On ne parle pas encore à ce stade de récession, car sa définition impose de connaître pour cela deux trimestres consécutifs de baisse du PIB.

Rappelons également que ces chiffres sont calculés avec le controversé indice des prix de l’Insee, mais que celui d’Eurostat, à la méthode de calcul harmonisée en Europe, lui est quasiment toujours supérieur. L’écart entre ces deux indices a atteint 1 point de pourcentage au début de 2023, et reste encore de 0,4 point actuellement.

De façon générale, les calculs de ces deux instituts publics de statistique ont fortement divergé en 2022. Au final, l’écart entre leur évaluation de l’inflation depuis 2015 atteint 2,7 %, pour une croissance totale durant cette période de +9,4 %. Il y a donc une incertitude sur au moins le quart de la valeur de la croissance de ces 8 dernières années, ce qui est colossal.

Si on utilisait le chiffre d’Eurostat, la décroissance serait encore plus forte. En effet, « la croissance du PIB » correspond à son augmentation sous déduction du montant de l’inflation. Le calcul de ce dernier a donc une grande importance pour la communication du gouvernement.

Au final, selon l’Insee, après le choc de la crise du Covid, la croissance sur un an semble donc se stabiliser un peu au-dessus des +0,5 %.

Il y a donc clairement « une panne » du PIB trimestriel français, qui semble « caler » à un niveau 2 à 3 fois moindre que son niveau de 2017-2019.

Si une faible croissance ou une décroissance est évidemment une bonne nouvelle pour la Planète, cela pose d’importants problèmes économiques et sociaux (chômage, pouvoir d’achat, pauvreté), puisque les gouvernements s’obstinent à ne pas adapter l’économie aux objectifs environnementaux (qui est en outre une réalité inévitable à terme pour des raisons physiques), pour créer un système qui permettrait une prospérité sans croissance.

La croissance totale pour l’année 2022, par rapport à 2021, s’établit au final à +2,5 %.

Cependant, cette croissance clôture simplement le rebond post-Covid. La perte de production (et donc de pouvoir d'achat) par rapport à la tendance 2016-2019 est très importante.

Le PIB par habitant en 2023 à peine à son niveau de 2019

Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l’évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de +2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1 %, car la croissance est trop faible.

C’est pour cette raison que, contrairement au PIB du pays, le PIB trimestriel par habitant vient à peine de retrouver son niveau d’avant crise du deuxième trimestre 2019, où il était à son plus haut historique.

Sans surprise, puisque notre pays connaît toujours une croissance démographique, la croissance sur un an du PIB par habitant est nettement plus faible que celle du PIB, et s’établit à peine à +0,3 %.

On est très loin du niveau qu’aurait atteint le PIB si la très forte croissance de la période 1995-2007 s’était maintenue : le PIB devrait être supérieur de 20 points environ. Cela confirme bien que, compte tenu de notre niveau de développement, il est illusoire de penser maintenir une croissance élevée sur une longue période.

Pour mémoire, sur toute l’année 2022, le PIB par habitant a crû de +2,2 %, 0,3 point de moins que le PIB. Mais une partie de cette croissance est probablement « fictive », simplement due à une sous-estimation de l’inflation.

Une croissance plombée par le commerce extérieur

L’analyse des contributions à la croissance du PIB (c’est-à-dire à leur effet sur la croissance de ce dernier) permet de constater que, après trois trimestres d’atonie, la demande intérieure (hors stocks) a nettement rebondi au troisième trimestre 2023 ; elle a soutenu la croissance à hauteur de +0,5 %. Le PIB a cependant était plombé par un fort impact négatif du commerce extérieur, et par une baisse des stocks logique après la forte hausse du deuxième trimestre (ceux-ci ont au fil du temps un impact quasi nul en moyenne).

Pour mieux comprendre, intéressons-nous à l’évolution des principales composantes du PIB. Les croissances les plus importantes sont venues de la consommation des ménages (+0,6 %) ainsi que de la consommation (+0,5 %) et de l’investissement (+0,8 %) du secteur public. Les impacts négatifs les plus importants ont été ceux des exportations (-1 %) et de l’investissement des ménages (-1 %), ce dernier poste correspondant principalement à la construction immobilière qui est sinistrée.

Analysons plus en détail ces chiffres et leur évolution. Le trimestre précédent a été marqué :

  • par la poursuite de la stabilité de la production de biens depuis un an, ce qui est cohérent avec la consommation relativement déprimée depuis un an ;
  • par une forte baisse de la construction immobilière, qui va mal depuis plus d’un an en raison de la crise immobilière qui se développe. C’est une autre conséquence de l’inflation, comme on l’a vu dans notre analyse du marché immobilier ;
  • et par une reprise modérée de la croissance des services.

La croissance observée de la consommation est principalement due à la forte croissance des achats de biens fabriqués, après un an de léthargie. On observe également un léger rebond de la consommation alimentaire des ménages (voir notre article) après un an de crise alimentaire en raison de la forte hausse des prix. Avoir faim, avoir froid, c’est aussi une conséquence de l’inflation. La consommation d’énergie est quant à elle restée stable.

Concernant le commerce extérieur, le trimestre précédent a connu une croissance nulle des importations, mais aussi une très importante baisse des exportations. Cette baisse a été principalement causée par un important recul des ventes de matériel et services de transports (-5 % et -3 %), de biens d’équipement (-2 %) et de produits agricoles (-3 %). Le solde est donc largement négatif et explique la large contribution du commerce extérieur à la décroissance de la production, à hauteur de 0,4 point de PIB. Cette tendance est peu surprenante dans la mesure où, sur la dernière décennie, le commerce extérieur pèse plutôt négativement sur la croissance française, comme nous l'avons analysé dans cette chronique.

