L'extermination, ça fonctionne. Au début. Telle est la terrible leçon de l'Histoire... Si Israël n'est pas arrêté – et aucune puissance extérieure ne semble désireuse d'arrêter le génocide à Gaza ou la destruction du Liban – il atteindra ses objectifs : dépeupler le nord de Gaza pour mieux l'annexer et transformer le sud en un charnier où les Palestiniens sont brûlés vifs, décimés par les bombes, la famine et les maladies infectieuses, pour en être définitivement chassés. Il atteindra aussi son objectif de détruire le Liban – près de 2 400 personnes ont été tuées et plus d'un million de Libanais ont été déplacés – dans le but d'en faire un État en déliquescence. Et il pourrait bientôt réaliser son vieux rêve de forcer les États-Unis à entrer en guerre contre l'Iran. Les dirigeants israéliens ne cachent pas leur volonté d'assassiner le dirigeant iranien, l'ayatollah Ali Hosseini Khamenei, et de mener des frappes aériennes sur les installations nucléaires et pétrolières de l'Iran.
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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son cabinet, tout comme ceux qui, à la Maison Blanche, dirigent la politique au Moyen-Orient – Antony Blinken, Brett McGurk, Amos Hochstein – sont tous de fervents croyants de la doctrine selon laquelle la violence constitue un moyen de modeler un monde conforme à leur vision démentielle. Le fait que cette doctrine ait été un échec flagrant dans les territoires occupés par Israël et qu'elle n'ait pas fonctionné en Afghanistan, en Irak, en Syrie ou en Libye, et une génération plus tôt au Viêt Nam, ne les décourage pas pour autant. Cette fois-ci c'est la bonne, nous assurent-ils.
À court terme, ils ont raison. Et ce n'est pas une bonne nouvelle pour les Palestiniens et les Libanais. Les États-Unis et Israël continueront de faire usage de leur arsenal d'armes industrielles pour tuer un grand nombre de gens et réduire les villes à un tas de ruines. Mais à long terme, cette violence aveugle ne fait que semer des graines de discorde. Elle engendre des adversaires qui, malheureusement une génération plus tard, surpassent en sauvagerie – ce que nous appelons le terrorisme – les crimes de guerre qui ont anéanti la génération précédente.
La haine et la soif de vengeance, comme je l'ai appris en couvrant la guerre en ex-Yougoslavie, se transmettent comme un élixir empoisonné d'une génération à l'autre. Nos interventions désastreuses en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye et au Yémen, ainsi que l'invasion israélienne du Liban en 1982, responsable de la naissance du Hezbollah, auraient dû nous l'enseigner...
Ceux d'entre nous qui ont couvert le Moyen-Orient à la fin des années 1990 ont été sidérés de voir l'administration Bush s'imaginer qu'elle allait être accueillie comme un libérateur en Irak, alors que les sanctions imposées par les États-Unis depuis plus d'une décennie avaient entraîné de graves pénuries de nourriture et de médicaments, causant la mort d'au moins un million d'Irakiens, dont 500 000 enfants... Denis Halliday, coordinateur humanitaire des Nations unies en Irak, a démissionné en 1998 en raison des sanctions imposées par les États-Unis, les qualifiant de « génocidaires » parce qu'elles représentaient « une politique délibérée de destruction du peuple irakien ».
L'occupation de la Palestine par Israël et ses bombardements massifs au Liban en 1982 ont servi de catalyseur pour l'attaque d'Oussama ben Laden contre les tours jumelles de New York en 2001, tout comme le soutien des États-Unis aux attaques contre les musulmans en Somalie, en Tchétchénie, au Cachemire et dans le sud des Philippines, mais aussi l'aide militaire américaine à Israël et les sanctions contre l'Irak.
La « communauté internationale » va-t-elle continuer de rester passive et de permettre à Israël de mener une campagne d'extermination massive ? Des limites seront-elles un jour posées ? Ou bien la guerre avec le Liban et l'Iran servira-t-elle d'écran de fumée – les pires campagnes israéliennes de nettoyage ethnique et d'assassinat de masse ont toujours été menées sous le couvert de la guerre – pour transformer ce qui se passe en Palestine en une version moderne du génocide arménien ?
