L’UE contre l’Europe : quand l’idéologie écrase l’histoire d’un continent

Sarah Wagenknecht, responsable politique d’envergure outre-Rhin, a récemment créé un parti qui renouvelle grandement l’offre politique à gauche. Dans le cadre d’un entretien accordé à Marianne, elle est revenue sur une idée qui lui est chère selon laquelle l’Union européenne, « dans sa constitution actuelle, porte atteinte à l’idée européenne ». Si cette conviction est communément répandue dans les milieux eurosceptiques, il faut se réjouir qu’elle en sorte aujourd’hui pour alimenter le débat public. Mais quel en est le fondement ?

publié le 12/03/2024 Par Éric Juillot

C’est en effet un paradoxe encore largement méconnu. Loin d’exprimer la quintessence de l’Europe, loin de constituer l’aboutissement grandiose de sa trajectoire historique, le projet européiste s’est révélé au fil des décennies toujours plus attentatoire à ce que l’Europe a de plus précieux dans l’ordre politique. Pour le comprendre, il faut rappeler à (trop) gros traits les éléments les plus fondamentaux de l’histoire européenne des derniers siècles.

L’Europe, un héritage historique en question

L’extraordinaire fécondité de la civilisation européenne depuis cinq siècles est attestée dans tous les domaines : artistique, intellectuel, scientifique, technique, économique, mais aussi politique. Tous participent de ce qu’il est convenu d’appeler la « modernité », soit le dégagement progressif de l’univers religieux prémoderne, la désintrication de l’au-delà et de l’ici-bas, et l’investissement subséquent de ce dernier par l’esprit humain.

C’est peut-être dans l’ordre politique que l’œuvre a été la plus décisive, dans la mesure où elle a constitué, et constitue encore, le fondement de l’être-en société, sans lequel rien ne serait possible. Or, la solidité de l’édifice sociopolitique se résume à un concept : celui de l’État-nation. Façonné par les siècles, par la littérature et par les arts, par le droit et l’économie, par les guerres et les progrès de l’administration, par les succès comme par les revers, par la violence autant que par l’amour, l’État-nation est une gigantesque entreprise historique, pour une part consciente et pour une autre non, dans laquelle le hasard et l’intention ont chacun joué leur rôle.

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