États-Unis : financiarisme et consommation à crédit au secours de la croissance

La croissance américaine faiblit depuis le début des années 2000, notamment en raison de l’ampleur de la crise des subprimes en 2008. Cette croissance est tirée avant tout par la consommation des ménages, tandis que la balance commerciale américaine est pénalisante.

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publié le 18/01/2022 Par Élucid
États-Unis : Financiarisme et Consommation à crédit au secours de la croissance
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La croissance américaine commence à décoller au début du XXe siècle. Lors des deux premières décennies du siècle, la croissance américaine annuelle s’établit ainsi en moyenne à 2,5 % du PIB. Mais c’est lors des années 1920 — parfois appelée « Roaring twenties » ou « années rugissantes » — que la croissance américaine accélère, et s’établit à 3,5 % par an en moyenne. Cette accélération est notamment tirée par un secteur automobile en pleine expansion, et par l’émergence de nouveaux modes d’organisation du travail, le taylorisme et le fordisme.

Le krach boursier de 1929, puis la Grande Dépression qui en découle, brisent cette dynamique de croissance et les États-Unis connaissent quatre années consécutives de récession de 1930 à 1933. Cette période de récession reste encore aujourd’hui la plus longue de l’histoire des États-Unis. Sur l’ensemble de la décennie 1930-1940, la croissance moyenne annuelle s’établit à 1 %, avec un pic de récession à -13 % en 1936.

À noter que le « New Deal » initié par le président Franklin Delano Roosevelt entre 1933 et 1938 permet de relancer la croissance américaine dans la deuxième moitié des années 1930. Mais c’est dans les années 1940, avec la mise en place d’une économie de guerre, que les États-Unis vont connaître leur période de croissance la plus faste.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis connaissent un dynamisme industriel sans précédent, afin d’équiper les alliés durant le conflit. Cela résulte en une croissance économique historiquement haute, de 5,6 % par an en moyenne sur la décennie, avec un pic à 19 % en 1942. En 1946, la démobilisation d’après-guerre met fin à la construction de matériel militaire sur le sol américain et engendre une récession de -11,6 %. C’est la dernière grande récession du siècle aux États-Unis.

En effet, de 1950 à 2000, l’économie américaine connaît une forte croissance quasiment ininterrompue : autour de 4,5 % de 1950 à 1970, puis autour de 3,2 % de 1970 à 1990. Les États-Unis s’affirment comme première puissance mondiale incontestée. La seule récession importante sur cette période a lieu en 1982, lorsque la banque centrale américaine décide de mener une politique monétaire restrictive afin de combattre l’inflation liée aux deux chocs pétroliers des années 1970. Elle est de -1,8 % du PIB.

Les deux premières décennies du XXIe siècle se caractérisent par une croissance bien moins élevée que lors de la deuxième moitié du XXe siècle. Entre 2000 et 2010, la croissance a augmenté en moyenne chaque année de 1,9 %, son niveau le plus faible depuis les années 1930. Ce niveau s’explique par la crise liée à l’explosion de la bulle technologique au début des années 2000, mais surtout par la crise des subprimes. Ainsi, en 2009, la récession américaine atteint 2,5 %, un record depuis 1946.

Enfin, entre 2010 et début 2020, la croissance américaine repart : le pays connaît 126 mois de croissance consécutifs jusqu’au début de la pandémie mondiale de Covid-19. En 2020, la récession aux États-Unis fait varier négativement le PIB de 3,5 %, un niveau plus important qu’en 2009.

Une croissance tirée par l’endettement des ménages

L’analyse des composantes du PIB américain sur le temps long permet de repérer les déterminants de la croissance. On distingue plusieurs tendances :

- La consommation des ménages est de loin le premier déterminant de la croissance américaine. Alors que sa part dans le PIB américain était stabilisée autour de 60 % entre 1950 et 1980, elle n’a fait qu’augmenter depuis, pour atteindre 68 % du PIB en 2020. Cette augmentation est en partie due à la financiarisation de l’économie américaine débutée dans les années 1980, qui a engendré l’essor du crédit.

- Après avoir connu un pic à 20 % du PIB au 1979, la part de l’investissement dans le PIB américain a baissé à 15 % en 1991, puis à 13 % en 2009, après la crise des subprimes : son plus bas niveau depuis 1945. En 2020, elle se situe à 17 % du PIB.