Je crains, étant donné le poids de l'AIPAC dans le système politique américain, que les rivières de sang ne continuent de couler. Sans parler de l'influence du complexe militaro-industriel – qui n'y voit que des avantages financiers à court terme – ou encore des centaines de millions de dollars dépensés dans les campagnes politiques par certaines méga-fortunes acquises au projet politique de Netanyahou. Tout cela représente une barrière redoutable qui empêche toute instauration de la paix.
À moins que, comme l'écrit Chalmers Johnson dans « Nemesis : Les derniers jours de la République américaine », « nous n'abolissions la CIA, ne confions la collecte de renseignements au département d'État et ne privions le Pentagone de toutes fonctions autres que celles purement militaires », nous ne connaîtrons « plus jamais la paix et, selon toute probabilité, nous ne survivrons pas très longtemps en tant que nation ».
Le génocide se fait par attrition. Une fois qu'un groupe ciblé est privé de ses droits, les étapes suivantes sont le déplacement de la population, la destruction des infrastructures et le massacre généralisé des civils. Israël assassine également les observateurs internationaux, les membres des organisations de défense des droits humains, les travailleurs humanitaires et les personnels des Nations unies, ce qui est caractéristique de la plupart des génocides. Les journalistes étrangers sont arrêtés et accusés « d'aider l'ennemi », tandis que les journalistes palestiniens sont assassinés et leurs familles décimées.
À Gaza, Israël mène des attaques incessantes contre l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), dont les deux tiers des installations ont été endommagées ou détruites, et qui a vu l'assassinat de 223 de ses employés. Tsahal a attaqué la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), où les soldats de la paix ont été la cible de tirs, de gaz lacrymogènes et victimes de blessures.
Il reprend à son compte le scénario des attaques menées par les Serbes de Bosnie en juillet 1995 contre les avant-postes de la Force de protection de l'ONU à Srebrenica, et dont j'ai rendu compte. Les Serbes, qui avaient bloqué toute livraison de nourriture à l'enclave bosniaque, provoquant une situation de malnutrition aggravée et même une famine, ont envahi les avant-postes de l'ONU et pris en otage 30 casques bleus avant de massacrer plus de 8 000 hommes et garçons musulmans bosniaques.
Ces phases initiales sont arrivées à leur terme à Gaza. La dernière étape est celle de la mort en masse, non seulement par balles et par bombes, mais aussi par famine et maladie. Aucune nourriture n'est entrée dans le nord de Gaza depuis le début du mois d'octobre.
Israël a largué des tracts exigeant de tous les habitants du nord qu'ils évacuent la zone. Les 400 000 Palestiniens du nord de Gaza doivent partir ou mourir. L'évacuation des hôpitaux a été exigée – Israël vise également les hôpitaux au Liban –, des drones ont été déployés pour tirer sans discrimination sur les civils, et ceux qui assistent les blessés se font également cibler. Des écoles qui servaient d'abris ont été bombardées et le camp de réfugiés de Jabaliya a été transformé en un champ de tir à ciel ouvert.
Comme d'habitude, Israël continue de s'en prendre aux journalistes, notamment Fadi Al-Wahidi, journaliste pour Al-Jazeera, qui a reçu une balle dans le cou et qui se trouve toujours dans le coma. Selon le ministère palestinien de la Santé, à Gaza, au moins 175 journalistes et professionnels des médias auraient été tués par les troupes israéliennes depuis le 7 octobre 2023.
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies met en garde quant au fait que les livraisons d'aide à l'ensemble de la bande de Gaza sont à leur niveau le plus bas depuis des mois. « Les gens n'ont plus aucun moyen de faire face à la situation, les systèmes alimentaires se sont effondrés et le risque de famine perdure ». Le siège absolu déjà imposé au nord de Gaza sera ensuite imposé au sud de Gaza. Une mort incrémentale. Et l'arme première, comme dans le nord, sera la famine.
