Après avoir vu comment et pourquoi la France s’enfermait dans des alliances fantasmées, ce second article continue à explorer le vocabulaire de nos dirigeants en matière de relations internationales. Il s’agit maintenant d’interroger la conception très peu politique que les Occidentaux, les Américains en particulier, mais aussi les Français, se font aujourd’hui de leurs ennemis, ou plutôt de leurs « agresseurs », une notion de droit international qu’ils utilisent pour mieux enfreindre les textes officiels.
À la lecture du traité de Versailles, le juriste Carl Schmitt craignait que la guerre fût désormais affiliée aux domaines du droit et de la morale, et non plus à celui du politique. L’article 231, sources de tant de controverses, blâmait l’« agression », terme mentionné 8 fois dans l’ensemble du texte, dont l’Allemagne et ses alliés s’étaient rendus coupables. Un tel vocable apparentait les puissances vaincues à des délinquants ou des criminels, autrement dit à des individus portant atteinte à la dignité d’autrui, commettant une entorse au droit pénal et face auxquels la prise des armes aurait relevé de la légitime défense. L’article 227 prévoyait en conséquence la mise en accusation publique de l’Empereur Guillaume II devant un tribunal spécial pour « offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités ». Il fut finalement abandonné.
Le protocole de Genève, proposé cinq ans plus tard par le Premier ministre britannique Ramsay MacDonald et le Président du Conseil français Édouard Herriot, s’inscrivait dans la continuité à la fois du Traité de Versailles et des deux conférences internationales de La Haye (1899 et 1907), qui avaient entrepris de limiter l’escalade de l’armement, de réduire l’utilisation des armes les plus dangereuses et de faire reconnaître, dans les cas appropriés, le principe de l’arbitrage en prévention des conflits armés entre les nations. Le document faisait 18 fois référence aux mots d’« agression » et à ses déclinaisons. Tenue pour une « violation de [la] solidarité [des membres de la "communauté internationale"] et un crime international », elle valait assistance de la part des membres de la Société des Nations au pays attaqué ou menacé, dans la mesure où sa situation particulière le permettait.
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