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L'euro, au plus bas depuis 20 ans

La fin de l’euro ? Vers une explosion de la monnaie unique ? Les inquiétudes se multiplient, et pour cause : les différentes crises actuelles font que le monde financier connait à présent des mouvements monétaires d’ampleur, touchant en particulier l’euro et alimentant une inflation déjà très importante.

Graphe Économie
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publié le 01/08/2022 Par Olivier Berruyer
L'euro, au plus bas depuis 20 ans
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On se rappelle des déclarations martiales du 1er mars dernier de Bruno le Maire : « Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie […] Les sanctions […] sont d'une efficacité redoutable […] le rouble s'est effondré de 30 % […] Nous allons donc provoquer l'effondrement de l'économie russe. »

En réalité, ces sanctions n’ont eu un effet négatif que pendant quelques jours : la Russie a pris des contre-mesures, et le rouble est rapidement remonté, dépassant même largement son niveau d’avant la guerre. Nous analysions cela plus en détail dans un article consacré aux effets économiques des sanctions contre la Russie.

En revanche, là où les décisions des dirigeants de l’UE ont été très efficaces, c’est pour alimenter une crise qui a fait « s’effondrer » la valeur de l’euro, lequel a perdu 20 % en quelques mois, le ramenant à un niveau inconnu depuis 20 ans. Il se dirige vers la parité avec le dollar, qu’il n’a pas atteinte depuis juillet 2002. En effet, à ce jour, un dollar équivaut à 0,98 euro, contre 0,85 il y a un an.

Si cela peut aider certains exportateurs, sont en revanche fortement pénalisés les importateurs, ce qui aggrave encore et toujours l’inflation rongeant le pouvoir d’achat des Français.

En réalité, si on recalcule une valeur théorique de l’euro avant 1999, ce niveau n’a été atteint, brièvement, que deux fois en 50 ans, lors des crises du début des années 1980 et 2000. Autrement dit, ce type d’évènement n’a rien d’anodin, et présage de grande difficulté pour la suite. Les indicateurs de crises ne cessent de se succéder depuis quelques mois, et le manque de réaction du personnel politique a de quoi interroger.

Le dollar, au plus haut depuis 20 ans

Comme le dollar est, pour le moment, la monnaie internationale, nous avons créé un « Dollar Index » afin de pouvoir jauger l’évolution réelle du dollar à partir d’un panier de différentes monnaies. On constate alors que le dollar est au plus haut depuis 20 ans, poursuivant sa tendance globalement haussière entamée en 2011 lors du début de la crise de la zone euro. Cela signifie que nous payons donc nos importations hors zone euro de plus en plus cher.

Sur longue période, le dollar reste assez nettement au-dessus de sa tendance moyenne (qui est d’environ 1,10 dollar pour 1 euro). Cette tendance est par ailleurs également orientée à la baisse : le dollar était plus fort dans les années 1970-1980. C’est probablement une conséquence des importants déficits commerciaux récurrents des États-Unis et de la création à outrance de dollars par la banque centrale américaine depuis 2008.

Des monnaies émergentes globalement à la baisse

Depuis l’abandon des accords de Bretton Woods en 1971 — un système de change fixe dans lequel les devises internationales étaient définies par rapport au dollar, lui-même basé sur l’or — les monnaies internationales fluctuent en permanence. Chaque pays a alors la possibilité de mener la politique monétaire qu’il souhaite, à l’exception des pays de l’Union européenne, qui ont adopté l’euro depuis 1999, géré par la Banque Centrale européenne (BCE).

Au cours des 15 dernières années, la livre sterling s’est très fortement dépréciée par rapport au dollar, encore plus que l’euro. Le Yen s’était fortement apprécié jusqu’en 2013, avant de revenir à son niveau de départ. Et le Franc suisse est globalement stable depuis 10 ans.

Rongées par des inflations endémiques, les monnaies du brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud se sont nettement dépréciées depuis 15 ans.

Cependant, le phénomène le plus marquant est la grande stabilité de la monnaie chinoise depuis 30 ans, malgré une très forte croissance. Mais il n’y a aucun miracle, car c’est le gouvernement qui fixe sa valeur, à l’évidence trop basse, par le biais d’un contrôle des changes sévère. Même si la monnaie chinoise s’est appréciée récemment, sa politique monétaire qui favorise ses exportations est considérée par certains comme une concurrence déloyale.

L’arbitre final : l’or

Les analyses précédentes ont une limite, car elles comparent toujours une monnaie par rapport à une autre monnaie, ou à plusieurs monnaies. Ces analyses doivent être complétées par une comparaison des monnaies par rapport à un actif réel. Et lequel serait plus approprié que l’or, qui est resté la référence ultime jusqu’en 1971 (étalon de change-or).

Ce n’est qu’ainsi qu’on peut se rendre compte de la perte continuelle de valeur de toutes les monnaies en raison, en particulier, de l’inflation. On constate ainsi que toutes les monnaies mondiales se sont dépréciées par rapport à l’or de 60 % à 80 % depuis 2006.

En conclusion, les politiques menées depuis le début de l’année ont conduit à une forte dépréciation de l’euro et à une forte appréciation du dollar. Il est à craindre que ce mouvement baissier se poursuive en raison de la persistance de l’inflation, que la BCE se refuse à combattre sérieusement, comme nous l’avons vu dans cet article. Compte tenu de ce cercle vicieux, cette baisse supplémentaire de l’euro alimentera de plus belle l’inflation.

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