La financiarisation de la nature s’accélère au prétexte de la préserver, entraînant par la même occasion de multiples risques économiques, sociaux et géopolitiques. Frédéric Hache, co-fondateur de L’Observatoire de la finance verte, après avoir travaillé pendant 12 ans en salle des marchés avant d'œuvrer au sein de l’ONG Finance Watch, suit de près les fausses solutions de marché appliquées aux politiques environnementales. Il en détaille les méthodes, les visées ainsi que le lexique et esquisse un chemin alternatif.
Laurent Ottavi (Élucid) : La « finance verte » serait-elle aujourd’hui une variante du « développement durable », c’est-à-dire une fausse alternative à une croissance vorace en ressources ?
Frédéric Hache : C’est en effet chaque jour un peu plus vrai. La grande majorité des gouvernements actuels sont prêts à agir contre le réchauffement climatique et la destruction de la biodiversité, mais seulement dans la mesure où cela ne nuit pas à la croissance économique et à la compétitivité des entreprises. Autant dire qu’ils n’agissent qu’à la marge, un renoncement camouflé par de fausses solutions, sans efficacité, qui visent à maintenir le statu quo. Dans le cas du changement climatique, les politiques environnementales contraignantes sont ainsi exclues au profit de l’instauration de marchés où s’achètent et se vendent des permis d’émettre des gaz à effet de serre. Depuis qu’ils existent, c’est-à-dire 2005, leur bilan écologique est un échec total.
Élucid : Pouvez-vous expliquer le premier type de marché carbone qu’est le système d’échanges des quotas d’émission de l’Union européenne ?
Frédéric Hache : Il fonctionne à travers deux mécanismes. Le premier est la réduction des permis de polluer émis, censée faire baisser mécaniquement les émissions. Or, le nombre de permis est toujours supérieur à celui des émissions réelles, d’autant plus qu’on a autorisé pendant une période l’usage de quotas du protocole de Kyoto en supplément. C’est un choix politique de privilégier la croissance et la compétitivité. L’autre mécanisme par lequel ce marché pourrait fonctionner est le signal-prix. L’idée est que l’augmentation du prix sur la tonne de CO2 pourrait inciter les entreprises à changer de technologies et de sources d’énergie. Cela requiert non seulement que le prix demeure élevé, mais aussi la confiance dans le fait que la tendance haussière perdure.
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