La Ve République n’est plus adaptée à ce qu’est devenue la sociologie électorale, effet des transformations profondes qu’a connues la France depuis le début des années 1980. Le sondeur et géographe Jérôme Fourquet, auteur notamment de la trilogie L’Archipel français, Naissance d’une nation multiple et divisée (Seuil, 2019), La France sous nos yeux, économie, paysages, nouveaux modes de vie (co-écrit avec Jean Laurent Cassely, Seuil, 2021) et La France d’après, tableau politique (Seuil, 2023), décrit les ressorts des deux dynamiques contradictoires, celle qui porte le RN et celle qui a réactivé le front républicain, dont le télescopage est à l’origine du blocage institutionnel actuel.
Laurent Ottavi (Élucid) : À la surprise générale, le Nouveau Front Populaire (NFP) a été porté en tête des élections législatives de l’été dernier, sans qu’il soit en mesure d’imposer un Premier ministre. Le Rassemblement national a fait un bond spectaculaire depuis les dernières élections législatives sans parvenir lui non plus à gagner Matignon. Le bloc central, enfin, a réussi à limiter les dégâts. La reconfiguration politique que vous analysez depuis quelques années ne fait-elle que suivre son cours ?
Jérôme Fourquet : Le paysage demeure conforme à ce qui a été observé au moment du premier tour de l’élection présidentielle de 2022 : un bloc central porté par Emmanuel Macron, un bloc de droite nationale incarné par le RN et Zemmour et un bloc de gauche rassemblé pour l’essentiel par Jean-Luc Mélenchon. Cette structuration autour de trois grands blocs s’est cependant modifiée en termes de rapports de force et de répartition de sièges. La situation actuelle résulte du choc de deux dynamiques contradictoires qui sont aussi deux phénomènes politiques majeurs.
D’un côté, on constate l’impressionnante progression du RN qui était à 18 % en moyenne aux élections législatives de 2022 et se situe désormais à 33 % avec son allié ciottiste, un score d’autant plus marquant dans un contexte de forte participation. De l’autre côté, en réaction à la première dynamique, on a observé la réactivation très nette du front républicain, traduisant le fait qu’une majorité absolue de Français ne veut toujours pas du RN au pouvoir.
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