L’agriculture conventionnelle, celle qui domine le monde, fait la guerre au vivant. Jacques Caplat, agronome et ethnologue engagé à la Fédération nationale d’agriculture biologique et au réseau Semences Paysannes, auteur notamment de Agriculture industrielle, on arrête tout et on réfléchit (Rue de l’échiquier), en déboulonne les mythes. L’agriculture conventionnelle, produit de l’industrialisme, génère à ses yeux la faim dans le monde et un effondrement de la biodiversité. Elle fait croire à tort qu’elle est la seule existante et possible. Jacques Caplat y oppose une agriculture non industrielle, « systémique », qui repose sur la diversité et la décentralisation.

Laurent Ottavi (Élucid) : Vous préférez parler d’agricultures au pluriel que d’une agriculture au singulier. Comment caractérisez-vous le modèle agricole dominant et en quoi fait-il croire qu’il est le seul possible ?
Jacques Caplat : Des années d'accompagnement d'agriculteurs et de participation à des concertations institutionnelles m'ont convaincu que l'un des principaux points de blocage du monde agricole est le gigantesque malentendu qui perdure au sujet de la nature de la transition agricole. Beaucoup croient qu'il s'agit d'aménager à la marge une agriculture supposément universelle, car ils sont persuadés que les bases de notre agriculture actuelle seraient les seules possibles. En fait, ils n'en sont même pas persuadés : ils l'ont profondément intégré dans leur inconscient. Or, cette croyance empêche de poser les bonnes questions et limite dangereusement le champ des possibles.
Pour avancer, nous devons donc d'abord prendre conscience que l'agriculture qui domine actuellement le monde n'est qu'une agriculture parmi d'autres. L'acte agricole a été inventé dans au minimum cinq lieux totalement distincts sur des bases différentes (Méso-Amérique, Moyen-Orient, Asie du Sud-Est, Afrique de l'Est, Océanie). Ce que nous appelons abusivement « l'agriculture » n'est en réalité que « l'agriculture issue du Moyen-Orient ». Il faut impérativement comprendre quelles sont ses particularités si nous voulons identifier clairement ce qui peut évoluer et imaginer d'autres bases agronomiques.
Ce modèle né au Moyen-Orient (dans ce qui est appelé le « Croissant fertile » : Liban, Syrie et Irak actuels) s'est ensuite développé en Europe et a été imposé à l'ensemble du monde lors des conquêtes européennes du XVIe puis du XIXe siècle. C'est la raison pour laquelle il est désigné sous les termes « d'agriculture conventionnelle », car c'est le modèle qui fait convention dans les institutions internationales. Pour résumer, il possède 3 grandes spécificités que l'on ne retrouve pas dans les autres formes d'agriculture.
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