Les prix de l'immobilier marquent le pas après 20 ans de hausse : les ventes de logements, qui avaient atteint des sommets historiques, sont désormais nettement orientées à la baisse. Afin de comprendre pourquoi et d’esquisser un scénario pour les prochaines années, nous nous intéressons aujourd’hui au marché immobilier et à ses principaux déterminants : l’achat de sa résidence principale et la location immobilière. Un sujet qui nous concerne tous, et sur lequel il n’est pas simple de faire la part des choses, à fortiori dans cette période de grands bouleversements économiques.

Graphe Économie
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publié le 07/11/2022 Par Olivier Berruyer
Propriétaires, locataires : qui sont-ils et quel avenir pour l'immobilier ?
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I. Prix des logements : le retournement du marché a commencé...
II. Propriétaires, locataires : qui sont-ils et quel avenir pour l'immobilier ?
III. Les prix des logements vont baisser : l'impact de la hausse des taux d'intérêt

Les ventes immobilières poursuivent leur repli

Le nombre annuel de ventes immobilières de logements anciens (non neufs) n’a pratiquement pas cessé d’augmenter entre 1970 et la crise de 2008. Après un « trou d’air » de quelques années, elles sont reparties en très forte hausse entre 2015 et 2021, et elles se situent désormais au plus haut niveau de notre histoire contemporaine avec plus de 1 million de logements vendus chaque année. La forte baisse des taux d’intérêt des crédits immobiliers a probablement solvabilisé de nombreux ménages et soutenu le marché.

Cependant, depuis mi-2021, les ventes reculent, sur un rythme annuel de baisse de 6 %, qui s’accélère.

Sont particulièrement touchés par ce recul des ventes les départements de la moitié nord de la France (N. B. le graphique ci-dessous représente les ventes de logements anciens, mais aussi de terrains).

Un record historique pour les montants des transactions immobilières

Boosté par l’augmentation simultanée du nombre de ventes et des prix de vente, le montant annuel des transactions a donc très fortement augmenté, et il se situe actuellement au niveau historique de 460 milliards d’euros, soit environ 15 % du PIB français — c’est 3 fois plus d’argent échangé que durant les années 1990.

Sur le temps très long, on perçoit bien l’anomalie historique des niveaux records de transaction qu’on observe depuis une vingtaine d’années.

Il semble cependant que cette anomalie ait atteint son pic, le retournement ayant commencé, tiré par la baisse du volume des transactions immobilières.

Les déterminants de l’achat immobilier

L’analyse des déterminants de l’achat immobilier permet de mieux comprendre l’évolution passée et future du marché immobilier. Rappelons qu’il y a un peu plus de 37 millions de logements en France, constitués à 55 % de maisons individuelles : 30 millions de résidences principales (81 %), 4 millions de résidences secondaires (11 %) et 3 millions de logements vacants (8 %).

Le nombre de résidences principales a doublé en 60 ans, soit une hausse annuelle de plus de 260 000 logements, équivalente au nombre total de logements d’un département comme la Savoie. Cette forte croissance n’est qu’en partie liée à la croissance de la population (« effet démographique »), qui a augmenté deux fois moins vite. La différence est due à la forte baisse du nombre de personnes par ménage (à cause de mises en couple plus tardives, de ruptures d’unions plus fréquentes, de l’augmentation de l’espérance de vie), passé de 3,1 en 1968 à 2,2 en 2018 (« effet décohabitation »), ce qui a accru le besoin de logements.

L’achat immobilier est généralement le plus gros achat d’une vie, qui peut être principalement réalisé soit dans un but d’usage (pour l’habiter), soit dans un but d’investissement (pour le louer). 75 % des ménages possèdent un logement au moins une fois dans leur vie, achetant en moyenne 2,5 logements. Près de 60 % des ménages possèdent leur résidence principale, 40 % étant locataires.

Selon l’IGEDD (Inspection Générale de l'Environnement et du Développement Durable dépendant du Ministère de l’Écologie), sur 3 logements achetés :

- 1 est le premier achat d’une résidence principale ;

- 1 est un nouvel achat d’une résidence principale, généralement financé par la vente de la précédente ;

- 1 est un investissement locatif (2 fois sur 3) ou une résidence secondaire (1 fois sur 3).

La proportion de propriétaires stagne désormais

70 % des achats immobiliers ont donc une vocation de résidence principale. On constate qu’au cours des 70 dernières années, la proportion de ménages propriétaires a fortement augmenté, passant d’environ 40 % à 60 % ; cette hausse est essentiellement survenue durant les 30 Glorieuses, grâce à la hausse du pouvoir d’achat induit et à la faiblesse des prix immobiliers.

On constate cependant que la proportion de locataires est restée stable, à 40 %. La différence s’explique par la forte baisse des personnes logées à titre gratuit, essentiellement des personnes âgées qui étaient recueillies par leur famille, car ne disposant autrefois que de faibles retraites.