L'Égypte et les autres États arabes ont refusé d'accueillir des réfugiés palestiniens. Mais Israël mise sur la création d'un désastre humanitaire aux proportions si catastrophiques que ces pays, ou d'autres, finiront par céder, ce qui permettra de dépeupler Gaza et de se consacrer au nettoyage ethnique de la Cisjordanie. Tel est le souhait de Netanyahou, bien que personne, pas même Israël, ne sache si cela fonctionnera.
En août, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, s'était ouvertement plaint du fait que la pression internationale empêchait Israël d'affamer les Palestiniens, « alors même que cela pourrait être justifié et moral, jusqu'à ce que nos otages nous soient rendus ».
Ce qui se déroule à Gaza n'est pas sans précédent. En 1965, l'armée indonésienne, soutenue par les États-Unis, a mené une campagne d'une durée d'un an pour exterminer les personnes accusées d'être des communistes, qu'il s'agisse de dirigeants, de fonctionnaires, de membres du parti ou de sympathisants. Le bain de sang – en grande partie perpétré par des escadrons de la mort et des bandes paramilitaires – a décimé le mouvement syndical ainsi que la communauté intellectuelle et artistique, les partis d'opposition, les leaders étudiants, les journalistes et les Chinois de souche. Un million de personnes ont été massacrées. De nombreux corps ont été jetés dans les rivières, enterrés à la hâte ou laissés à l'abandon, pourrissant sur le bord des routes.
Cette campagne de massacres est aujourd'hui mythifiée en Indonésie, comme elle le sera en Israël. Elle est présentée comme une bataille épique contre « les forces du Mal », tout comme Israël assimile les Palestiniens à des nazis. Dans le cas de la guerre indonésienne contre le « communisme », les tueurs sont acclamés lors des rassemblements politiques. Ils sont glorifiés pour avoir sauvé le pays. Ils sont interrogés à la télévision à propos de leurs luttes « héroïques ». La jeunesse Pancasila – l'équivalent indonésien des « Chemises brunes » ou de la jeunesse hitlérienne – forte de trois millions d'hommes en 1965, s'est jointe au chaos génocidaire et est considérée comme le pilier de la nation. Le documentaire « The Act of Killing » de Joshua Oppenheimer, dont la réalisation a duré huit ans, met en lumière la sombre psychologie d'une société qui s'adonne au génocide et vénère les meurtriers de masse.
Les États-Unis sont tout aussi pervers que les tueurs en Indonésie et en Israël. Nous avons mythifié le génocide des Amérindiens, en romançant nos tueurs, nos flingueurs, nos hors-la-loi, nos milices et nos unités de cavalerie. À l'instar d'Israël, nous fétichisons l'armée. Nos massacres de masse au Viêt Nam, en Afghanistan et en Irak – ce que le sociologue James William Gibson appelle la « techno-guerre » – constituent le fondement de l'assaut d'Israël sur Gaza et le Liban. La techno-guerre repose sur le concept de la « disproportionnalité » de l'action militaire. La disproportionnalité, avec son nombre intentionnellement élevé de victimes civiles, trouve sa justification dans son efficacité en tant que forme de dissuasion.
Tout comme Israël, ainsi que le souligne Nick Turse dans « Tuer tout ce qui bouge : la réalité de la guerre américaine au Viêt Nam », nous avons délibérément mutilé, maltraité, battu, torturé, violé, blessé et tué des centaines de milliers de civils non armés, y compris des enfants. Les massacres, écrit Turse, « étaient une conséquence inévitable de politiques délibérées, dictées au plus haut niveau des forces armées ».
La plupart des Vietnamiens – comme les Palestiniens – qui ont été assassinés, raconte Turse, ont d'abord été soumis à des formes dégradantes d'abus collectifs. Lors de leur première détention, ils étaient « confinés dans de minuscules cages à vache en fil de fer barbelé et parfois frappés avec des bâtons de bambou acérés pendant qu'ils s'y trouvaient ». D'autres détenus « ont été placés dans de grands bidons remplis d'eau ; les récipients ont ensuite été frappés avec une grande force, ce qui a provoqué des blessures internes mais n'a pas laissé de cicatrices ». Certains ont été « suspendus à des cordes pendant des heures ou accrochés la tête en bas et battus, une pratique appelée "le voyage en avion" ».