- La part des dépenses publiques dans le PIB a diminué quasiment en continu depuis 1953, où elles représentaient 25 % du PIB. On observe toutefois une remontée significative de la part des dépenses publiques dans la croissance en 2009, quand le secteur public américain est intervenu pour soutenir les marchés lors de la crise. En 2020, elle se situe à 18 % du PIB, une légère remontée par rapport à 2019, notamment en raison de la crise sanitaire qui a entraîné une intervention publique dans l’économie.

- Depuis la fin des années 1970, le commerce extérieur pèse négativement sur le PIB américain. Cette tendance connaît son apogée dans les années 2000 : en 2006, la balance commerciale américaine déficitaire a ainsi coûté 5,6 points de PIB aux États-Unis. Depuis 2013 jusqu’en 2020, cette balance déficitaire coûte en moyenne 3 points de PIB chaque année aux États-Unis.

En regardant l’évolution de la croissance du PIB depuis 1986, on retrouve les tendances observées dans les graphiques précédents. La consommation des ménages contribue ainsi positivement à la croissance quasiment tous les ans depuis 1986, à l’exception des années 2009 et 2020, marquées par deux crises économiques.

On perçoit aussi la chute brutale de l’investissement après la crise des subprimes en 2009, qui contribue alors négativement à la croissance à hauteur de 2,7 points de PIB. Enfin, on voit que le commerce extérieur a pesé négativement sur la croissance lors de 23 années sur les 35 présentées sur le graphique ci-dessous, soit deux années sur trois.

L’augmentation de la part de la consommation des ménages américains dans le PIB à partir de 1980 se perçoit en observant l’évolution de l’encours des crédits non adossés à un bien immobilier aux États-Unis. Depuis 1980, sa croissance est supérieure à la croissance du PIB, il est ainsi passé de 12 points de PIB en 1980 à 19,3 points de PIB en 2020, une augmentation de 7,3 points.

En France depuis deux décennies, l’encours des crédits non adossés à l’immobilier a crû à un rythme légèrement plus faible que le PIB, passant de 13 points de PIB en 1997 à 12 points de PIB en 2020. En 2020, l’encours des crédits non adossés à l’immobilier, exprimé en points de PIB, était ainsi aux États-Unis plus de 1,5 fois supérieure à l’encours de ces crédits en France. La croissance américaine a donc été partiellement financée par l’endettement des ménages.

Une hausse moins rapide du PIB par habitant

En intégrant le facteur démographique dans la mesure de la croissance américaine, on se rend compte que le PIB par habitant a augmenté de manière très importante à partir de la fin des années 1930. Corrigé de l’inflation, le PIB annuel par habitant américain est ainsi passé de 17 000 dollars en 1950 à 65 000 dollars en 2019, soit une multiplication par près de quatre. Il s’établit à 63 400 dollars en 2020.

Cependant, sur l’ensemble du XXe siècle, le PIB par habitant a augmenté moins vite que le PIB global :

  • - Si l’on considère sa croissance annuelle moyenne par décennie, la croissance du PIB par habitant était ainsi très faible au début du XXsiècle, ne dépassait pas 2 %.

- À partir de 1940, la croissance moyenne du PIB par habitant se situe au-dessus de 2 % jusqu’en 2000. On remarque cependant que le PIB par habitant a été plus affecté que le PIB global par les grandes crises de la deuxième moitié du XXe siècle. Il se contracte de 1,5 % lors du premier choc pétrolier de 1974, puis de 1,4 % en 1980 et de 2,7 % en 1982, consécutivement au second choc pétrolier. En 1991, à la suite de la Guerre du Golfe, le PIB par habitant se contracte de 1,4 %.

- Au XXIe siècle, lors de la crise des subprimes, le PIB par habitant se contracte de 3,4 % en 2009, contre une contraction de 2,5 % du PIB global. Enfin, en 2020, le PIB par habitant se contracte de 4 %, contre 3,5 % pour le PIB global.

Finalement, la croissance américaine a donc ralenti au XXIe siècle, après soixante années de très forte augmentation tirée par la consommation des ménages, qui se sont endettés pour cela. À partir de la fin des « trente glorieuses », la croissance du PIB français est devenue inférieure à celle des États-Unis, qui a été maintenue à flot par la consommation à crédit et le financiarisme.

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