Il a révélé que l'empire américain était une entreprise criminelle. Il a révélé les mensonges de cet empire, son mépris absolu de la vie humaine, sa corruption endémique et ses innombrables crimes de guerre. Et les empires détruisent toujours ceux qui leur infligent des blessures profondes et graves.

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publié le 12/01/2022 Par Chris Hedges
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Appelons les bourreaux de Julian Assange par leurs noms. Joe Biden. Boris Johnson. Scott Morrison. Theresa May. Lenin Moreno. Donald Trump. Barack Obama. Mike Pompeo. Hillary Clinton. Le juge en chef Ian Burnett et le juge Timothy Victor Holroyde. Les procureurs de la Couronne James Lewis, Clair Dobbin et Joel Smith. La juge de district Vanessa Baraitser. Le procureur adjoint du district Est de la Virginie, Gordon Kromberg. William Burns, le directeur de la CIA. Ken McCallum, le directeur général du service de la sûreté britannique ou MI5.

Reconnaissons que ces exécutants, qui ont envisagé l'enlèvement et l'assassinat d'Assange, ont toujours eu pour objectif de l'anéantir. Le fait qu'Assange, dont la santé physique et psychologique est précaire et qui a été victime d'un accident vasculaire cérébral le 27 octobre dernier, pendant la période de la bataille judiciaire se déroulant par vidéo, ait été condamné à mort ne saurait surprendre.

Les dix années qu'il a passées en détention, dont sept à l'ambassade d'Équateur à Londres et près de trois dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, se sont accompagnées d'un manque de soleil et d'exercice et de menaces, de pressions, d'anxiété et de stress incessants. « Ses yeux n'étaient plus synchronisés, sa paupière droite ne se fermait pas, sa mémoire était floue », a déclaré sa fiancée Stella Morris à propos de son AVC.

Sa détérioration physique et psychologique a entraîné des hallucinations et une dépression. Il prend des antidépresseurs et un antipsychotique, la quétiapine. On l'a vu faire les cent pas dans sa cellule jusqu'à ce qu'il s'effondre, se frapper le visage et se taper la tête contre le mur. Il a passé des semaines dans l'aile médicale de Belmarsh.

Les autorités pénitentiaires ont trouvé « la moitié d'une lame de rasoir » cachée sous ses chaussettes. Il a appelé à plusieurs reprises la ligne téléphonique d'aide à la prévention du suicide gérée par les Samaritains parce qu'il envisageait de se tuer « des centaines de fois par jour ». Mais les bourreaux n'ont pas encore terminé leur sinistre besogne.

Toussaint L'Ouverture, qui a dirigé le mouvement d'indépendance haïtien, la seule révolte d'esclaves réussie de l'histoire de l'humanité, a été détruit physiquement de la même manière, enfermé par les Français dans une cellule de prison non chauffée et exiguë et on l'a laissé mourir d'épuisement, de malnutrition, d'apoplexie, de pneumonie et probablement de tuberculose.

Assange a commis le pire crime possible contre l'empire. Il a démontré que cet empire était une entreprise criminelle. Il a dévoilé ses mensonges, son mépris cynique pour la vie humaine, sa corruption endémique et ses innombrables crimes de guerre. Républicain ou Démocrate. Conservateur ou Travailliste. Trump ou Biden. Cela n'a aucune importance.

Les empires tuent toujours ceux qui leur infligent des blessures profondes et graves. La longue persécution romaine du général carthaginois Hannibal, le forçant à la fin à se suicider, et le saccage de Carthage se répètent d'épopée en épopée. Le chef amérindien Crazy Horse. Patrice Lumumba. Malcolm X. Ernesto « Che » Guevara. Sukarno. Ngo Dinh Diem. Fred Hampton. Salvador Allende. Si on ne peut pas vous acheter, si on ne peut pas vous intimider pour vous faire taire, on vous tuera.

Les tentatives obsessionnelles de la CIA pour assassiner Fidel Castro - qui relèvent de l'incompétence puisqu'aucune d'elles n'a réussi - ont notamment consisté à engager Momo Salvatore Giancana, le successeur d'Al Capone à Chicago, et le mafieux de Miami, Santo Trafficante, pour tuer le leader cubain, tenter d'empoisonner les cigares de Castro avec une toxine botulique, lui fournir une combinaison de plongée infectée par le bacille tuberculeux, piéger une conque au fond de la mer où il plongeait souvent, glisser des pilules de toxine botulique dans l'une de ses boissons et utiliser un stylo équipé d'une aiguille hypodermique pour l'empoisonner.

Cette fois-ci, la clique de meurtriers se cache derrière le burlesque judiciaire supervisé à Londres par des juges corpulents en toges et perruques de crin blanc qui débitent des absurdités juridiques dignes de ce qu'on trouve dans Alice au pays des merveilles.

