Les deux premières puissances économiques européennes ont eu des trajectoires d’endettement très différentes depuis vingt ans. Alors qu’elles connaissaient un niveau d’endettement comparable au début des années 2000, la dette de l’Allemagne a légèrement baissé jusqu’à nos jours, tandis que celle du Royaume-Uni a fortement augmenté, notamment sous l’impulsion de l’explosion de la dette publique.
Au premier trimestre 2000, la dette totale de l’Allemagne était de 180 % de son PIB, un niveau supérieur au niveau moyen de la zone euro, qui était de 168 % du PIB au même moment. Après une baisse quasiment ininterrompue jusqu’à 157 % du PIB en 2018, elle s’établit à 181 % du PIB au troisième trimestre 2021, son plus haut niveau des deux dernières décennies.
Ce rebond de l’endettement est évidemment lié à la crise sanitaire mondiale survenue en 2020. Cependant, le niveau d’endettement total allemand est désormais inférieur à la moyenne de la zone euro, qui est de 230 % du PIB en moyenne en septembre 2021.

Si l’on observe dans le détail l’évolution des composantes de la dette totale allemande, on observe plusieurs dynamiques :
- Les dépenses publiques allemandes sont plutôt stables entre 2000 et 2008 : ceci est notamment dû aux mesures prises dans le cadre de « l’agenda 2010 », un ensemble de réformes initiées par le chancelier Gerhard Schröder à partir de 2003. Ces réformes comprenaient notamment le durcissement des conditions d’attribution des allocations chômage et la réduction du niveau des retraites, incitant les Allemands à souscrire à des fonds de pension privés pour compenser cette baisse.
- Consécutivement à la crise des subprimes, les dépenses publiques augmentent jusqu’à atteindre 81 % du PIB en 2012, avant de redescendre à leur niveau du début des années 2000 à la fin 2019 : 60 % du PIB. La pandémie de 2020 engendre une hausse de la dette, notamment en raison de la mise en place d’un plan de relance de 130 milliards d’euros en juin 2020. La dette publique allemande s’établit ainsi à 71 % du PIB à la fin du deuxième trimestre 2021.
- La dette des ménages diminue quant à elle quasiment sans interruption entre 2000 et 2018, passant de 71 % à 52 % du PIB. Ceci est notamment lié au fait que le pays n’a pas connu d’explosion des prix de l’immobilier ayant pesé sur les ménages. Depuis 2012, une bulle immobilière est cependant en train de se former en Allemagne, et les prix sont au plus haut depuis 25 ans. De plus, avec la crise du Covid-19, l’endettement des ménages repart à la hausse : il atteint 59 % du PIB au deuxième trimestre 2021, son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2011.
- Après une légère hausse entre 2000 et 2002, la dette des entreprises non financières baisse également sans interruption entre début 2003 et début 2015, passant de 57 % à 41 % du PIB. Depuis elle est remontée, et s’établit à 51 % du PIB au troisième trimestre 2021, son plus haut niveau depuis début 2007.

L’analyse de l’évolution trimestrielle de l’endettement permet d’observer plus finement les périodes de baisse et de hausse de l’endettement.
On observe ainsi qu’entre le premier trimestre 2009 et le dernier trimestre 2010, la dette publique allemande augmentait de 1,5 point de pourcentage du PIB chaque trimestre.

Lors de la crise du Covid, on constate la spectaculaire envolée de la dette par trimestre en 2020. Au deuxième trimestre 2020, la dette totale allemande a augmenté de 10,4 points de pourcentage du PIB, dont 6 % pour la dette publique. La croissance de l’endettement s’est ensuite ralentie.
Au deuxième trimestre 2021, pour la première fois depuis le dernier trimestre 2019, la dette totale allemande s’est résorbée, notamment sous l’impulsion du désendettement du secteur privé.

Au Royaume-Uni, une forte hausse de la dette publique
Alors que la dette publique britannique se situait à un niveau inférieur à la dette des ménages et des entreprises non financières au début des années 2000, la crise des subprimes, puis du Covid-19 l’ont fait fortement augmenter. La dette totale du Royaume-Uni est ainsi passée de 163 % du PIB en 2000 à 254 % au deuxième trimestre 2021, son plus haut historique, 24 points au-dessus de la moyenne de la zone euro.

Dans le détail des composantes de la dette totale britannique, on observe les dynamiques suivantes :
- En 2000, la dette des administrations publiques au Royaume-Uni s’établit à 38 % du PIB, un niveau qui reste stable jusqu’à la crise des subprimes. En octobre 2008, le gouvernement britannique annonce un plan de sauvetage des banques privées, et propose une entrée à leur capital jusqu’à 50 milliards de livres. Entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2012, la dette publique double, passant de 42 % à 80 % du PIB. Elle se stabilise autour de ce seuil jusqu’en 2020, avant que la crise sanitaire ne la fasse réaugmenter. Elle s’établit à 105 % du PIB au deuxième trimestre 2021.
- Entre 2000 et fin 2009, la dette des ménages britanniques augmente, passant de 63 % à 96 % du PIB. Cet endettement est notamment dû à l’augmentation des prix de l’immobilier sur cette période au Royaume-Uni ayant pesé sur les ménages. Depuis 2009, l’endettement des ménages a diminué pour se stabiliser légèrement au-dessus de 80 % du PIB, avant d’augmenter avec la crise du Covid-19. Au deuxième trimestre 2021, l’endettement des ménages britanniques représente 88 % du PIB, un retour à son niveau de fin 2013.
- Après une hausse de leur endettement entre 2000 et 2010 les entreprises britanniques se sont désendettées progressivement, pour atteindre 60 % du PIB au deuxième trimestre 2021. Il est intéressant de voir que la crise du Covid n’a pas provoqué de hausse significative du niveau d’endettement des entreprises britanniques.

L’analyse de l’évolution trimestrielle de l’endettement fait apparaître clairement les deux périodes de forte hausse de la dette publique britannique en 2009 et 2020.
En 2009, elle a ainsi augmenté en moyenne de 3,7 points de pourcentage du PIB par trimestre, avant que sa progression ne ralentisse, puis se mette à décroître entre 2016 et 2019. On constate également la baisse spectaculaire de l’endettement des entreprises non financières en 2013, de 10,1 points de pourcentage du PIB au dernier trimestre 2013.

En 2020, la dette totale britannique a augmenté de 18,6 points de pourcentage du PIB au deuxième trimestre, soit quasiment le double de l’augmentation constatée en Allemagne. La dette publique représente 11,5 points de pourcentage du PIB de cette augmentation, la dette des entreprises 4,5 points et la dette des ménages 2,5 points. La dette publique a encore augmenté de 4,3 puis 5,2 points de pourcentage du PIB aux troisième et quatrième trimestres 2020.
Au deuxième trimestre 2021, pour la première fois depuis fin 2019, la dette totale s’est résorbée de 4,6 points de pourcentage du PIB, sous l’impulsion du désendettement des ménages et des entreprises.

L’Allemagne et le Royaume-Uni ont donc connu des dynamiques d’endettement bien différentes ces vingt dernières années. Alors que l’Allemagne a connu une baisse de son endettement privé et une stabilité de son endettement public depuis vingt ans, le Royaume-Uni a connu un doublement de son endettement public et une hausse de l’endettement des ménages, notamment en raison de l’augmentation des prix de l’immobilier.
La crise sanitaire de 2020 a fait repartir l’endettement public des deux pays. Au deuxième trimestre 2021, leur endettement total a cependant commencé à se résorber.