La déconnexion des citoyens est possible et elle est même souhaitable. Yves Marry, co-fondateur de Lève les yeux, « association pour la reconquête de l’attention » et auteur de Numérique, on arrête tout et on réfléchit ! (Rue de l’échiquier, 2024), souligne le rapport paradoxal de fascination et de saturation aux technologies numériques qu’ont leurs utilisateurs, et répond aux objections faites à la décroissance.
Laurent Ottavi (Élucid) : Vous ouvrez votre livre sur une anecdote personnelle concernant la Birmanie. Pouvez-vous la raconter et nous expliquer ce qu’elle dit de la fascination humaine pour les technologies ?
Yves Marry : La Birmanie était un pays fermé en raison d’une dictature militaire présente depuis 1962. L’ouverture s’est faite progressivement à partir de 2012 et, en 2014, le pays a été recouvert par le réseau 4G via trois opérateurs. D’une situation où il n’y avait ni image ni information sur l’état du monde auparavant, où seuls existaient quelques téléphones fixes et télévisions ici et là, le pays est passé à une situation où la puce, qui coûtait 500 dollars, ne coûtait plus subitement que 50 centimes et où, dès lors, tout le monde avait un téléphone connecté à Internet.
Cette anecdote témoigne d’une fascination pour la technologie bien analysée par Günther Anders. Il soutenait qu’elle résultait d’une quête de puissance, un hubris comme l’appelait les Grecs. L’homme, d’après lui, se sentait obsolète par rapport à une technologie qui le dépassait et dont il ne comprenait pas le mécanisme.
Élucid : Vous évoquez un trait propre à l’humain en général, mais vous inscrivez aussi les technologies numériques dans l’histoire des idées. De quelles idéologies dérivent-elles et qu’est-ce qui entretient leur succès au-delà de la quête de puissance dont vous avez parlé ?
Yves Marry : Les technologies sont portées par un certain nombre de penseurs et d’acteurs industriels (je pense aux GAFAM du côté américain, ou à des entreprises liées à des États), à la fois par intérêt et conviction. Sur ce second point idéologique, le libertarisme issu de la pensée cybernétique et le transhumanisme encouragé par quelqu’un comme Elon Musk sont de puissants moteurs.
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