Au plus proche du pouvoir pendant les Trente Glorieuses, Jean Saint-Geours (1925-2015) fut directeur du Trésor, conseiller au cabinet de Pierre Mendès France et directeur de grands établissements bancaires. Dans cet entretien exclusif réalisé par Olivier Berruyer en 2013, Jean Saint-Geours raconte l'évolution de la politique économique française depuis 1945, sa libéralisation progressive, la fin des accords de Bretton Woods, et les grandes réformes des années 1980.
Jean Saint-Geours (1925-2015), diplômé de droit et ancien élève de l’ENA, fut un haut fonctionnaire français. Il débuta sa carrière en 1950 en tant qu’inspecteur des finances, puis rejoignit la direction du Trésor en 1953. Il fit partie de plusieurs cabinets ministériels, y compris celui de Pierre Mendès-France, lorsque ce dernier fut Président du Conseil. Il fut également directeur général du Crédit Lyonnais, Président de la Compagnie financière de crédit industriel et commercial et Président de COB (Commission des opérations de bourse).
Olivier Berruyer : M. Saint-Geours, vous avez été conseiller au cabinet de Pierre Mendès France lorsqu’il était Président du Conseil (1953-1955). Que pouvez-vous nous dire de cette période ?
Jean Saint-Geours : J’ai commencé à découvrir la politique économique et les mécanismes de son élaboration en entrant dans l’équipe de Mendès France. La conception des politiques économiques à l’époque était marquée par le dirigisme à tendance socialiste. Quoiqu’il défendît l’intervention étatique, Mendès ne pensait pas qu’elle devait être systématique. Plus précisément, l’économie dirigée devait être au service de la classe ouvrière et permettre une transformation de la société au bénéfice de cette dernière. Il ne devait donc pas s’agir d’une manière d’agir systématisée, mais plutôt d’un outil au service d’une fin : l’amélioration du sort de la classe ouvrière.
Sur le plan économique, j’étais un mendésiste de pied ferme. Je le comprenais, car nous avions suivi un parcours similaire. Nous avions touché à l’économie et à l’économie internationale presque en même temps. J’ai d’ailleurs été envoyé à New York par l’inspection des finances en 1950 lorsque Mendès représentait la France à Bretton Woods.
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