Au final, la demande intérieure hors stocks a eu une contribution positive de +0,5 point de croissance.

Enfin, la variation des stocks a plombé la croissance à hauteur de -0,2 point de PIB (déstockage), ce qui signifie que les entreprises ont dû diminuer leurs stocks en raison de la hausse de la demande.

+0,5 point de demande intérieure, -0,4 point d’effet du commerce extérieur, -0,2 point de stocks : voici l’explication de la décroissance de -0,1 point sur ce 3e trimestre 2023.

La réalité française, c'est que les ménages ont de gros problèmes financiers, au moins pour une grande partie d’entre eux. Malgré le petit sursaut au niveau de la consommation des ménages, leur situation n’est pas très bonne depuis un an. On peut donc être inquiet pour les prochains trimestres, d’autant que le déstockage n’a été que partiel, et qu’il risque encore d’impacter négativement la croissance au dernier trimestre. Les indicateurs avancés de conjoncture économique, que nous avons analysés dans cet article, laissent malheureusement craindre le pire pour les prochains mois.

Baisse du pouvoir d’achat

Au niveau des ressources des ménages, le trimestre précédent a été marqué par une très faible hausse de la masse salariale versée par les entreprises de +0,5 % — c’est la plus faible hausse depuis début 2021. L’emploi est resté stable durant ce trimestre.

Les traitements des fonctionnaires ont pour leur part augmenté de +1,6 % (revalorisation du point d’indice en juillet), alors que les revenus des entrepreneurs individuels ont baissé de -0,1 % – ce qui est bien loin de compenser l’inflation… Les prestations sociales ont quant à elles augmenté de +0,6 %.

Enfin, les plus fortunés ont vu leurs revenus provenant des dividendes et des intérêts perçus augmenter encore de +3,2 %, du même ordre de grandeur que les trimestres précédents. C’est une conséquence de la hausse des profits des entreprises qui profitent de l’inflation pour sur-augmenter leurs prix.

De façon générale, les ménages ont payé plus d’impôt sur le revenu (+0,6 %) et de cotisations sociales (+1,2 %).

On constate ainsi au global une hausse des revenus des ménages de +0,9 % et une hausse identique de leurs charges. Au final, le revenu par personne (ou plus précisément, le revenu disponible brut par unité de consommation) a augmenté de +0,8 % au cours du trimestre précédent. C’est une moyenne qui connaît évidemment de très importants écarts individuels.

Le fait économique majeur de 2021-2023 a été le retour d’une forte inflation (analysé dans cet article). Comme l’inflation a été de +1,0 % au cours du trimestre précédent et que les revenus ont augmenté de +0,8 %, le pouvoir d’achat par personne en France a donc diminué de -0,2 % sur la même période. Comme la consommation a malgré tout progressé, cela signifie que les ménages ont moins épargné, pour pouvoir consommer plus.

Rappelons que 2022 a été une mauvaise année pour le pouvoir d'achat : selon l’Insee, il a baissé de -0,3 %. 2023 va donc certainement prolonger cette tendance délétère avec un recul du pouvoir d'achat réel pour beaucoup de Français.

La croissance du pouvoir d’achat sur moyenne période est donc très faible, d’environ 0,5 % par an depuis 2020, tout en sachant que ce résultat médiocre (trois fois plus faible que dans les années 2000) a été atteint au prix d’un énorme endettement public, de subventions aux grandes entreprises, d’une forte baisse des taux et d’une gigantesque création monétaire par la banque centrale. Sans tout ceci, il est certain que le pouvoir d’achat aurait fortement diminué.

En réalité, la crise de 2008 a mis un brutal coup d’arrêt à la croissance de l’économie, et de nombreux expédients coûteux ont été utilisés depuis lors pour retrouver « l’économie d’avant », sans aucun succès réel. La poursuite de la cessation progressive de ces expédients en 2024 (par la baisse des déficits publics, qui poursuivront le choc entamé avec la hausse des taux survenue en 2022) va hélas probablement le démontrer.

Ce qu’il faut retenir

Le PIB a très légèrement baissé de -0,1 % au 3e trimestre 2023, principalement en raison d’une importante diminution des exportations et des stocks, alors même que, pour une fois, la consommation des ménages avait progressé.

Sur un an, le niveau de la croissance n’est plus que de +0,6 %, et la croissance par habitant de +0,3 %.

Dans notre système économique actuel, la faible croissance entraîne de faibles revenus. En conséquence, le pouvoir d’achat par personne a diminué de -0,2 % au dernier trimestre, ce qui a entrainé une baisse du taux d’épargne. Ces chiffres ne sont que des moyennes nationales, les classes moyennes et défavorisées ont évidemment davantage souffert.

Le pouvoir d’achat est à la traine depuis au moins 4 ans, bien que le véritable point de départ soit la crise de 2008. Les augmentations de pouvoir d’achat survenues depuis lors doivent être mises en parallèle des soutiens hors normes réalisés depuis : déficits publics, création monétaire, baisse des taux. La fin annoncée des soutiens publics à l'économie va sans doute montrer que la crise de 2008 n’a en fait jamais été surmontée, et que ce modèle économique est à bout de souffle. En attendant, il est probable que 2024 soit une année difficile économiquement et socialement. Nous ferons donc de notre mieux pour vous informer sur ces sujets.

Cette analyse graphique originale d'Olivier Berruyer pour Élucid est une mise à jour de notre suivi régulier et actualisé des grands indicateurs économiques.

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