La décision qui fait droit à l'appel des États-Unis pour extrader Assange est dépourvue de toute analyse juridique. Elle a pleinement reconnu comme valides les conclusions du juge de la juridiction de première instance concernant le risque accru de suicide et les conditions de détention inhumaines aux États-Unis. Mais le jugement a fait valoir que la note diplomatique américaine n° 74, remise au tribunal le 5 février 2021, qui offrait des « assurances » qu'Assange serait bien traité, invalidait les conclusions du tribunal de première instance.

C'était un cas remarquable de non sequitur juridique. La décision n'aurait pas obtenu la note minimale dans un cours de droit de premier semestre. Mais l'érudition juridique n'est pas la question. Le traitement judiciaire d'Assange, qui chaque jour un peu plus a réduit à néant les normes juridiques, a érigé « le mensonge en règle universelle » (Franz Kafka).

Un manifestant brandit une pancarte de soutien à Julian Assange sur Oxford Street, Londres, 10 décembre 2021 - @AFP

La décision d'accorder l'extradition était fondée sur quatre « assurances » présentées devant le tribunal par le gouvernement américain. Le comité d'appel composé de deux juges a estimé que ces « garanties répondent parfaitement aux inquiétudes qui ont amené la juge [du tribunal de première instance] à libérer Assange ».

Les « assurances » garantissent qu'Assange ne sera pas soumis à des mesures administratives spéciales (MAS), qui maintiennent les prisonniers dans un isolement extrême et permettent au gouvernement de surveiller les conversations avec leur avocat, déniant ainsi le secret professionnel ; qu'il recevra des soins cliniques et psychologiques adéquats ; et que, avant et après le procès, il ne sera pas détenu dans l'établissement administratif maximal (ADX) de Florence, dans le Colorado.

« Il n'y a aucune raison pour laquelle cette cour ne devrait pas reconnaître que les engagements signifient ce qu'ils disent », ont écrit les juges. « Il n'y a aucun fondement qui ferait supposer que les États-Unis n'ont pas présenté les assurances en toute bonne foi ».

Et avec ces rhétoriques fuyantes, les juges ont signé l'arrêt de mort d'Assange.

Aucune des « assurances » du ministère de la Justice de Biden ne vaut le papier sur lequel elles sont écrites. Elles sont toutes assorties de clauses de sauvegarde. Aucune n'est juridiquement contraignante. Si toutefois Assange faisait « quelque chose après l'offre de ces assurances qui réponde aux critères conduisant à imposer des SAM ou à un placement à ADX », il sera soumis à ces mesures coercitives. Et vous pouvez être sûrs que tout incident, aussi insignifiant soit-il, sera utilisé, si Assange est extradé, comme une excuse pour le jeter dans la gueule du dragon.

Je ne sais pas trop comment répondre à l'assurance numéro quatre, selon laquelle Assange ne sera pas détenu avant le procès dans l'ADX de Florence. Personne n'est détenu avant procès à l'ADX de Florence. Et ce n'est pas la seule prison de très haute sécurité des États-Unis qui pourrait accueillir Assange. Il pourrait très bien être expédié dans une autre de nos installations semblables à Guantanamo.

Daniel Hale, l'ancien analyste du renseignement de l'armée de l'air américaine actuellement emprisonné pour avoir publié des documents top secret révélant les nombreuses victimes civiles causées par les frappes de drones américaines, est détenu depuis octobre à l'USP Marion, un pénitencier fédéral situé dans l'Illinois, dans une unité très restrictive qui reproduit l'isolement quasi total imposé par les SAM.

L'arrêt de la Haute Cour est ironiquement intervenu alors que le secrétaire d'État Antony Blinken annonçait, lors du Sommet virtuel pour la démocratie, que l'administration Biden allait fournir de nouveaux fonds pour protéger les journalistes pris pour cible en raison de leur travail et soutenir le journalisme international indépendant. Les « assurances » de Blinken selon lesquelles l'administration Biden défendra une presse libre, au moment même où cette administration exigeait l'extradition d'Assange, sont un exemple flagrant de l'hypocrisie et du mensonge qui font des Démocrates, comme le disait Glen Ford, « non pas le moindre mal, mais le mal le plus efficace ».

Assange est inculpé aux États-Unis de 17 chefs d'accusation en vertu de la loi sur l'espionnage et d'un chef d'accusation de piratage d'un ordinateur gouvernemental. Il pourrait être condamné à 175 ans de prison, bien qu'il ne soit pas citoyen américain et que WikiLeaks ne soit pas une publication américaine. S'il est reconnu coupable, cela aura pour effet de criminaliser le travail d'investigation de tous les journalistes et éditeurs, où qu'ils soient dans le monde et quelle que soit leur nationalité, du moment qu'ils possèdent des documents classifiés permettant de mettre en lumière les rouages du pouvoir.

