« L’ingénieur est au service du projet techno-capitaliste » - Olivier Lefebvre

Les ingénieurs sont au service d’un techno-capitalisme sans finalités sociales ni écologiques. Dans sa Lettre aux ingénieurs qui doutent (L’échappée), un ancien d’entre eux, Olivier Lefebvre, qui a quitté ses activités de Recherche et Développement en robotique, cherche à comprendre pourquoi davantage de ses ex-confrères ne désertent pas. Il s’adresse à une profession bien difficile à définir, mais dont le rôle dans le système économique capitaliste est essentiel.

publié le 25/06/2023 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Le mot d’« ingénieur » est assez flou. Est-ce qu’il correspond à une catégorie sociale ou à des compétences particulières ?

Olivier Lefebvre : Je parle dans le livre d’un possible « hologramme sociologique ». L’ingénieur recouvre en effet une grande diversité de catégories sociales. Il peut ainsi appartenir aussi bien à la petite bourgeoisie qu’à la grande bourgeoisie. Cela dépend essentiellement de la reproduction sociale. Le meilleur moyen d’entrer à l’École polytechnique, en d’autres termes, est d’avoir des parents qui en sortent et, même dans les écoles moins cotées, les processus d’ascension sociale sont relativement rares. C’est notamment le type d’école qui va décider du type de métier.

L’ingénieur technique est généralement issu d’écoles moins réputées alors que l’ingénieur aux fonctions de managers vient d’une grande école. Ce sont des professions très différentes qui ne mobilisent pas les mêmes compétences.

Élucid : Pouvez-vous expliquer quels liens existent entre la science moderne et le métier d’ingénieur, afin de mieux comprendre par la suite son rôle dans le capitalisme ?

Olivier Lefebvre : La naissance de la science moderne, au tournant du XVIe et du XVIIe siècle, s’accompagne d’une orientation de la science vers ce que l’on appelle son « caractère opératoire ». On va lui demander plus que de comprendre le monde. On va lui demander de dépasser l’attitude contemplative pour devenir active, et notamment pour produire de la technique. Celle-ci ne doit donc plus être laissée aux artisans ou aux inventeurs autodidactes.

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