Par ailleurs, on observe que la propriété immobilière est croissante avec l’âge, jusqu’aux environs de 75 ans, où plus de 70 % des personnes sont propriétaires de leur résidence principale — la location immobilière suivant évidemment la tendance inverse, à l’exception de la location sociale qui baisse hélas bien moins avec le temps, l’ascenseur social étant depuis bien longtemps hors service.

Enfin, on observe sans grande surprise que plus on est riche (et âgé), plus on est propriétaire.

Les loyers ont peu augmenté, mais les locataires se sont appauvris

Comme nous l’avons vu, 20 % des achats immobiliers ont une finalité d’investissement locatif. Le pays compte ainsi 13 millions de baux en activité (7,5 millions dans le parc privé et 5,5 millions dans le parc social).

Chaque année, 2,5 millions de nouveaux baux sont signés (2 dans le parc privé et 0,5 dans le parc social) — contre 1 million d’achats immobiliers, pour mémoire.

Comme nous l’avons vu dans notre article précédent, les prix des loyers n’ont pas suivi la folle hausse des prix du logement à l’achat — ce qui a donc sensiblement dégradé la rentabilité locative. Ceci est en grande partie lié au fait que les loyers d’habitation sont encadrés par différents dispositifs législatifs limitant leur hausse, en particulier les lois Quillot de 1982, Mermaz de 1989 et la loi Alur de 2014.

Depuis la loi sur le Pouvoir d’achat de 2008, les loyers sont indexés sur l’inflation, ce qui a conduit à leur faible évolution entre 2019 et 2021, de 0,5 à 1 % par an. Face à l’explosion de l’inflation en 2022, le Parlement a voté un plafonnement de la hausse à 3,5 % pour 2023.

On observe cependant depuis qu’une quarantaine d’années une hausse régulière du poids du loyer dans le budget des locataires, sa part ayant doublé durant cette période.

Cette hausse des loyers est donc responsable, avec celle des prix de l’immobilier, de la forte hausse des dépenses de logement (construction de nouveaux logements, loyers, charges, dépenses d’énergie…) dans le revenu des ménages.

Cependant, cette hausse des loyers ne s’explique pas principalement par une hausse générale des loyers. Un des facteurs a été l’amélioration du parc locatif ayant entrainé une hausse de certains loyers en échange de meilleurs logements ; rappelons qu’en 1973, la moitié des logements n’avaient ni chauffage central ni électrique, 40 % pas de douche ni de baignoire et 30 % pas de WC. Le second facteur a été l’appauvrissement des locataires lié à la stagnation — voire la baisse — de leurs revenus, en particulier pour les jeunes.

On peut le constater en analysant le statut d’occupation (propriétaire, locataire…) en fonction des déciles de revenus. Pour mémoire, un décile correspond à 10 % d’une population ; ici le 1er décile correspond aux 10 % des ménages les plus pauvres (en 2018, ce sont ceux gagnant moins de 1 150 € par mois) et le 10e décile correspond aux 10 % des ménages les plus riches (gagnant plus de 5 500 € par mois en 2018). Le 5e décile sépare la population en deux moitiés de même nombre (en 2018, ce seuil est de 2 550 € par mois, la moitié des ménages gagnant plus et la moitié moins).

On observe qu’il y a un demi-siècle, près de 50 % des plus pauvres étaient néanmoins propriétaires (dont une fois sur trois par héritage) alors que ce n’est plus le cas que de 15 % d’entre eux aujourd’hui. Si ceci est lié à la hausse des prix et à l’augmentation de l’espérance de vie qui fait hériter les gens plus tard (55 ans en moyenne), c’est surtout un effet de l’appauvrissement relatif des jeunes en raison de meilleurs systèmes de retraite pour les séniors. En effet, en 1973, les 10 % les plus pauvres avaient 66 ans en moyenne, cet âge ayant chuté à 37 ans en 2013.

En revanche, la proportion de locataires par âge a peu changé, contrairement à celles de propriétaires ayant acquis leur résidence principale. C’est lié au fait que la pauvreté des retraités a été fortement réduite, ce qui leur a permis d’acheter leur logement.

Conclusion : le retournement du marché a probablement commencé

Comme nous l’avons vu dans l'article précédent, certains signes avant-coureurs semblent montrer que les prix immobiliers ne vont pas se maintenir à leurs niveaux stratosphériques actuels.

Comme le nombre de transactions immobilières est désormais nettement orienté à la baisse, on peut se demander si nous n’assistons pas au début d’un net retournement de marché, après deux décennies de hausse — qui ont enrichi de façon outrageuse les franges les plus aisées (et âgées) de la population, au détriment de la vaste majorité, et en particulier des plus jeunes. Cette crainte est renforcée par le fait que la proportion de propriétaires n’augmente plus (en particulier, car les locataires restants sont de plus en plus jeunes et pauvres) et par la dégradation de la rentabilité locative au vu de la faible évolution des loyers, ces phénomènes limitant la demande de logements.

Nous verrons dans le prochain article que d’autres signes, en particulier financiers et démographiques, laissent en effet penser qu’une crise importante risque de toucher ce secteur dans les trimestres et années à venir, avec de sérieuses conséquences pour les propriétaires fortement endettés.

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