En 2017, le candidat à la présidence Emmanuel Macron promettait une « assurance-chômage pour tous ». Or, depuis son élection, les réformes s'enchaînent pour en durcir les conditions d’accès. Cette promesse électorale (comme d'autres) n’a manifestement engagé que ceux qui y ont crû. Et malgré les conclusions implacables de la Dares sur les effets de précarisation de la précédente réforme du chômage de 2019, la réforme de l'assurance-chômage reste l'obsession d'une macronie moribonde (le décret d'application est juste repoussé au 30 septembre prochain), sous couvert de l’éternel mantra d’un soi-disant « meilleur accompagnement des chômeurs vers le retour à l’emploi » et d'une « nécessaire sortie de la culture du chômage en France ». Or, c'est plutôt sur la culture gouvernementale de la stigmatisation des plus fragiles et précaires qu'il faudrait agir...

publié le 29/07/2024 Par Alexandra Buste, Xavier Lalbin

Les chômeurs ne sont pas « fainéants » et ils ne profitent certainement pas de largesses financières, puisque seule la moitié des inscrits est indemnisée. Parmi ces derniers, la moitié touche moins de 1000 euros par mois et un tiers vit sous le seuil de pauvreté. Sans compter que la moitié des indemnisés travaille en plus de leur allocation qui ne leur permet pas de vivre et que, chaque année, 25 % à 40 % des personnes éligibles ne recourent pas à l'assurance-chômage, soit entre 400 000 et 700 000 personnes…

Malgré ce constat, la réforme du chômage de 2019 est venue renforcer la précarité des plus jeunes et des moins diplômés, en réduisant leur allocation journalière de 10 % en moyenne. Si les défenseurs de la réforme pointent un impact positif sur la probabilité de retrouver un emploi, il faut garder en tête que dans la moitié des cas, il s'agit d'emplois peu durables sous la forme de contrats de quelques semaines ou de missions d’intérim… une pierre de plus à l’édifice de la flexibilisation du travail en France. Les plus précaires sont acculés vers des contrats courts, voire les minima sociaux, qui les figent dans leur situation… et accroissent les difficultés à se former.

Et si le nombre d’allocataires de l’assurance-chômage a diminué de presque 20 % en moyenne depuis 2019, ce n’est pas imputable à la réforme selon la Dares, mais plutôt au contexte économique favorable de la période qui a permis la création d’un surcroît d’emplois.

Les « fainéants » qui profitent des largesses de l’assurance-chômage n’existent ainsi que dans les fantasmes du gouvernement. Utiliser ce mirage crée un écran de fumée et détourne l’attention des sujets qui fâchent comme la taxation des plus aisés ou la lutte contre l’évasion fiscale.

Demandeurs d’emploi : l’explosion des contrats courts depuis les années 1980

Alors que depuis 1973, le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) est la norme du marché de l’emploi en France, les années 1980 marquent la hausse des contrats de travail temporaires avec l’élargissement des possibilités de recours aux contrats à durée déterminée (CDD) par l’employeur. Dans la foulée, l’intérim prend son essor à partir des années 1990.

Le phénomène a pris une telle ampleur qu'en 2021, non seulement 9 contrats sur 10 dans les recrutements du secteur privé étaient temporaires, mais 8 sur 10 étaient soit des contrats courts, c’est-à-dire des CDD d’une durée inférieure à un mois, soit des missions d’intérim.

Et tandis que le nombre de contrats précaires explose, le rythme d’embauches en CDD de plus d’un mois ou en CDI est à la traîne. Entre 2000 et 2016, les embauches en CDD de moins d’un mois ont progressé de +160 % et l’intérim de +32 %. Sur la même période, le nombre d’embauches en CDI ou CDD de plus d’un mois n’a progressé que de +15 %.

En France, des embauches en majorité sous forme de contrats courts et d'intérim, 2000-2024En France, des embauches en majorité sous forme de contrats courts et d'intérim, 2000-2024

Pour autant, comme le note la Dares, « le recours [intensif] aux contrats courts est le fait d’un petit nombre d’entreprises », moins d’un dixième des entreprises concentrent près des trois quarts des contrats courts. C’est ainsi qu’en 2019, un peu moins de 40 000 établissements faisaient usage de contrats courts tout au long de l’année. Au point qu’« un quart du volume d’emploi en contrats courts du secteur privé pourrait être transformé en contrats à durée indéterminée (CDI) ou en contrats à durée déterminée (CDD) d’un an à temps plein ».

