Les bouleversements économiques qui agitent le pays n’ont pas épargné le marché immobilier. La crise immobilière a déjà commencé, et plus que jamais la question de l’opportunité d’acheter son logement plutôt que de le louer se pose. Contrairement à ce que prétend la sempiternelle rengaine d’une presse peu soucieuse des intérêts du plus grand nombre, acheter n’est pas toujours un bon investissement. Cela peut même s’avérer catastrophique dans des conjonctures incertaines. Explications.

publié le 24/03/2023 Par Olivier Berruyer

Cette analyse graphique est à l’origine d’une chronique vidéo, que vous pourrez retrouver ICI, sur la chaîne YouTube Élucid.

En complément de cette analyse, vous pourrez tester vos cas particuliers dans le simulateur que nous avons spécialement développé pour vous ICI.

Acheter n’est pas toujours plus rentable que louer

Bien entendu, si la question est « Faut-il mieux acheter ou louer un logement durant 40 ans ? », en effet, la réponse en général est bien « il vaut mieux acheter ».

MAIS tout est dans le « durant 40 ans ». En général, on garde rarement un bien immobilier pendant autant d’années. Et dans ces cas de figure, la rentabilité de votre opération immobilière va dépendre de différents facteurs, car les choses sont beaucoup plus complexes que ce que la plupart des intervenants – largement intéressés financièrement à l’évolution positive du marché – déclarent dans les médias, comme nous l’avons vu dans cet article.

En réalité, il y a trois grandes raisons qui expliquent que, parfois, il est plus rentable de louer que d’acheter :

- si le locataire est le seul à payer un loyer, il existe des coûts qui sont supportés par les seuls propriétaires, et qui sont parfois très importants ;

- l’achat immobilier consiste par nature à acheter un bien immobilier. La rentabilité de cette opération dépend donc grandement de l’évolution des prix de l’immobilier jusqu’à la revente ;

- enfin, en fonction des cas, la faible rentabilité locative peut avantager la location, comme on va le voir.

Les surcoûts de la propriété immobilière

Lorsque l’on achète, la première idée qui s’impose est la suivante : je ne perds pas d’argent car je j’obtiens un titre de propriété sur mon bien immobilier, que je pourrais donc revendre à l’occasion, évitant ainsi une perte, ou obtenant même une plus-value. Avant même d’évoquer les obstacles du marché, il faut donc en premier lieu rappeler les quelques coûts irrécupérable (et non-négligeables) liés à la propriété immobilière : intérêts, frais de notaire, frais d’agence, taxe foncière, charges non locatives, travaux, etc.

1/ Les intérêts d’emprunt

Dans le cas général, l’achat immobilier est financé, au moins partiellement, par un emprunt bancaire qui nécessite le paiement d’intérêts.

La façon dont fonctionne un emprunt immobilier est généralement mal connue. Or, c’est un point très important pour analyser la rentabilité d’un achat immobilier. Le banquier prête à l’acheteur une somme d’argent, le capital emprunté C, moyennant le versement d’intérêts calculés à partir d’un taux d’intérêt T, qui doivent être versés tous les ans durant toute la durée du prêt. En retour, l’emprunteur s’engage à payer tous les ans une somme constante P. Cette somme P, constante, comprend deux parties : le paiement des intérêts I de l’année et l’amortissement du capital emprunté A, on a donc : P (somme à rembourser) = I (intérêts) +A (amortissement du capital emprunté).

Ce montant P est constant, mais I et A changent tous les ans.

I se calcule simplement en appliquant le taux d’intérêt à la somme restant due à la banque D : I (intérêts) = T (taux d’intérêt) x D (somme restante due à la banque).

L’amortissement est égal à la différence entre le remboursement et les intérêts de l’année : A (amortissement) = P (sommes à rembourser) – I (intérêts).

La somme D restant due une année donnée est donc égale à la différence entre le capital emprunté C et la somme de tous les amortissements A déjà réalisés.

La première année : D (sommes restante due à la banque) = C (capital emprunté). Donc, en toute logique, la dernière année du crédit, D (sommes restante due à la banque) = 0.

On peut le représenter ceci à partir de l’exemple d’un emprunt de 250 000 € sur 25 ans, en fonction de 2 taux d’intérêt différents, de 1 % et 6 %. Dans le premier cas l’emprunteur doit rembourser tous les mois environ 1 000 €, dans le second cas environ 1 500 €.

