
Laurent Ottavi (Élucid) : La novlangue, un terme que vous reprenez dans le titre d’un de vos ouvrages parus en 2017, est un concept d’Orwell inventé dans son roman 1984. Pourquoi l’associez-vous au discours managérial ?
Agnès Vandevelde-Rougale : Dans 1984, le gouvernement autoritaire d’Océania transformait la langue pour manipuler les esprits. Pour ce faire, il la simplifiait, par exemple en supprimant certaines formes grammaticales ou lexicales, en conservant un seul schéma tel que « parfait/imparfait », « beau/inbeau » au lieu de « beau/laid », etc. L’idée était notamment d’avoir des mots-valises, c’est-à-dire des mots qui peuvent en englober d’autres et qui limitent le questionnement. Dans le discours managérial, le terme de « flexisécurité » illustre bien ce procédé, en fusionnant « flexibilité » et « sécurité », et en masquant leur dimension potentiellement contradictoire.
Mais l’idée n’est pas pour autant de proposer un collage : la novlangue managériale, contrairement à la novlangue d’Océania dans le roman d’Orwell, ne procède pas de la réunion de quelques individus autour d’une table pour introduire des formulations visant à faire advenir leur contraire et à empêcher toute pensée en dehors de celles-ci. La reprise du terme « novlangue » en lien au management vise plutôt à attirer l’attention sur le fait que le discours managérial peut influencer les façons de penser, que les mots et plus largement les façons de parler véhiculent des significations qui jouent sur la perception de la réalité et l’interprétation des expériences.
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