Long de 397 pages, le rapport Draghi contient toute sorte de recommandations dont certaines, qui pourtant ne risquent pas de retenir l’attention des commentateurs, sont essentielles puisqu’elles touchent à la fabrication de la loi. Or, compte tenu de la publicité qui a entouré la préparation et la remise de ce rapport, ainsi que du poids politique de son auteur (un ancien Président de la BCE), on peut légitimement penser que l’intention de la Commission européenne est de s’en servir comme programme pour sa prochaine mandature. D’autant plus que le 20 septembre dernier, 20 États membres de l’Union européenne ont signé une note diplomatique commune demandant à la Commission et au Conseil de l’UE de mettre en œuvre de manière prioritaire le volet « simplification administrative » du rapport, qui est l’objet du présent article. Il convient donc de lui accorder toute notre attention et prendre au sérieux ce qu’il propose.
Sans même discuter de la pertinence des recommandations faites dans le rapport, la façon dont celui-ci a été produit est extrêmement révélatrice du fonctionnement de l’Union européenne.
Un rapport révélateur du fonctionnement de l’Union européenne
Tout d’abord, comme le dénonçait l’organisation non gouvernementale, Corporate Europe Observatory, le rapport a été rédigé dans l’opacité la plus totale, sans que l’on sache qui exactement a été consulté. Cette opacité dans la prise de décision est une des grandes traditions des institutions européennes, en particulier du Conseil de l’UE, de la BCE, et plus généralement des relations entre fonctionnaires européens et lobbyistes.
Mais l’examen du chapitre du rapport qui nous intéresse, celui dédié à la gouvernance et à la simplification administrative, ne nous laisse pas trop de doute sur l’identité des personnes qui ont été consultées et qui ont influencé sa rédaction.
En effet, il s’agit pour une très large part d’un immense « copier-coller » de propositions faites depuis 2011 par la table ronde des industriels (l’ERT) et par Business Europe (les deux lobbys les plus influents sur la scène politique européenne), et déjà reprises quasiment mot pour mot dans une proposition de texte de la Commission de 2015.
Ce que cela révèle, c’est que rien n’a changé et que rien ne changera dans le fonctionnement de l’Union européenne et de ses institutions, qui constituent une corporatocratie : un gouvernement des multinationales, par les multinationales et pour les multinationales. Ce sont elles qui, depuis l’ère Delors, influencent les traités, les directives, les règlements mais aussi, comme on peut le voir ici, les rapports programmatiques.
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