Pour l’ancien député des Landes, l’Europe s’est engouffrée et laissée noyer par la libéralisation. Dans cet entretien inédit réalisé par Olivier Berruyer en 2013, Henri Emmanuelli, pilier du Parti socialiste, revient sur la construction européenne, accusant ses architectes d’avoir tout misé sur l’économie. Pour lui, la création d’une monnaie sans politique sociale commune a conduit l’Europe à sa perte. Il dénonce également la proximité entre le Trésor français et le monde bancaire, une autre preuve de la force des pouvoirs économiques dans nos sociétés occidentales.
Henri Emmanuelli (1945-2017) était un homme politique français. Diplômé de Science Po, il a commencé sa carrière politique dans les Landes, où il fut élu député en 1978 et — à l'exception de quelques interruptions — le resta jusqu’à sa mort en 2017. Adhérent au Parti socialiste depuis 1971 et soutien inconditionnel de François Mitterrand, il fut également nommé, entre autres, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation (1981-1983), puis secrétaire d’État chargé au budget (1984-1986).
Olivier Berruyer : Le monde politique, social et économique s’est fondamentalement transformé depuis une trentaine d’années. Vous commenciez précisément votre carrière politique dans les années 1980, aux côtés de François Mitterrand. Quel jugement portez-vous sur l’évolution politique, sociale et économique depuis lors ?
Henri Emmanuelli : Que s’est-il passé depuis trente ans ? Je ne vous apprends rien : un processus massif de dérégulation et une ouverture des frontières à la libre circulation des capitaux, des marchandises, sans s’accompagner d’une véritable liberté de circulation des travailleurs. Dans ce climat libre-échangiste, on s’aperçoit que les pays développés se sont condamnés.
J’avais débattu de cette question avec Monsieur François Lamy, il y a trente ans déjà. Selon lui, j’avais raison dans l’immédiat, mais, dans le temps, la situation devait se rééquilibrer. Cependant, quand je lui demandais combien de générations devraient être sacrifiées, il ne savait alors pas quoi me répondre...
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