En matière de dissuasion nucléaire, la subtilité est reine. Sans ambiguïté possible, tout détenteur de l’arme ultime affirmera qu’il a tracé une ligne rouge au-delà de laquelle un conflit conventionnel basculera vers l’affrontement nucléaire. En même temps, aucune puissance nucléaire ne définira avec précision où se situe exactement ce seuil de non-retour. Entre les « intérêts vitaux » des États-Unis et les « menaces sur l’existence même de l’État » de la Russie ou encore l’assurance chinoise d’une « seconde frappe » contredite par le développement d’un arsenal préemptif, nul point de bascule n’est explicite. Dûment prévenu, l’adversaire est maintenu dans l’incertitude. À lui de déterminer jusqu’où il peut s’aventurer sans violer ce seuil invisible qui entraînera à coup sûr sa propre vitrification.

publié le 25/08/2024 Par Jack Thompson

C’est ici que réside toute l’ambivalence d’une doctrine nucléaire, un mélange clair-obscur glacé impliquant une ligne rouge volontairement floutée associée à une certitude. Celle de subir des « dommages insupportables » si ladite ligne rouge est franchie.

6 août 1945, « Little Boy » vitrifie Hiroshima et trois jours plus tard, le 9 août, « Fat Man » est largué sur Nagasaki. À ce jour, les Américains demeurent les seuls à avoir eu recours militairement non pas à une, mais à deux bombes atomiques. À l'époque, des arrière-pensées stratégiques et idéologiques symétriques taraudaient le Kremlin et le Pentagone : démontrer qui était le plus fort sur la base d'arguties du type, « nous n’avions pas le choix » et « c’étaient eux ou nous », ce principe vieux comme le monde d’une « guerre juste » justifiant par avance le déclenchement d’hostilités.

Aujourd'hui, les armes nucléaires sont là. Avec elles, les conflits entre les grandes puissances ont pris une tout autre envergure, celle d’un anéantissement mutuel, total et irréversible.

Vers une destruction mutuelle assurée (MAD)

La Seconde Guerre mondiale achevée, les États-Unis proposèrent de se débarrasser de leur arsenal nucléaire et de laisser à l’ONU nouvellement créée de veiller, sanctions à l’appui, à ce qu’aucun État ne développe cette arme. Ce « plan Baruch » de 1946 fut rejeté par l’URSS. Que les États-Unis détruisent leurs armes atomiques seyait évidemment au Kremlin, mais que leur grand rival idéologique conserve le monopole de cette technologie dévastatrice, il en était juste hors de question.

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