Au-delà du recours aux contrats courts pour faire face à des absences de salariés, les raisons sont variées en fonction des secteurs économiques. Cela peut être des besoins de flexibilité propres au secteur d’activité, pour faire face à des pics d’activité ou encore s’adapter à une demande saisonnière. Ce qui n’empêche pas les auteurs de l’étude de la Dares de conclure que :

« Le dénominateur commun de ces activités [qui font un usage intense des contrats courts, ndlr] est un manque de personnel permanent dans un contexte de conditions de travail difficiles et un recours à d’autres sources de flexibilité (heures supplémentaires, polyvalence des salariés).

Toutefois, les caractéristiques structurelles des entreprises, et en particulier leur secteur d’activité, n’expliquent que la moitié du recours aux contrats courts, l’autre moitié relevant de stratégies propres aux entreprises en matière de gestion des ressources humaines. »

Toujours selon la Dares, la multiplication des contrats courts entraîne pour les travailleurs qui les subissent des « incertitudes liées au volume d’heures, aux exigences de disponibilité et à la durée de la relation d’emploi limitant les possibilités de concilier vie personnelle et vie professionnelle ».

En parallèle de la hausse du nombre de contrats de travail temporaire et de la précarisation des travailleurs qui en résulte, le cumul de l’indemnité de chômage avec un salaire s’est développé. Depuis les années 1980, pour « favoriser le retour à l’emploi », un chômeur peut percevoir un revenu d’activité qui, selon les conditions, s’ajoute à une partie de son allocation chômage. En 2022, ce sont ainsi la moitié des inscrits à l’assurance-chômage qui occupaient un emploi, une proportion multipliée par plus de deux en 25 ans. En particulier, pour bénéficier d’une indemnisation, l’ensemble des revenus ne doit pas dépasser le salaire journalier de référence (SJR) de l’emploi perdu, lequel sert par ailleurs de base pour calculer le montant de l’allocation chômage.

Personnes inscrites à l'assurance chômage qui..., 1995-2022Personnes inscrites à l'assurance chômage qui..., 1995-2022

Lutter contre le recours abusif aux contrats courts et faire en sorte que le travail paye plus que l’inactivité en incitant à la reprise de l'emploi : voilà les deux objectifs majeurs de la réforme d’Emmanuel Macron de l'assurance-chômage de 2019. Pour atteindre ces objectifs, contraindre les salariés a semblé plus pertinent et efficace que de s’attacher à une revalorisation du travail par les employeurs. Nulle surprise dès lors que les plus précaires des travailleurs, ceux soumis à l’alternance des contrats de travail temporaires et des périodes chômées, sont les plus durement touchés.

Les nouvelles règles font baisser mécaniquement le SJR pour les salariés enchaînant les contrats de travail temporaires et les périodes chômées. Il s'ensuit qu’outre la baisse du montant des allocations pour les travailleurs concernés, le plafond de revenu au-delà duquel les allocataires qui retrouvent un travail ne sont plus indemnisés a été abaissé. Un mécanisme qui, de fait, nivelle par le bas les revenus du travail des plus précaires. Le patronat ne pouvait rêver meilleure réforme.

Selon les analyses de l’Unédic, parmi les plus affectés se trouvent les personnes en contrats courts, celles disposant de faibles revenus et les faiblement diplômés, des catégories de travailleurs toujours plus nombreuses que par le passé. Comme leur SJR est plus faible, un cycle infernal se met en place. S’ils retrouvent un travail à temps partiel, ils atteignent plus vite le plafond du cumul, sont alors moins souvent indemnisés en complément par l’assurance-chômage et voient donc leurs revenus diminuer, ce qui les enfonce encore plus dans la précarité.

Part des allocataires qui travaillent et sont indemnisés, 2019-2022Part des allocataires qui travaillent et sont indemnisés, 2019-2022

En septembre 2022, c’est ainsi un tiers des demandeurs d’emploi qui se situait au-delà des plafonds et exerçait donc une activité réduite sans percevoir d’allocation… En guise de consolation, on notera que ceux-là ne coûtent manifestement pas un « pognon de dingue »…

La réduction des indemnités fragilise en majorité les plus jeunes et les titulaires de contrats courts

Les nouvelles règles d’indemnisation du chômage de 2019 sont progressivement entrées en vigueur entre mi 2021 et début 2023. L’Unédic en a estimé le gain financier net à 480 millions d'euros en 2020, 1,8 milliard en 2021 et 2,1 milliards en 2022. Le rythme de croisière des économies annuelles est quant à lui attendu à 2,3 milliards d'euros.