Cet assaut meurtrier contre la presse aura été orchestré, il ne faut pas l'oublier, par une administration démocrate. Il créera un précédent juridique qui fera le bonheur d'autres régimes totalitaires et d'autocrates qui, enhardis par le comportement des États-Unis, attaqueront allègrement les journalistes et les éditeurs, où qu'ils se trouvent, publiant des vérités qui dérangent.

Il n'y a aucune base légale pour maintenir Julian Assange en prison. Il n'y a aucune base légale pour le juger, lui, un étranger, en vertu de la Loi sur l'espionnage. La CIA a espionné Assange à l'ambassade de l'Équateur par l'entremise d'une entreprise espagnole, UC Global, engagée pour assurer la sécurité de l'ambassade. Cet espionnage comprenait l'enregistrement des conversations confidentielles entre Assange et ses avocats. Ce seul fait invalide tout futur procès.

Après avoir passé sept ans à l'ambassade, dans une pièce exiguë et privée de la lumière du jour, Assange est détenu depuis près de trois ans dans une prison de haute sécurité à Londres, afin que l'État puisse, comme en a témoigné Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, continuer à le maltraiter et à le torturer sans relâche, sachant que cela entraînera sa désintégration psychologique et physique. La persécution d'Assange a pour but d'envoyer un message à toute personne qui envisagerait d'exposer la corruption, la malhonnêteté et la dépravation qui définissent le cœur noir de nos élites mondiales.

Mind Games - @Mr.Fish

Dean Yates peut vous dire ce que valent réellement les « assurances » américaines. Il était le chef du bureau de Reuters à Bagdad le matin du 12 juillet 2007, lorsque ses collègues irakiens Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh ont été tués, avec neuf autres hommes, par des hélicoptères de combat Apache de l'armée américaine. Deux enfants ont été gravement blessés. Le gouvernement américain a passé trois ans à mentir à Yates, à Reuters et au reste du monde à propos de ces meurtres, alors que l'armée disposait de preuves vidéo du massacre prises par les Apaches pendant l'attaque.

Cette vidéo, connue sous le nom de Collateral Murder, a été livrée en 2010 par Chelsea Manning à Assange. Pour la première fois, elle prouvait que les personnes tuées n'étaient pas engagées dans une fusillade, comme l'armée l'avait maintes fois répété. Elle a mis en lumière les mensonges des États-Unis, qui affirmaient qu'ils ne pouvaient pas localiser la séquence vidéo et qu'ils n'avaient jamais tenté de dissimuler les meurtres.

Les tribunaux espagnols peuvent également vous dire ce que valent les « assurances » américaines. L'Espagne a reçu l'assurance que David Mendoza Herrarte, s'il était extradé vers les États-Unis pour y être jugé pour trafic de drogue, pourrait purger sa peine de prison en Espagne. Mais pendant six ans, le ministère de la Justice a refusé à plusieurs reprises les demandes de l'Espagne pour un transfert, ne cédant que lorsque la Cour suprême espagnole est intervenue.

La population afghane peut elle aussi vous dire ce que valent les « assurances » américaines. Les responsables militaires, diplomatiques et du renseignement américains savaient depuis 18 ans que la guerre en Afghanistan était un bourbier et pourtant ils ont déclaré publiquement, à maintes reprises, que l'intervention militaire faisait des progrès continus.

Les habitants de l'Irak peuvent vous dire ce que valent les « assurances » américaines. Ils ont été envahis et soumis à une guerre brutale fondée sur des preuves fabriquées de toutes pièces concernant des armes de destruction massive.

Le peuple iranien peut également vous dire ce que valent les « assurances » américaines. Dans les Accords d'Alger de 1981, les États-Unis ont promis de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Iran, puis ont financé et soutenu l'Organisation des moudjahidines du peuple d'Iran (MEK), un groupe terroriste basé en Irak et dont l'objectif était de renverser le régime iranien.

Enfin, les milliers de personnes torturées dans les prisons clandestines des États-Unis peuvent vous dire ce que valent les « assurances » américaines. Les officiers de la CIA, lorsqu'ils ont été interrogés sur l'utilisation généralisée de la torture par la commission sénatoriale du renseignement, ont secrètement détruit les enregistrements vidéo des interrogatoires sous torture tout en insistant sur le fait qu'il n'y avait pas de « destruction de preuves ».

Le nombre de traités, d'accords, de transactions, de promesses et d'« assurances » conclus par les États-Unis partout dans le monde et ensuite violés est trop important pour être énuméré. Des centaines de traités signés avec les tribus amérindiennes, à eux seuls, ont été ignorés par le gouvernement américain.

Assange, qui en paye le prix fort à titre personnel, nous a avertis. Il nous a révélé la vérité. La classe dirigeante est en train de le crucifier pour cette vérité. Avec sa crucifixion, ce sont les timides lumières de notre démocratie qui s'éteignent.

Article traduit et reproduit avec l'autorisation de Chris Hedges
Source originale : Scheerpost - 13/12/2021

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