Ils ont été soumis à des chocs électriques à partir de téléphones de campagne actionnés par des manivelles, d'appareils alimentés par des piles ou même d'aiguillons pour le bétail. On a arraché leurs doigts. Certains ont été lacérés à coups de couteaux, « étouffés, brûlés par des cigarettes ou battus avec des matraques, des gourdins, des bâtons, des fléaux de bambou, des battes de base-ball et d'autres objets. Beaucoup ont été menacés de mort ou même soumis à des simulacres d'exécution ».
Turse a également observé – à l'instar d'Israël – que « les civils détenus et les guérilleros capturés étaient souvent utilisés comme détecteurs de mines humains et mouraient régulièrement au cours de ce processus ». Et tandis que les soldats et les marines se livraient quotidiennement à des actes de brutalité et à des meurtres, la CIA « organisait, coordonnait et finançait » un programme clandestin d'assassinats ciblés visant des « individus spécifiques sans chercher à les capturer vivants ou sans penser à un procès légal ». Et Nick Turse conclut :
« Après la guerre, la plupart des chercheurs ont considéré que les récits relatifs aux crimes de guerre généralisés, qui figurent dans les publications révolutionnaires vietnamiennes et dans la littérature anti-guerre américaine, n'étaient que de la propagande. Peu d'historiens universitaires ont même pensé à citer ces sources, et presque aucun ne l'a fait en détail. Entre-temps, My Lai est devenu le symbole de toutes les autres atrocités commises par les Américains, ce qui a permis d'effacer celles-ci.
Les étagères des livres sur la guerre du Viêt Nam sont aujourd'hui remplies d'histoires à grands spectacles, d'études abstraites sur la diplomatie et les tactiques militaires, et de souvenirs de combat racontés du point de vue des soldats. Enfouie dans les archives oubliées du gouvernement américain, enfermée dans les mémoires des survivants des atrocités, la réalité de la guerre américaine au Viêt Nam a pratiquement disparu de la perception du public. »
Il n'y a aucune différence entre nous et Israël. C'est pourquoi nous ne mettons pas de coup d'arrêt au génocide en cours à Gaza. Israël fait exactement ce que nous ferions à sa place. La soif de sang d'Israël est la nôtre. Comme l'a rapporté ProPublica, « Israël a délibérément bloqué l'aide humanitaire à Gaza, ont conclu deux organismes gouvernementaux. Antony Blinken a rejeté ces conclusions ». Or, la législation américaine exige que le gouvernement suspende les livraisons d'armes quand des pays empêchent l'acheminement de l'aide humanitaire soutenue par les États-Unis.
Une fois terminées, les campagnes d'extermination s'accompagnent d'une amnésie historique, du moins aux yeux des vainqueurs. Mais pour les victimes, la mémoire du génocide, ainsi que le désir de vengeance, sont sacrés. Les vaincus réapparaissent sous des formes que les tueurs génocidaires ne peuvent prévoir, alimentant de nouveaux conflits et de nouvelles animosités.
Le génocide perpétré par Israël a provoqué la fureur des 1,9 milliard de musulmans dans le monde entier, ainsi que de la plupart des pays du Sud. Ce génocide a discrédité et affaibli les régimes corrompus et fragiles des dictatures et des monarchies du monde arabe, qui collaborent avec les États-Unis et Israël et où vivent 456 millions de musulmans.
Israël et les États-Unis se revendiqueront certainement « victorieux » à l'issue de tous ces massacres. Mais au final, ils pourraient bien devenir de vulgaires parias exécrés par la majorité des États de notre monde.
Texte traduit et reproduit avec l'autorisation de Chris Hedges.
Source : Scheerpost — 14/10/2024
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