La crise du Covid avait stoppé la croissance continue de l’endettement des entreprises et des ménages en France et en Europe depuis 20 ans. La hausse des taux initiée en 2022 commence à faire sentir ses effets, avec désormais une baisse notable des encours de crédits. S’il est plutôt bon de sortir d’un dangereux mécanisme de surendettement, il est problématique que rien n’ait été fait politiquement pour prévoir une compensation à la fin de ce soutien à l’économie, comme développer une politique industrielle volontariste. Les effets négatifs de cette situation devraient s’en faire sentir dans les prochains trimestres.
Rappelons pour commencer que le crédit reste l’un des mécanismes fondamentaux de l’économie d’un pays. Les ménages l’utilisent pour acheter des logements neufs – ce qui soutient l’investissement du pays – et des logements anciens, pour ne plus être locataire. Les entreprises ont quant à elles besoin des crédits pour financer le développement de leur production et leurs investissements.
Tous ces investissements soutiennent et développent l’activité économique, ce qui permet en retour l’accroissement des revenus. Or, depuis 2022, la BCE a fortement augmenté les taux d’intérêt dans la zone euro, comme on l’a vu dans cet article dédié à l’immobilier. Ceci a donc renchéri le coût du crédit dans la zone euro, et eu de nettes conséquences sur les crédits accordés au secteur privé. Nous allons donc analyser plus en détail les évolutions en France et dans différents pays voisins, afin de mieux anticiper l’évolution à court terme de notre économie.
En France, 150 milliards d'euros en moins pour les crédits à l’économie
En France, l’endettement bancaire des entreprises a fini d’augmenter depuis le Covid. Il est depuis quelques mois fortement orienté à la baisse, à un niveau annuel limité, mais néanmoins inconnu depuis au moins un quart de siècle.
La situation est encore plus violente pour les ménages, dont l’endettement (surtout immobilier) baisse fortement depuis 2022, et ce pour la première fois.
Au total, l’économie française a vu son encours de crédits fondre de 150 Md€ en 2 ans, ce qui ne sera pas sans conséquences sur l'avenir de nos entreprises.
Allemagne : le secteur immobilier nettement touché
En Allemagne, le niveau d’endettement des entreprises est resté globalement stable depuis 20 ans, et très stable depuis 3 ans. Il n’aura guère d’impact sur l’économie à ce niveau.
Les crédits à l’immobilier ont en revanche nettement baissé, de l'ordre de 150 Md€. Mais au final, la baisse reste modeste en comparaison de la taille de l’économie allemande.
Italie : le crédit aux entreprises en forte chute
L’Italie se caractérise par une division par 2 du montant de ses crédits aux entreprises en l'espace de 10 ans, ce qui a joué un rôle important dans la stagnation de l’économie italienne depuis lors, comme nous l’avons vu dans cet article.
Comme l’Italie n’a pas connu de forte bulle immobilière, l’endettement des ménages n’a pas augmenté depuis 10 ans. Il est même en baisse depuis 2022.
Espagne : la désintoxication à la dette se poursuit
L’Espagne, pour sa part, continue à résorber son fol endettement du milieu des années 2000, en particulier pour les entreprises, dont l’encours a été réduit de 60 %.
L’endettement immobilier des ménages a quant à lui été réduit de 40 %.
Ceci explique la division par deux de l’endettement privé espagnol, qui a été réduit de près de 1 200 Md€ en dix ans. Cela a évidemment handicapé la croissance espagnole depuis lors.
Zone Euro : la stagnation perdure
Même sur ce simple critère des prêts bancaires, il apparaît que les pays de la zone euro ont connu de fortes divergences, bien loin, là encore, des promesses de convergence du traité de Maastricht.
Si on agrège tous les pays de la zone euro, il apparaît que la crise de 2008 a cassé la forte hausse des crédits aux entreprises durant les années 2000, qui avait alimenté la croissance élevée. Après une correction, les crédits stagnent depuis 10 ans.
Au niveau des crédits aux ménages, la crise de 2008 a également entraîné une stagnation depuis 15 ans.
Au global, les crédits à la zone euro stagnent depuis 2013, et la hausse des taux actuelle va certainement pousser à un désendettement important à moyen terme.
En conclusion, on peut donc anticiper que, sans grande surprise, la hausse des taux aura donc certainement, dans les prochains trimestres, un effet négatif sur l’économie, le pouvoir d’achat et l’emploi. Sans action de la part du gouvernement (mais les espoirs sont vains), il y a fort à parier que l'économie française prenne les couleurs d'une morosité pour les années à venir.