Le calcul des indemnités des allocataires a été modifié par la réforme (1). D’un côté, la période de référence d’un an est doublée. De l'autre, le salaire journalier de référence est calculé non plus en divisant les salaires de la période de référence par le nombre de jours travaillés, mais par la somme des jours travaillés et non travaillés entre le début du premier contrat et la fin du dernier contrat de la période de référence. Des calculs d’apothicaire qui permettent de pénaliser fortement les personnes alternant, généralement contre leur gré, contrats courts et périodes non travaillées.

Par exemple, une personne qui, sur les deux dernières années, aura enchaîné quatre CDD de trois mois payés au SMIC entrecoupés de périodes chômées de trois mois percevra 20 % de moins en allocation après la réforme qu’avant la réforme. De plus, dans le cadre de la nouvelle réglementation, par rapport à une personne ayant eu une période non travaillée d’un an suivi d’un CDD d’un an, c’est aussi 20 % d’indemnité chômage en moins. Une baisse conséquente, mais limitée grâce à l’intervention des syndicats qui ont saisi le Conseil d’État.

Cette saisine a permis de fixer un plancher au SJR pour prévenir une « différence de traitement [des allocataires] manifestement disproportionnée au regard du motif d'intérêt général poursuivi ». Le projet initial d'Emmanuel Macron conduisait en effet à diviser par quatre les indemnités des soi-disant stakhanovistes de l’optimisation sociale – en langage macroniste : ceux qui « abusent » des contrats courts et veulent se la couler douce aux frais du contribuable en enchaînant contrats courts mal payés et périodes chômées. On attend avec impatience la même détermination à lutter contre l’optimisation fiscale…

Ces nouvelles règles de l’Assurance-chômage ont eu de nombreuses conséquences délétères pour la moitié des allocataires concernés en 2022, et notamment les plus précaires. Quand seulement un cadre ou une personne perdant un CDI sur cinq est concerné par la réforme, neuf intérimaires sur dix voient leur allocation baisser de plus de -10 %. Pour les personnes en fin de CDD, les deux tiers se retrouvent avec une allocation diminuée de -10 %.

L'âge est aussi un facteur discriminant, les deux tiers des moins de 25 ans sont concernés, et pour un tiers des 55 ans et plus, leur allocation est réduite de plus de 10 %.

Finalement, la réforme a envoyé un quart d’allocataire en plus sous le plancher de l’allocation dite « minimale », équivalente à 900 € net par mois... Une allocation minimale qui n’en a plus que le nom, puisqu'environ un allocataire sur deux n’est pas concerné par ces règles d’application et touche une indemnisation encore plus faible. Sans oublier le doublement (11 %) des allocataires qui perçoivent moins que le RSA, soit 565 € par mois...

Et, pour faire bonne mesure, un quart des allocataires subit une baisse nette de leur allocation de plus de 10 %, et 1 % accuse même une baisse de -40 % à -50 %. Comme le résume l’Unédic :

« Ces effets [la baisse des allocations] concernent principalement les personnes aux parcours d’emploi discontinus, principalement les intérimaires, les fins de CDD, les jeunes. Ce changement concerne ainsi autour de 1 million de personnes chaque année. »

Pertes d'indemnités chômage en 2022 suite à la réforme de l'assurance chômage de 2019Pertes d'indemnités chômage en 2022 suite à la réforme de l'assurance chômage de 2019

Avec le résultat amer de voir se concrétiser l’objectif de mise sous pression des demandeurs d’emploi. Une enquête qualitative de l’Unédic révèle ainsi qu’au premier semestre 2022, une majorité des demandeurs d’emploi déclarent « rechercher plus activement du travail et souhaiter reprendre plus vite un emploi, quelle que soit la durée de travail proposée, pour des raisons financières ».

