Entre la Chine et les États-Unis, le cœur d’Hanoï balance. Si la Chine est idéologiquement et physiquement proche du Vietnam, elle demeure l’ennemie héréditaire. À l’inverse, si les États-Unis se révèlent idéologiquement et physiquement éloignés, ils n’en sont pas moins devenus le principal débouché économique du Vietnam.

publié le 29/01/2024 Par Jack Thompson

En favorisant à tour de rôle chacune des deux superpuissances opposées, Hanoï exerce une subtile contre-pression sur ses encombrants partenaires. En théorie du moins, car tout en souplesse qu’elle puisse être, cette stratégie dite « du bambou » n’abuse personne. À chaque fois qu’Hanoï sollicite l’un de ces « alliés », celui-ci accourt, promettant monts et merveilles. Las, ceux-ci ne se matérialisent jamais sans contreparties. À terme, cette stratégie n’est pas sans effets pernicieux ; à trop y recourir, Hanoï risque de voir sa souveraineté si chèrement acquise se réduire à peau de chagrin...

À Hô Chi Minh-Ville, en plein quartier des affaires, la « Galerie des atrocités américaines » a depuis longtemps été renommée en un plus lisse « Musée des vestiges de guerre ». Les visiteurs dont nombre de touristes y découvrent des images fortes de la guerre du Vietnam et de ses séquelles. Y compris les abominables déformations engendrées par l’agent orange, ce défoliant utilisé en masse par les États-Unis. Glaçant.

Pour faire bonne mesure, la France est aussi à l’honneur avec une authentique guillotine ayant servi à éliminer les réfractaires à l’ordre colonial. Elle se dresse là dans le parc du musée, prête à l’emploi, sans nul garde-fou sinon un simple panneau interdisant de s’y installer. Les encouragements tapageurs de collégiens parcourant les lieux à grandes enjambées parviennent jusque-là. Laissons leurs professeurs leur enseigner les combats de leurs grands-parents avant qu’ils ne s’y coupent les doigts ou pire…

Musée des vestiges et crimes de guerre, Hô Chi Minh Ville, Vietnam - @JackThompson

À Danang, au centre Vietnam, à quelques mètres d’une plage s’étendant à l’infini s’élève un autre musée symbolique mais très peu fréquenté. Les galeries des Hoang sa, les « Paracels » des Français, sont aussi chargées politiquement que celles des vestiges de guerre d’Hô Chi Minh-Ville. Situé juste en face de Danang, cet archipel fut formellement incorporé à l’empire d’Annam en 1816. Balayant les défenses d’un Sud Vietnam à bout de souffle, la Chine s’en empara en 1974. Au cœur d’un édifice flambant neuf se dresse une reproduction – probablement surdimensionnée – de l’obélisque/marqueur territorial érigé aux Paracels par la France en 1938.

Dans les étages s’accumulent des cartes et autres documents attestant de la souveraineté du Vietnam sur les Hoang sa. Un argumentaire particulièrement cinglant sur les récurrentes exactions chinoises au sein de la ZEE (zone économique exclusive) revendiquée par le Vietnam y est développé. Au cœur de cette démonstration patriotique, le face-à-face sino-vietnamien de 2014 survenu lors de l’installation par Pékin au large des côtes vietnamiennes d’une plateforme d’exploration pétrolière. Un écran diffuse en boucle les images dramatiques d’un gros cargo chinois pourchassant inlassablement un petit bateau de pêche vietnamien, jusqu’à l’accrocher et sans autre forme de procès l’envoyer par le fond. Depuis, l’épave a été renflouée et témoigne des violences chinoises à l’extérieur du musée , les marques du coup fatal y sont on ne peut plus visibles.