Plus le taux d’intérêt est élevé, plus l’achat coûte cher – indépendamment du prix du logement. Mais on voit surtout que le coût du crédit diminue fortement avec le temps, ce qui signifie que durant les premières années du crédit, une (plus ou moins grosse) partie des paiements à la banque (correspondant aux intérêts) est de l’argent tout autant perdu qu’un loyer, surtout si le taux d’intérêt est élevé. Ce n’est qu’avec les années que cette perte diminue.

Depuis 5 à 6 ans, les taux avaient tellement baissé que la charge d’emprunt était devenue très faible. Mais avec la remontée des taux, qui est loin d’être finie, elle va devenir de plus en plus importante.

2/ Les taxes à l’achat (frais de notaire) et coûts divers

Les États ont bien compris que les citoyens qui achetaient un logement devaient emprunter de grosses sommes d’argent, c’était le moment idéal pour leur faire emprunter encore plus d’argent, afin de payer de grosses taxes.

En France, c’est ainsi de 7 % à 8 % de la valeur d’un logement ancien qui est perdue dès l’achat, principalement sous forme de ce qu’on appelle « Frais de Notaire », mais le notaire n’en touche qu’environ 1 % pour ses propres frais. Le reste est reversé sous forme d’impôt aux collectivités locales. Ces frais tombent à seulement 2 % à 3 % pour l’achat d’un logement neuf.

On constate que cet impôt injuste (car tout le monde paye le même taux, quels que soient ses revenus ou le nombre de logements possédés, que le logement soit gardé 1 semaine ou 50 ans) est largement répandu en Europe.

On comprend donc qu’une telle somme nécessite plusieurs années de détention pour être amortie. Une revente très rapide du logement sera donc quasiment toujours effectuée à perte.

3/ Les frais d’agence

Lors de l’achat immobilier, le vendeur doit généralement payer des frais importants à l’agence immobilière. Ils sont assez variables, mais généralement proches de 5 % de la valeur du bien.

Cela semble transparent pour l’acheteur, mais ça ne l’est pas au niveau patrimonial. Ainsi, juste après un achat immobilier d’un bien de 200 000 €, l’acheteur aura payé 215 000 € (avec les frais de notaire), pour un bien qui ne lui rapportera, en cas de revente immédiate que 190 000 € (une revente à 200 000 € nécessitant de payer 10 000 € à l’agence immobilière). Ce sont donc 25 000 € qui ont été perdus à l’achat dans cet exemple.

On comprend ainsi pourquoi, pour les « professionnels », c’est toujours « le bon moment de toucher une commission », comme on l’a vu dans cet article sur la propagande immobilière des grands médias.

4/ La taxe foncière

Le propriétaire d’un logement doit payer une taxe foncière, dont le montant a considérablement augmenté ces dernières années ; ces sommes servent à compenser en partie la suppression de la taxe d’habitation. Elle représente en moyenne un millier d’euros par an.

5/ Les charges non locatives

Dans les copropriétés, chaque copropriétaire doit payer des charges d’entretien et de fonctionnement. S’il loue son logement, il peut répercuter une grande partie de ses charges au locataire, ce sont les charges locatives. La différence, qui représente environ le quart du total, reste dans tous les cas à la charge du propriétaire (assurance de l’immeuble, honoraires du syndic, etc.), ce sont les charges non récupérables.

6/ Les gros Travaux

Enfin, tout propriétaire doit régulièrement financer de gros travaux, qui ne sont pas non plus récupérables si le logement est loué (ravalement de façade, changement de chaudière, réfection du toit, etc.). Toutes ces sommes s’additionnent, et finissent par représenter de gros montants, dont il faut tenir compte pour analyser la rentabilité.

La valorisation du bien acheté sur le marché immobilier

Bien évidemment, le point qui va énormément influencer la rentabilité d’une opération d‘achat est l’évolution de la valeur dans le temps du bien acheté.

Comme cela fait 25 ans que, globalement, la valeur n’a pratiquement jamais cessé d’augmenter, un tel mouvement a imprégné les esprits, et semble désormais être une évidence. Or, cela n’en est pas une : sur des périodes longues avant 2000, la valeur des logements était même relativement constante. Ce qui est plutôt logique, car une croissance permanente entrainerait un appauvrissement immobilier croissant des nouveaux acheteurs.

Ainsi, la France est un des seuls grands pays occidentaux dont la bulle des années 2000 ne s’est pas dégonflée. Mais dans d’autres pays, les prix ont bel et bien fortement baissé, et durant de nombreuses années.

Les États-Unis avaient même supprimé leur bulle en 2012, avant qu’elle ne reparte à cause de la baisse des taux. Les évolutions ont même été très différentes suivant les villes.

