Comme au lendemain de la crise des subprimes, l’économie allemande s’est rapidement relevée de la crise économique liée à la crise sanitaire. Si les déséquilibres entre pays causés par l'euro y jouent un rôle important - car l'Allemagne reste la grande gagnante de la monnaie européenne - la reprise est d’autant plus rapide que la récession de 2020 a été moins importante que dans tous les autres pays européens.
L’économie allemande va mieux. Au troisième trimestre 2021, le PIB trimestriel allemand s’établit ainsi 13 % au-dessus de son niveau du premier trimestre 2008, avant le début de la crise des subprimes. Une augmentation de 12 % par rapport au deuxième trimestre 2020, au plus fort de la crise du Covid-19.
Cependant, ce niveau est encore inférieur au PIB trimestriel qui prévalait en 2019. Durant cette année, le PIB trimestriel allemand s’était stabilisé en moyenne 14 % au-dessus de son niveau de début 2008. Un niveau historiquement haut venant couronner quinze ans de forte croissance, comparativement aux autres pays européens.

Entre 2005 et 2010, l’Allemagne connait une période de croissance faste : elle augmente jusqu’à 4 % en 2006, et le chômage diminue. Cependant, sur le plan social, cette période fait émerger une catégorie de travailleurs pauvres aux emplois précaires. D’autant que jusqu’en 2015, aucun salaire minimum n’existait en Allemagne.
La crise de 2008 brise cette dynamique de croissance, avec une récession de 7,2 % sur un an entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2009, et un pic de récession trimestrielle à 4,7 % au premier trimestre 2009. L’État allemand intervient même en février 2008 pour sauver la Banque IKB de la faillite, et rachète plusieurs banques régionales ayant subi des pertes liées à des prêts consentis aux États-Unis.
À partir du premier trimestre 2010, l’Allemagne sort de la récession, et elle n’y entrera plus — sur un an glissant — jusqu’à la fin de l’année 2019. Dès le premier trimestre 2010, l’Allemagne renoue en effet avec une croissance du PIB trimestriel supérieure à celle de 2008. Au premier trimestre 2011, la croissance sur un an glissant est ainsi de 5,8 %, notamment grâce à des exportations vigoureuses et un regain de la consommation intérieure. Une situation qui contraste fortement avec ses partenaires européens.

La croissance trimestrielle ralentit ensuite entre 2012 et mi-2013 — notamment en raison de moindres exportations — puis reprend sa hausse fin 2013, soutenue par le rétablissement de la demande intérieure allemande et des exportations. Au quatrième trimestre 2017, la croissance allemande atteint son plus haut niveau sur un an glissant depuis le deuxième trimestre 2011.
La croissance décroche ensuite en 2018, puis plonge en 2020 lors de la crise du Covid : le PIB trimestriel chute de 10 % au deuxième trimestre 2020. Cependant, sur l’ensemble de l’année 2020, la récession allemande est de 5 %, bien en dessous de la France (-8 %), du Royaume-Uni (-9,8 %), de l’Espagne (-11 %) et de l’Italie (-9 %). Aux deuxième et troisième trimestres 2021, la croissance trimestrielle du PIB se situe à son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2011, si l’on excepte la croissance trimestrielle du deuxième trimestre 2020, liée à un effet de rattrapage.

Si l’on regarde en détail les contributions sectorielles à la croissance, on constate que c’est la consommation intérieure et les investissements qui ont beaucoup contribué à la croissance allemande. Depuis 2012, l’investissement allemand a ainsi quasiment toujours été vecteur de croissance, particulièrement entre 2016 et 2018. Après la récession de 2020, on constate que l’investissement est reparti fort, avant de peser négativement sur la croissance lors du deuxième et du troisième trimestre 2021.
Le commerce extérieur est également décisif dans le dynamisme de la croissance allemande : même s’il a connu un trou d’air entre le deuxième trimestre 2015 et fin 2016, il a contribué à l’accélération de la croissance allemande en 2017. Depuis 2018, il peine cependant à tirer la croissance allemande vers le haut : il pèse négativement sur la croissance depuis le début de l’année 2021.

Le PIB par habitant boosté par la faible démographie
Le PIB trimestriel par habitant de l’Allemagne a également connu une forte hausse depuis quinze ans : il a ainsi augmenté de 30 points de 2005 à 2020. Une première phase de forte croissance s’étend de 2005 à 2008 — interrompue par la crise des subprimes — puis une autre phase importante à partir de 2009 jusqu’en 2018. Au troisième trimestre 2021, il se situe 10 % au-dessus de son niveau de 2008, mais encore en dessous de son niveau de 2019.

En regardant la dynamique de la croissance du PIB trimestriel sur un an glissant, on s’aperçoit qu’elle est très similaire à celle de la croissance du PIB global. La démographie allemande ne semble donc pas peser sur la croissance du PIB par habitant. Elle est en effet moribonde depuis le début des années 1990. Ainsi, de 1991 à 2011, le taux de natalité allemand est resté inférieur à 1,4 enfant par femme. Dans l’histoire du pays, jamais un si faible taux de natalité n’avait perduré durant une période si longue.
Cette crise démographique a cependant pu être compensée par une immigration extraeuropéenne et intraeuropéenne. Pour faire face à une potentielle pénurie de main-d’œuvre, l’Allemagne a donc facilité une certaine immigration, notamment de travailleurs qualifiés. Selon l’Agence fédérale pour l’emploi allemande, le pays aura en effet besoin d’environ 400 000 immigrés par an pour occuper les emplois qui seront laissés vacants dans les années à venir.

Depuis 2010, la solidité de la croissance allemande confirmée
L’observation de la croissance moyenne sur plusieurs décennies montre une diminution progressive de la croissance allemande entre les années 1960 et les années 1990, qui est passée de 4,4 % à 2,2 % en moyenne. Le début des années 1990 est cependant marqué par une croissance forte, notamment liée à la réunification, qui a étendu le marché intérieur de la RFA (l’Allemagne de l’Ouest).
À partir du début des années 2000, la croissance allemande ralentit fortement, en raison des difficultés de l’Allemagne à exporter en dehors de l’Union européenne. Sur la dernière décennie, la croissance allemande a retrouvé son niveau des années 1980 et 1990.

En comparaison avec la France, la croissance allemande était inférieure à celle de l’Hexagone jusqu’en 1982. Puis les deux pays ont connu une trajectoire de croissance similaire jusqu’en 2010, avec néanmoins un décrochage de la croissance allemande au début des années 2000, comme nous l’avons vu. Depuis 2010, il apparaît clairement que le taux de croissance allemand est solidement ancré au-dessus du taux de croissance français. La crise du Covid-19 survenue en 2020 ne semble pas avoir modifié cette tendance.

L'Allemagne reste la grande bénéficiaire de l'euro. En effet, la monnaie unique a empêché la monnaie allemande de s'apprécier au rythme de ses succès à l'exportation. De la même façon, elle a symétriquement empêché les monnaies des autres pays européens de se déprécier, et cela a de facto conduit à une forme d'importation de la croissance de ses voisins au bénéfice de l'Allemagne.