Si l’ensemble des actifs est immédiatement concerné par la réforme, du côté des entreprises, il est urgent d’attendre et de temporiser. Comme le note l’Unédic, pour le moment, à peine 30 000 entreprises sont soumises aux règles du bonus-malus associé à un moindre recours au travail temporaire (2). Parmi elles, un faible nombre est responsable de la majorité des recours répétés aux contrats temporaires et aucun changement n’a été perçu dans leurs pratiques. Selon l’Unédic, ces entreprises, avec des taux d’utilisation des contrats courts très élevés, ne sont pas suffisamment incitées à modifier leur comportement. Dans ces conditions, difficile d’imaginer comment le nombre de travailleurs contraints d’alterner contrats courts et chômage va diminuer.

Effet collatéral de la réforme, plusieurs allocataires ont indiqué que le montant actuel de leur allocation chômage ne leur permettait plus de se former. Sans surprise, ceux disposant de la plus petite allocation journalière sont donc ceux qui ont la plus faible probabilité d’accéder à une formation qui leur permettrait d'améliorer leur situation.

À l’autre bout de l'échiquier se trouve la caution morale de la réforme. Ce sont les gagnants de la mondialisation, les startuppeurs en transition, bref le dernier décile de la distribution des revenus qui émarge à plus de 5 000 € par mois. Eux aussi « subissent » les effets de la réforme avec la dégressivité des allocations. Cela concerne les allocataires dont les revenus moyens étaient de 7 000 € par mois par mois avant d’être au chômage. Ce sont 45 000 personnes, soit moins de 2 % des allocataires, qui voient une réduction allant jusqu'à 30 % de leur allocation à partir du 7e mois d’indemnisation.

Il s’agit pour les deux tiers d’hommes, les trois quarts sont diplômés du supérieur et cadres, une grande partie est issue du secteur des services « à forte valeur ajoutée ». L'Unédic observe chez une minorité de cette population (10 % à 15 %) un changement de comportement avec un retour plus rapide à la recherche active de travail et un raccourcissement de la période d'inscription au chômage.

Le changement des conditions d’accès aux allocations renvoie les moins diplômés vers les minima sociaux

Il faut désormais avoir travaillé 6 mois au cours des 24 derniers mois, contre 4 mois dans les 28 derniers mois avant la réforme, pour disposer du droit à être indemnisé. L’étude de la Dares sur l’évaluation des effets de la réforme constate que le nombre d’allocataires a diminué de 15 % entre 2019 et 2023. Ce sont presque un quart des moins de 25 ans, de ceux sortant d’un CDD ou de missions intérimaires ou avec un niveau de diplôme inférieur au Bac qui sont concernés.

Conséquence financière pour les comptes de l’assurance-chômage, la part des contrats à durée limitée dans les dépenses d’indemnisation, relativement stable jusqu’en 2020, baisse depuis 2021. Une baisse particulièrement marquée dans le secteur de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche (-30 %), des secteurs qui se caractérisent par un fort recours aux contrats courts.

Cependant, pour la Dares, la diminution du nombre d'inscriptions au chômage ne peut être imputée à la réforme, car elle s’est opérée dans un contexte économique favorable « sans qu’il soit possible à ce stade du travail d’évaluation de distinguer les deux effets [réforme et conjoncture favorable] ».

Dépenses annuelles d'indemnisation par motifs de rupture de contrat, 2000-2022Dépenses annuelles d'indemnisation par motifs de rupture de contrat, 2000-2022

Et si la réforme a un impact positif sur la probabilité de retrouver un emploi dans les deux mois, il s’agit dans la moitié des cas d’un emploi peu durable sous la forme d’un CDD d’un à deux mois ou d’une mission d’intérim.

Le seul point positif de la réforme pour les allocataires portait sur l’allongement de la durée d'indemnisation. En théorie, celle-ci devait s’allonger de trois mois et demi. En pratique, par le principe du « je reprends d’une main ce que je donne de l’autre », la durée moyenne est restée stable entre 2019 et 2023 : elle s’est allongée jusqu’à fin 2022 sous l’effet de la réforme, mais la réduction de la durée d’indemnisation de -25 % en période de conjoncture favorable (mise en place en 2023) vient contrebalancer cet allongement. Magnanime, la Dares estime cependant qu'il est encore trop tôt pour tirer des enseignements en termes de durée effectivement indemnisée.

Quant aux entreprises soumises au bonus-malus, la réforme est neutre financièrement pour l’État, les bonus équilibrant les malus. Le résultat est aussi neutre ou quasi neutre pour les allocataires « abusant » des contrats courts, puisque finalement, les principales entreprises responsables des « emplois discontinus » n’ont pas modifié leurs comportements.

L’État s'entête et durcit encore les conditions d’indemnisation...