Réplique de l'obélisque érigée par la France en 1938 aux Paracels, Musée des Hoang sa, Danang, Vietnam - @JackThompson

Ces deux musées illustrent la complexité des relations entretenues par le Parti communiste vietnamien (PCV) avec la Chine et les États-Unis. Si le « grand frère » chinois a épaulé le PCV dans ses combats contre la France, puis les États-Unis, la brouille entre les deux « pays frères » sourdait déjà au lendemain de la chute de Saïgon en 1975. Quatre ans plus tard, les troupes chinoises franchissaient les frontières terrestres du nord Vietnam pour infliger une « bonne leçon » à Hanoï. Le Vietnam avait osé renverser le régime sanglant d’un allié de Pékin, les Khmers rouges. La brièveté de l’intervention pékinoise et le monumental cimetière chinois qui en a résulté laisse dubitatif. Une leçon effective, mais pour qui ? Le Vietnam ou la Chine ?

L'ultime accrochage sino-vietnamien d’envergure concerne l’archipel des Spratleys, en 1988, où la Chine massacra un contingent de marins vietnamiens. La marine chinoise s’implanta alors sur ces confettis de terres émergents à peine des flots, un archipel inhospitalier battu par les tempêtes tropicales. La normalisation des relations diplomatiques entre les deux frères ennemis ne sera entérinée qu’en 1991.

Quatre ans plus tard, Hanoï et Washington enterraient à leur tour la hache de guerre. La page douloureuse des trois guerres d’Indochine se tournait peu à peu. Depuis, tous les présidents américains en exercice se sont rendus au Vietnam. Joe Biden vient de s’y commettre, effectuant au passage un singulier pèlerinage sur le site du crash d’un célèbre pilote américain de la guerre du Vietnam. Pour avoir refusé une libération anticipée par égard à ses compagnons d’infortune, l’ancien sénateur John McCain (1936-2018), dont l’avion fut abattu en 1967, demeura « l’hôte » d’Hanoï jusqu’en 1973.

L’ami américain

L’affaire était entendue. À l’occasion de la visite d’État du président Joe Biden au Vietnam les 10 et 11 septembre 2023, le « partenariat stratégique » signé entre Hanoï et Washington en 2013 serait élevé au rang de « partenariat stratégique intégral ». Une rareté. En effet, seules la Chine, l’Inde, la Russie et la Corée du Sud bénéficiaient jusque-là d’une telle ouverture diplomatique. La déclaration commune publiée le 11 septembre se révèle très consensuelle :

« Dans ce nouveau cadre, les dirigeants ont souligné les principes fondamentaux qui guident les relations Vietnam – États-Unis, notamment le respect de la Charte des Nations unies, du droit international et du respect du système politique, de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chacun. »

En clair, Washington s’aligne avec la politique de défense du Vietnam schématisé sous la forme des « quatre non ». Non aux alliances : en aucun cas le Vietnam ne se joindra à une coalition de type QUAD, AUKUS. Non aux bases militaires étrangères : la rumeur d’un retour de l’US Navy dans la baie de Camh ranh était infondée. Non aux alliances bilatérales contre un pays tiers : Hanoï ne signera pas de traité de défense avec Washington contre Pékin. Et enfin, non au recours à la force dans les relations internationales : un message destiné aussi bien aux Chinois qu’aux Américains, toujours prompts à envisager une action militaire. Non, non, non et non, le Vietnam ne cherche pas l’affrontement.

Autrement dit, le Vietnam refuse d’être embrigadé dans l’éventuelle création d’un bloc indopacifique similaire à celui de l’OTAN. Ainsi, Hanoï entend demeurer à l’écart des rivalités croissantes entre Pékin et Washington. Toutefois, question défense, le PCV ne fait pas autant la sourde oreille à l’oncle Sam. En 2016, l’embargo sur les armes a été levé par Washington ; depuis lors, quelques menus contrats ont été signés.

Quelques jours après la visite de Joe Biden, les médias firent état d’une négociation préliminaire autour de l’acquisition d’une flotte de chasseurs F-16 par le Vietnam. Une rumeur diamétralement opposée circulait également : Hanoï se serait engagé à acheter pour 8 milliards de dollars d’équipements russes au cours des 20 prochaines années. Cet accord irrite Washington au plus haut point : tout soutien à la Russie en guerre avec l’Ukraine serait passible de sanctions. Étrange, l’Inde avec qui les États-Unis déploient des trésors de courtoisie n’est pas concernée. Et pourtant, son principal fournisseur d’armes est bel et bien Moscou. Or, il n’est nulle question de sévir contre New Delhi. N'y aurait-il pas un deux poids, deux mesures ?

