Le décès de la Reine d'Angleterre Élisabeth II, le 8 septembre dernier, a provoqué outre-Manche un deuil collectif d'une ampleur sans précédent, pouvant étonner de notre point de vue de citoyens français. Des différences majeures séparent les cultures politiques française et anglaise ; notre vision de l'unité, ce qui nous lie à la nation, trouve racine dans des histoires bien différentes, aujourd'hui remises en cause par un système néolibéral délitant le sens du collectif. Que restera-t-il demain de ces siècles passés ?
Le premier souci d’un corps politique résidant dans sa perpétuation, il existe un point crucial dont tous ses membres devraient avoir le souci : celui de l’unité. Bien avant même la question de sa défense contre des ennemis extérieurs, l’unité d’un corps politique constitue la condition première de sa résistance au temps. De Gaulle l’avait bien compris lorsqu’il s’inquiétait, dans les premières lignes de ses Mémoires de guerre, des « ferments de dispersion » propres au peuple français et source de ses malheurs.
Dans le cas du Royaume-Uni, si l’unité est historiquement constituée comme partout ailleurs par un ensemble de facteurs, le principe monarchique est peut-être le premier d’entre eux. Car ce principe détermine très concrètement un lien, qui unit au monarque l’immense majorité de ses sujets, l’ensemble de ceux pour qui ce lien constitue une part évidente et substantielle de leur identité civique.
Le roi (ou la reine), à travers sa personne, exerce une fonction symbolique de la plus haute importance, en tant qu’il incarne et concentre en lui l’identité collective dans laquelle chacun est appelé à se reconnaître. La conjonction totale d’une personne et d’un peuple dans l’enveloppe physique du souverain donne à cet individu une position suréminente qui permet aux autres de prendre conscience de la part de collectif qu’ils portent en eux, part instituante aussi bien de leur personne que de leur nation.
L’instauration d’une monarchie parlementaire à partir du XVIIe siècle a permis l’adaptation du lien monarchique à la modernité. S’il porte en lui la marque d’un attachement prémoderne à l’inégalité — qui façonne aujourd’hui encore des pans entiers de la société anglaise —, il est par ailleurs tout à fait compatible avec l’exercice effectif de la souveraineté par le peuple, ainsi qu’avec l’octroi de droits et libertés très étendus aux individus. Il faut y voir une preuve de ce que ce lien joue un rôle clé non pas tant dans le domaine du pouvoir que dans celui du symbole qui le sous-tend.
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