Au final, quatre ans après la première réforme, et à la veille d’une nouvelle réforme, les seuls résultats établis sont que l’État économise plus de 2 milliards d’euros par an, qu’un million d’allocataires parmi les plus précaires ont vu leurs allocations diminuer, que ceux qui n’ont pas pu profiter de la conjoncture favorable et qui se retrouvent exclus du système par les nouvelles règles sont venus gonfler les rangs des bénéficiaires des minima sociaux, que ceux qui trouvent à retravailler en étant allocataire ont des revenus plus faibles, et que, globalement, le comportement des entreprises responsables du morcellement des périodes de travail reste inchangé, ce qui se traduit par une augmentation de la part des CDD courts et de l’intérim...

Et c’est dans ce contexte que la prochaine réforme doit être prise par décret pour une application au 1er décembre 2024. Elle va encore durcir les conditions d'accès aux allocations chômage en allongeant de six mois à huit mois la durée travaillée minimale requise pendant la période de référence, qui sera elle-même réduite de 24 mois à 20 mois. Quant à la durée maximale d’indemnisation, elle passera à 15 mois pour les moins de 57 ans, contre 18 mois actuellement pour les moins de 53 ans. Seules les personnes de plus de 57 ans pourraient bénéficier d’une indemnisation plus longue, c’était 53 ans auparavant.

Un durcissement que le gouvernement se refuse de relier à un objectif budgétaire, « ce n'est pas une réforme d'économie, mais de prospérité et d'activité », nous disait même Gabriel Attal selon Les Échos.

Pourtant, l’Unédic avait estimé les économies potentielles suivant différents scénarios. En conservant une période de référence de 24 mois, 11 % des allocataires étaient touchés si la durée minimale travaillée requise se voyait portée à 7 mois, pour une économie de 400 millions d’euros par an. Plus alléchant pour le gouvernement, allonger la durée travaillée à 12 mois et c’était un tiers des allocataires qui étaient touchés et une économie de 2,3 milliards d’euros par an.

Mais selon Le Monde, la solution « aux effets encore plus puissants », d'après les estimations de l’Unédic, consistait à « raccourcir la période de référence en la ramenant de 24 à 18 mois. Dans cette éventualité, 32 % des allocataires seraient impactés et les économies atteindraient le montant colossal de 7,5 milliards d’euros par an ».

Autre moyen pour atteindre cet ordre de grandeur, réduire les durées d’indemnisation. En passant de 18 mois à 12 mois, l’Unédic projetait « une moindre couverture pour 45 % des allocataires et des dépenses réduites de près de 6 milliards pour l’Unédic ». Des anticipations de baisses de dépenses que le gouvernement ne pouvait laisser passer...

Les économies attendues sont de 3,6 milliards d’euros grâce à une réforme qui fleure bon le « en même temps ». La durée minimale de travail requise est augmentée « en même temps » que la période de référence et la durée maximale d’indemnisation sont réduites.

Alors peut-être que « ce n'est pas une réforme d'économie », mais elle permet au gouvernement de s’attaquer à combler la dette de près de 60 milliards d’euros de l’assurance-chômage. Un trou qu’il creuse lui-même en réduisant les recettes à grandes pelletées d’exonération de cotisations pour les entreprises qui ne sont pas compensées, ou comme l’écrit l’Unédic :

« Le régime poursuit son désendettement, freiné par les prélèvements de l’État sur ses recettes… La non-compensation partielle des exonérations de cotisations – 12,05 Md€ en moins sur les recettes du régime de 2023 à 2026, instaurées par la dernière loi de financement de la Sécurité sociale – freine nettement le désendettement de l’assurance-chômage. »

Accessoirement, ces exonérations non compensées par l’État ont bien entendu contribué au creusement de la dette publique, l’Unédic ayant dû « recourir à l’emprunt sur les marchés financiers pour rembourser ses échéances, dont le coût supplémentaire représenterait près de 1 Md€ entre 2023 et 2027 ».

Dans ces calculs d’apothicaire pour désendetter à tout prix une assurance-chômage sabordée par le gouvernement, le coût humain lié à la précarité n’est évidemment pas pris en compte. Pas un mot non plus sur d’autres sources de financements qui mettraient à contribution les plus aisés. Comme à son habitude, Emmanuel Macron est fort avec les faibles et faible avec les forts...

Photo d'ouverture : HJBC - @Shutterstock