Quelle ultime précaution un homme d’État avisé peut-il prendre avant de remplacer la monnaie de son pays, lancer un coup d’État ou remporter à coup sûr un scrutin ? Faire appel aux géomanciens, eux seuls savent si l’avenir vous sera favorable. Que ce soit le généralissime Than Shwe au Myanmar, le président Yoon en Corée du Sud ou l’élu local Mazlan Idris en Malaisie, tous ont recouru aux oracles pour assurer leurs arrières. Tous ont misérablement échoué. La réalité crue des faits n’y change rien. Les zawgyis « sorciers » et les nats « esprits » du Myanmar, les paksus « chamans » coréens ou encore les bomohs « homme-médecine » du monde malais sont avidement consultés. Parcours initiatique dans un univers très coloré.

Malacca, le 18 février 2025 à la veille du Nouvel An chinois, les fidèles affluent au temple du nuage vert, le Cheng Hoong Teng. On y vient seul ou en famille prier et faire ses offrandes aux divinités afin que l’année du serpent délivre la fortune. Les vêtements rouges sont à l’honneur. Le rouge, c’est connu, chasse les mauvais esprits, repousse la malchance, et à l’inverse attire la chance. Les rafales de pétards montent crescendo à travers la cité. Le bruit, aussi, participe à la chasse aux mauvais esprits. Les rues sont bientôt recouvertes des débris d’amorces. Une fumée âcre s’élève au-dessus des toits. L’essentiel y est : vacarme, offrandes et prières assureront la bonne fortune pour l’année à venir.
Ces croyances populaires chinoises s’illustrent également dans le festival des fantômes affamés. Il se déroule tout au long du 7e mois lunaire (juillet-août) lorsque les portes de l’enfer (l’au-delà) s’ouvrent et libèrent les âmes des ancêtres qui s’en viennent hanter les vivants. Ces croyances se distinguent à nouveau dans le festival pluriannuel du Wangkang, le « bateau de l’empereur » destiné à conduire vers l’au-delà les âmes errantes. Que ce soit en priant les divinités à la veille du Nouvel An, en régalant de cadeaux les ancêtres pendant le festival des fantômes affamés ou en aidant les âmes errantes à trouver le repos éternel, tous ces rites ont un point commun : attirer la bonne fortune sur soi.
Cette dernière peut être consultée dans les temples, il suffit de tirer les kau chim ou « loterie poétique », c’est-à-dire les bâtonnets divinatoires. La procédure est simple, recueillez-vous devant la divinité en tenant entre vos mains un cylindre en bambou rempli des bâtonnets. Inclinez-le légèrement avant de l’agiter, par gravitation l’un de bâtonnets s’en détachera. Lancez alors les jiaobei, les « blocs de lune » (deux pièces de bois en forme de croissant de lune, l’une des faces est bombée, l’autre plate). Si les jiaobei retombent sur deux faces différentes, reprenez le bâtonnet et notez le numéro qui y est inscrit. Il ne vous reste plus qu’à retirer auprès des servants du temple l’oracle correspondant. Au cas où les blocs de lune tombent sur les mêmes faces bombées ou plates, réinsérez le bâtonnet dans le cylindre et recommencez toute l’opération jusqu’à ce que votre oracle soit dévoilé.
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