Si vous pensez qu’un de vos ministres est inutile, dites-vous que l’Albanie a réussi à faire pire, en nommant une ministre littéralement inexistante, puisqu’entièrement générée par une intelligence artificielle. Au-delà du simple effet de communication politique, jusqu’où peut nous mener cette obsession de la gouvernance par la technologie ? Difficile d’aborder sérieusement la question autrement que par l’absurde.

publié le 31/12/2025 Par Jordi Lafon

Le Premier ministre albanais, Edi Rama, a annoncé au mois de septembre la « nomination » d’une IA en charge de l’attribution des marchés publics. Qu’il s’agisse de simples achats de fournitures ou d’appels d’offres pour des travaux d’infrastructures, toutes les entreprises bénéficiant d’argent public albanais seront désormais sélectionnées par cette machine. Une décision qui permettra de rendre ces procédures « 100 % incorruptible et où chaque fond public qui passe par la procédure d'appel d'offres est 100 % lisible », selon Edi Rama. Technophile, mais tout de même conscient de l’attachement des humains à leur propre image, le cabinet du Premier ministre a pris soin d’offrir à cette IA un avatar féminin doté d’un prénom — Diella, « soleil » en albanais — et vêtu de vêtements traditionnels.

À partir de là, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Quelques semaines plus tard, le gouvernement albanais annonce que « Diella est enceinte » et qu’elle donnera naissance à 83 « descendants ». L’annonce est très sérieuse : elle correspond à l’attribution d’un assistant IA à chaque député du Parlement national.

La ruée vers l’IA

De plus en plus de gouvernements reconnaissent l’importance stratégique de l’IA en créant des postes ministériels pour traiter de la question, définir une stratégie politique dans ce secteur technologique, ou assument plus clairement le fait d’y avoir recours dans la conduite de leur politique. L’Albanie est en revanche le premier pays à attribuer la position de ministre à une entité non humaine, et à pousser aussi loin l’anthropomorphisation d’un programme logiciel. Ce pas franchi révèle l’obsession grandissante des élites politiques pour la gouvernance par la technologie, professant que celle-ci serait incorruptible, voire infaillible, et qu’il tombe donc sous le sens de s’en remettre à elle pour façonner le futur de nos sociétés.

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