Hanoï le sait fort bien et n’a cure des récriminations du Pentagone, ses préoccupations sont ailleurs. Certes, des F-16 seraient les bienvenus pour refroidir les ardeurs de Pékin en mer de Chine du Sud ; en même temps, les acquérir susciterait à coup sûr l’ire de la Chine. Mi-octobre, le « choix » d’Hanoï demeurait ambigu, le président vietnamien Vo Van Thuong invitait son homologue russe à lui rendre visite. Vladimir Poutine a répondu «avec joie », aussi bien pour contrarier les desiderata de Washington que de Pékin qui déteste voir ses voisins se procurer des armes.

Ces tractations en coulisses réduisent la portée du partenariat stratégique intégral signé entre Hanoï et Washington. Notons toutefois l’avertissement adressé à la Chine à travers la déclaration commune du 11 septembre. Le Vietnam et les États-Unis s’engagent à « collaborer et échanger des informations et des expériences pour accroître l’efficacité de la coopération maritime et des efforts visant à lutter contre la criminalité transnationale, la piraterie… ». Ainsi, Hanoï et Washington observeraient conjointement les activités de Pékin en mer de Chine du Sud. Ils ne risquent pas de s’y ennuyer : selon l’association vietnamienne des pêcheurs de Ly Son, entre 2014 et 2022, pas moins de 98 navires vietnamiens ont été détruits par leurs homologues chinois.

Le partenaire économique

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le premier marché à l’export du Vietnam n’est pas l’Atelier du monde frontalier, mais les États-Unis, dont il est le sixième fournisseur mondial. Selon le bureau des statistiques national, le Vietnam a exporté en 2010 pour 7,7 milliards de dollars de produits vers la Chine et pour 14 milliards vers les États-Unis. En 2022, ces exportations se montaient respectivement à 58 et 109 milliards de dollars. Les États-Unis représentent près de 30 % des débouchés du Vietnam à l’export. Par contre, le déficit commercial américain à l’égard de son fournisseur demeure abyssal avec seulement 9,7 milliards d’exportations en 2022.

À défaut de la vente de F-16, la visite d’État de Joe Biden se devait d’être marquée par des annonces commerciales fortes. Fort à propos, Vietnam Airlines s’est porté acquéreur de 50 Boeing 737 (environ 7,5 milliards de dollars). Plus stratégiques, les États-Unis investissent au Vietnam dans les nouvelles technologies. En octobre, Amkor Technology a inauguré près d’Hanoï une usine de semi-conducteurs (1,6 milliard de dollars) ; de son côté, Intel a injecté 1,5 milliard de dollars à Hô Chi Minh-Ville.

Autre secteur clé, les « terres rares » qui se trouvent être très abondantes au Vietnam. Le pays dispose des secondes réserves mondiales après la Chine, 22 millions de tonnes contre 44 millions. Ces minéraux essentiels à la fabrication des batteries des véhicules électriques et des écrans de smartphones sont complexes – polluants aussi… – à extraire. Ils constituent un quasi-monopole pour la Chine qui assure près de 60 % de la production mondiale et contrôle 90 % de leur traitement. Aujourd’hui, l’apport du Vietnam est anodin. À l’heure où les États-Unis découplent et « dé-risquent » leurs investissements en Chine, Hanoï dispose là d’une carte à jouer, une carte éminemment stratégique.

Lorsque Joe Biden déclare que « le Vietnam et les États-Unis sont des partenaires essentiels à ce que je considère comme une période très critique », l’intérêt des États-Unis envers le Vietnam va bien au-delà de simples échanges économiques. Si aucune alliance militaire n’est envisageable, Washington inclut peu à peu Hanoï dans sa stratégie globale d’endiguement de la Chine par ces investissements technologiques.