Or, la forte des hausses des taux en cours va probablement tirer les prix à la baisse, et si les vendeurs tentent de résister à ce mouvement, c’est le nombre des ventes qui va s’effondrer, un logement pouvant alors mettre 1 an ou 2 à se vendre à haut prix.

Comme l’achat immobilier supporte de très lourdes charges (frais de notaire et d’agence), il faut donc généralement plusieurs années pour le rentabiliser, si les prix restent constants. Et si les prix baissent, le « rêve immobilier » se révélera une très mauvaise affaire, dans le cas où les acheteurs devraient revendre leur bien au bout de quelques années. Cela arrive bien plus souvent que l’on ne pense, en particulier en cas de survenance d’un divorce, d’une perte d’emploi, d’une mutation professionnelle, de l’arrivée d’enfants, etc.

Ainsi, la durée moyenne de détention d’un logement a nettement augmenté depuis quinze ans. En 2006, les Français qui revendaient leur appartement en étaient propriétaires, en moyenne, depuis 6 ans. En 2017, au moment de la transaction, ils le détenaient depuis 9 ans et demi. Ce qui veut dire que 10 ou 20 % le revendent en 3 ou 4 ans, ce qui est une mauvaise affaire.

La faible rentabilité locative

Le dernier point dont il faut tenir compte concerne la faible rentabilité locative. En effet, comme on l’a vu dans cet article, les loyers ont, fort heureusement, beaucoup moins augmenté que les prix des logements. Mais cela a donc fortement dégradé la rentabilité locative.

Très concrètement, cela signifie que, même quand les taux d’intérêt n’étaient que de 1 %, il n’est pas possible d’acheter le logement qu’on loue avec une mensualité de remboursement égale au loyer. Ce n’est pas suffisant, il faut disposer d’une épargne mensuelle disponible et que l'on peut consacrer à l’achat.

Ainsi, quand on compare le fait d’acheter ou de louer, il faut voir si l'on dispose en tant que locataire d’une épargne mensuelle supplémentaire ou d‘un apport personnel conséquent, car les intérêts cumulés de cette épargne sont un avantage pour le locataire – son épargne augmentant en fonction du taux de la rémunération de l’épargne.

Notre Simulateur Élucid « Acheter ou Louer ? »

Afin de rendre tout ce qui précède beaucoup plus concret, et surtout adapté à votre propre situation, nous vous proposons un simulateur que nous avons créée afin que vous puissiez tester les projections que vous souhaitez.

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Vous constaterez par exemple que, pour un même logement de 43 m² à Rennes, loué 600 € et vendu 200 000 €, il faut attendre 16 années pour rentabiliser l’achat, en rajoutant une épargne mensuelle de près de 700 €.

Ou, dans une hypothèse où cette fois on dispose d’un budget serré de 600 €, sans épargne additionnelle, il faut attendre seulement 4 années pour rentabiliser un achat immobilier au même endroit, mais on passe alors d’un 43 m² à un 16 m².

En conclusion : sortir du rêve immobilier avant qu’il ne vire au cauchemar

Comme on l’a vu dans cet article, la presse commence en 2023 à tirer la sonnette d’alarme sur le danger du « rêve immobilier » :

Cette notion est très intéressante, car elle renvoie finalement à une vision très profonde : tout le monde a envie d’être propriétaire. Il est donc intéressant d’analyser l’évolution de la proportion de propriétaires en France, qui a fortement augmenté durant les Trente Glorieuses, jusqu’en 1990. Elle est actuellement d’un peu moins de 60 %.

Pourtant, une analyse mondiale montre qu’un taux élevé de propriétaires est plutôt le signe de pays moins développés, comme la Chine, l’Inde, l’Albanie… Les plus forts taux de locataires s’observent au Japon, en Allemagne, en Suisse, et ce n’est pas une si mauvaise affaire si les loyers sont bon marché, et permettent de disposer d’une épargne supplémentaire qu’on peut investir ailleurs.

Il ressort de tout ce qui précède que l’achat immobilier a généralement été très profitable depuis 25 ans, car les prix ont explosé. Et comme les prix sont en train de se retourner, probablement pour longtemps, la situation risque de changer radicalement dans les années à venir. Il convient donc d’être très prudent. On peut aussi réaliser de très bonnes affaires financières si on reste locataire pendant 10 ans, surtout dans le contexte actuel.

Enfin, et a contrario, il faut aussi penser qu’une résidence principale, c’est aussi le cadre de sa vie et de sa famille, ce n’est pas qu’un investissement financier, c’est un plaisir, qui peut justifier des surcoûts – tant qu’on les maitrise bien.

Nous espérons que notre simulateur vous permettra de vous y retrouver et de faire les bons choix.