« L'OTAN ne doit pas dicter la politique étrangère de la France » - Roland Dumas

Diplômé en droit et de l’École libre des sciences politiques, Roland Dumas (1922-) devient avocat à la Cour d’appel de Paris et, parallèlement, travaille en tant que journaliste pour les rédactions de L’Information et du Nouveau Journal. Il commence sa carrière politique en 1956 lorsqu’il est élu député socialiste de la Haute-Vienne. Au cours des deux mandats de François Mitterrand, il sera nommé ministre délégué aux Affaires européennes (1983–1984), ministre des Relations extérieures (1984–1986), puis ministre des Affaires étrangères (1988–1993).

Olivier Berruyer : Monsieur Dumas, vous avez été chargé des Affaires étrangères au gouvernement pendant plusieurs années, de 1984 à 1986, puis de 1988 à 1993. Quel regard portez-vous sur l’évolution récente de la diplomatie française ?

Roland Dumas : Selon moi, la diplomatie française s’anémie, au sens médical du terme ; c’est-à-dire qu’elle se vide progressivement de son sens. Un autre problème réside dans le changement brutal d'orientation de notre diplomatie, par rapport à celle qui existait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Général de Gaulle avait souhaité nous réintégrer dans le clan des vainqueurs, il l’a dit un grand nombre de fois. Tout cela a été changé et aujourd’hui, nous sommes dans l’Alliance, mais cette Alliance n’est plus la même. Cela nous conduit à considérer notre anémie comme un élément de réalité des forces, un état de fait.

Or, la position de la France, et en particulier celle du Général de Gaulle, de Pompidou, de Giscard et de Mitterrand, était celle de l'indépendance stratégique. Nous étions dans l'Alliance atlantique avec la compétence et la loyauté que cela comporte, mais nous restions maîtres de nos engagements.