Le grand frère chinois

La Chine ne pouvait rester indifférente aux manœuvres américaines. Hors de question qu’Hanoï dérive trop loin de son orbite naturelle, celle de Pékin. Une visite d’urgence s’imposait donc. Elle s’est déroulée les 12 et 13 décembre. Histoire de souligner leur parenté idéologique, le président Xi Jinping a payé ses respects au camarade Hô Chi Minh. La comparaison avec l’hommage de Joe Biden envers John McCain est piquante. À chacun ses héros...

Ouvert à tous, le monument du père fondateur de la République socialiste du Vietnam en impose. Pour certains, la visite s’effectue à marche forcée. « C’est le mausolée de notre grand héros Hô Chi Minh, né en 1890, mort en 1969. Son mausolée est gardé 7 jours/7, 24 heures/24 ». La voix du guide claque comme un fouet : « Je vous traduis la bannière à gauche : “Longue vie à la République socialiste du Vietnam”. À droite […] Bon, vous prenez les photos et on continue ». En moins de cinq minutes chrono, l’affaire est rondement menée.

Moins stressées, des familles vietnamiennes posent devant les portes closes de l’édifice. Le sourire aux lèvres, des jeunes esquissent de vagues saluts militaires. En arrière-plan, la relève des hommes de la garde d’honneur aux uniformes immaculés se déroule au rythme lent d’un pas de l’oie d’une rigidité à vous infliger des crampes. Entre l’hiératisme des lieux, la solennité de ses gardiens et la nonchalance mesurée des Vietnamiens, le contraste est saisissant.

Mausolée d'Hô Chi Minh, Hanoi, Vietnam - @JackThompson

Il en va de même entre les inquiétudes de la population vietnamienne et l’influence grandissante de la Chine. Plus les Chinois déploient leur puissance renouvelée aux yeux du monde, plus les Vietnamiens se montrent réservés. Le rapport annuel sur l’état de l’Asean publié à Singapour est détonnant. Si un tiers des Vietnamiens perçoivent la Chine comme un garant de la stabilité régionale depuis le XXe Congrès du PCC, son emprise croissante n’inspire que défiance. Les deux tiers des Vietnamiens redouteraient qu’à l’avenir, Pékin fasse usage de sa force militaire et économique pour menacer la souveraineté du Vietnam.

Dans le même temps, la confiance envers les États-Unis s’érode : 72 % des Vietnamiens estimaient que Washington ferait « ce qui est nécessaire » pour préserver la paix en 2022, mais seulement 51 % en 2023. Un tiers des sondés considèrent que les États-Unis exercent également leur puissance militaire et économique à l’encontre du Vietnam. Globalement, le cœur des Vietnamiens s’enflamme en faveur du « rêve américain ». En matière d’éducation, l’Amérique demeure la destination phare des étudiants. Les universités chinoises, elles, sont franchement rejetées. Un millénaire de confrontations n’y est sûrement pas étranger.

Suite à la visite de Joe Biden, le président chinois se devait de réaffirmer la solidité de « l’amitié sino-vietnamienne ». En amont de sa visite, un article signé par Xi Jinping lui-même a été diffusé dans la presse vietnamienne : « La Chine et le Vietnam sont liés par leurs rivières et montagnes. Nous nous réjouissons d’une proximité culturelle, chérissons les mêmes idéaux et partageons un avenir commun devant nous ». Le thème central était lancé, « l’avenir partagé » entre la Chine et le Vietnam. Évoquant tout à tour une « confiance mutuelle », des « intérêts communs » et la « nécessité de gérer convenablement les différends », Xi Jinping est sans cesse revenu sur cet avenir partagé porteur de lendemains qui chantent.

La proximité idéologique entre les deux « pays frères » – ennemis aussi… – est soulignée jusque dans le phrasé des discours. La « camaraderie et la fraternité », expression chère à Hô Chi Minh pour définir les relations sino-vietnamiennes, est reprise en boucle par Xi Jinping. Au-delà de cet exergue sur ces liens historiques, le vif du sujet était éminemment stratégique. Pas moins de 36 accords de coopération ont été signés. Ils vont de la construction d’un pont routier sur le Fleuve rouge, des communications entre les administrations des deux pays, à l’ouverture d’un « téléphone rouge des informations sur les incidents inattendus liés aux activités de pêche ».

