« Il existe déjà un Evergrande dans l’industrie automobile, mais il n’a pas encore explosé », assénait le 23 mai dernier Wei Jianjun, président de Great Wall Motor. Valorisée à 50 milliards de dollars en 2017 à son apogée, Evergrande, la plus grande société immobilière chinoise, a été radiée de la bourse de Hong Kong durant l'été. Dans le secteur automobile chinois, c'est le constructeur BYD (Build Your Dreams) qui flirterait désormais avec la banqueroute. Li Yunfey, le directeur des relations publiques du groupe, a répliqué au quart de tour : « Il n’y a pas d’Evergrande de l’automobile ! […] Toute déclaration dénigrant les véhicules électriques chinois est inacceptable ! ». Son empressement à répondre soulève quelques interrogations. L’Atelier du monde, ce rouleau compresseur invulnérable qui devrait bientôt écraser les fleurons européens de l’automobile, ne serait-il en réalité qu’un simple mirage dissimulant une bulle sur le point d'éclater ?
« Je souhaiterais poser publiquement quelques questions à certaines forces malveillantes qui cherchent à manipuler l’opinion publique, y compris les instigateurs, les médias biaisés et les commentateurs rémunérés ». Quitte à surréagir aux propos chocs de Wei Jianjun, le porte-parole de BYD ne fait pas dans la dentelle. Passé l’instant de stupeur, un point s’impose. Comment le président de GWM peut-il critiquer de la sorte le porte-étendard de l’industrie automobile chinoise sans en craindre les conséquences ? Ce secteur – avec les batteries et les panneaux solaires – est au cœur de la stratégie de Pékin pour surmonter l’effondrement de l’immobilier (1). Sans surprise, les pressions sur les médias se sont intensifiées, les nouvelles économiques se doivent d’être « positives », spécialement pour le secteur immobilier.
La phrase assassine du président de GWM ne colle pas avec la ligne de l’État-parti, du moins au premier abord. Insinuer qu’un nouveau Evergrande est en cours paraît d’autant plus suicidaire que Xi Jinping appelle régulièrement à « renforcer la confiance des citoyens chinois dans le Parti ». Mais en montrant du doigt les excès « malsains » d’un secteur où les entreprises croulent sous les stocks et l’endettement pour au final vendre leurs produits quasiment à perte, on serait tenté de dire que Wei Jianjun respecte à la lettre les directives de Pékin.
La croissance démesurée sinon anarchique de l’industrie automobile chinoise a atteint ses limites, les capacités dépassent la demande locale et internationale. Paradoxalement, cette surproduction en devient improductive. Une inévitable guerre des prix en découle, les marges s’effondrent et les faillites s’enchaînent. De sorte que Xi Jinping lui-même a décidé d’y mettre un bon ordre.
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