Ce dernier point sous-entend que la Chine se montrerait moins oppressante sur la question grinçante des différends maritimes. Si Pékin ne cède rien de solide, l’ouverture d’une ligne de communication demeure une concession tangible. Dans les mois à venir, les garde-côtes chinois seront sans doute moins enclins à utiliser leurs canons à eau, et les milices chinoises moins promptes à envoyer les bateaux vietnamiens par le fond. Du moins tant que le rapprochement américano-vietnamien en cours n’irrite pas trop Pékin.

Somme toute, voici un échange de bons procédés : n’achetez pas de F-16 et vous aurez la paix en mer de Chine du Sud. Enfin pour l’instant, car cette détente ne garantit en rien l’avenir. Adepte d’une stratégie axée sur la division et l’isolement de ses adversaires, Pékin s’en prend à tour de rôle aux pays riverains de la mer de Chine du Sud. Depuis l’élection de Ferdinand Marcos Jr en 2022, ce sont les Philippines qui en font principalement les frais. Hanoï ne saurait l’ignorer : en prévision d’un futur round maritime avec Pékin, le Vietnam investi massivement dans la militarisation des Spratleys.

Concession pour concession, la déclaration commune entre Hanoï et Pékin évoque d’éventuelles manœuvres souterraines orchestrées par des services secrets ennemis – à tout hasard, la CIA ? – et les moyens de s’en prémunir :

« Renforcer les échanges de renseignements entre les deux parties et se coordonner pour partager leurs expériences et coopérer sur les questions de la non-intervention, de la lutte contre la sécession, de la prévention et de la lutte contre “l’évolution pacifique” et la “révolution de couleur” des forces hostiles, réactionnaires. »

C’est d’ailleurs l’une des pierres d’achoppement d’un rapprochement poussé entre Hanoï et Washington : les dirigeants du PCV se méfient de l’oncle Sam. Si l’occasion se présentait, Washington soutiendrait-il le PCV ou un mouvement populaire visant à le renverser ? Qu’en son cœur le peuple entretient un faible pour le rêve américain est tolérable ; qu’il rêve d’un changement de régime est en revanche inacceptable.

Conscient du dilemme du PCV, le PCC a lourdement insisté sur la promiscuité idéologique des deux partis régnant sans partage. Avançant ses pions, Pékin a proposé de financer la modernisation de la ligne de chemin de fer reliant Kunming en Chine au port de Haïphong au Vietnam. Incidemment, cette ligne passe au beau milieu des réserves des terres rares vietnamiennes.

Aussi séduisante que paraisse cette offre, les réticences d’Hanoï vis-à-vis de la Belt and Road Initiative (BRI) – impliquant une influence accrue de Pékin au cœur d’infrastructures sensibles – sont notoires. Il ne serait guère surprenant que par la suite, Pékin insiste pour transformer les terres rares en Chine, damnant ainsi le pion aux États-Unis. Tant que les différends maritimes demeurent en suspens, pourquoi Hanoï servirait-il sur un plateau un tel atout à Pékin ? En même temps, s’accorder avec Washington sur l’extraction des terres rares au nez et à la barbe de Pékin susciterait des remous en mer de Chine du Sud...

Ces minéraux éminemment stratégiques représentent pour Hanoï un atout majeur dans ses négociations avec l’une ou l’autre des deux superpuissances. Encore faut-il le jouer sans se laisser attraper dans les filets des uns ou encourir l’ire des autres. La stratégie du bambou prend ici une toute sa signification : Hanoï doit faire preuve d’une grande souplesse pour naviguer dans les eaux troubles des tensions sino-américaines.

Photo d'ouverture : Le président vietnamien Vo Van Thuong (à droite) et le président chinois Xi Jinping se serrent la main lors d'une réunion au palais présidentiel de Hanoi le 13 décembre 2023 - Luong Thai Linh - @AFP