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Depuis quarante ans, la masse monétaire en circulation aux États-Unis augmente continuellement. Mais cette croissance de la masse monétaire s’est notablement accélérée au cours des deux dernières décennies, en raison des politiques monétaires menées par la Réserve Fédérale américaine face aux crises économiques. En 2020, la crise du Covid-19 n'a fait qu'accentuer cette tendance.

Au début de l’année 1980, la masse monétaire américaine au sens large (M3) était de 6 400 milliards de dollars. Mais le montant de cet agrégat n’est plus calculé par la FED depuis le début de l’année 2006, on peut donc se baser sur un agrégat plus restreint (M2), l’épargne des ménages, pour évaluer la croissance de la masse monétaire jusqu’à nos jours.


Ainsi, l’agrégat M2 est passé de 5100 milliards en 1980 à 21 300 milliards de dollars en octobre 2021, soit une multiplication par quatre en 40 ans. Mais cette augmentation de la masse monétaire n’est pas linéaire depuis quatre décennies.


En considérant des données corrigées de la croissance et de l’inflation, on remarque que la masse monétaire américaine a baissé quasiment en continu entre juin 1987 et mars 1998, avec un pic négatif de -6,1 % sur un an entre décembre 1993 et décembre 1994.
Puis, entre 1995 et 2009, M2 recommence à croître sensiblement. Ceci est en partie dû à la politique monétaire de la banque centrale américaine (FED), qui abaisse son taux directeur de 6 % à 1 % entre 2001 et 2003, pour lutter contre le risque de déflation, à la suite de l’explosion de la « bulle technologique » de mars 2000. Elle le maintient ensuite à ce niveau pendant douze mois, avant de le rehausser à 5 % en 2005. Cette politique monétaire engendre donc une croissance de la masse monétaire entre janvier 2001 et novembre 2003, avec un pic de croissance de 8,4 % sur un an en décembre 2001.


En 2009, la crise des subprimes pousse de nouveau la FED à intervenir. Entre 2008 et mi 2009, elle abaisse son taux directeur proche de 0 % et fournit 1750 milliards de dollars aux banques et investisseurs financiers, en leur rachetant les créances subprimes. La masse monétaire (M2) augmente donc entre mars 2008 à janvier 2010, avec un pic d’augmentation jusqu’à 15,2 % sur un an entre juin 2008 et juin 2009.
Cela marque le début de la politique de quantitative easing de la FED, qui dure jusqu’en octobre 2014 et engendre l’augmentation quasiment continue de la masse monétaire sur cette période. Trois politiques de Quantitative easing successives sont menées : Q1 de 2008 à mi-2009, Q2 de novembre 2010 à juin 2011, puis Q3 de 2012 à octobre 2014.
En 2020, la pandémie mondiale provoque une augmentation spectaculaire de la masse monétaire, notamment en raison des mesures décidées par la FED. La banque centrale américaine abaisse en effet son taux directeur entre 0 % et 0,25 % et rachète plus de 1300 milliards de dollars de bons du Trésor entre le 15 mars et le 22 avril 2020. Cette injection de liquidités fait augmenter M2 de 34,2 % sur un an, entre juin 2019 et juin 2020. La FED continue ensuite son rachat mensuel de 120 milliards de dollars de bons du Trésor américain jusqu’au mois de novembre 2021, à partir duquel elle réduit le montant de ce rachat de 15 milliards de dollars par mois.
Depuis 2009, la préférence pour l’épargne liquide
L’analyse du taux d’évolution de la masse monétaire par sous-agrégats permet de voir la préférence des agents économiques pour de la monnaie plus ou moins liquide. Le graphique ci-dessous fait ainsi apparaître un renversement de tendance dans la préférence des ménages et des entreprises américaines, qui depuis une décennie sont davantage attirés par une épargne très liquide.
En effet, entre avril 1995 et octobre 2008, la croissance annuelle moyenne du sous-agrégat M2-M1 était supérieure à la croissance de M1, représentant la monnaie la plus liquide. C’est à partir de 2009 qu’une dynamique différente s’installe et les agents économiques américains se mettent à préférer la monnaie très liquide. Entre 2009 et 2020, la croissance de M1 est supérieure à celle de M2-M1.


En avril 2020, avec le nouveau programme de Quantitative Easing lancé par la FED, la croissance de M1 a été portée à 29,6 % sur un an, contre une croissance de 16 % pour M2-M1. L’épargne américaine tend donc bien à devenir de plus en plus liquide. Cependant, en mai 2020, la Fed intègre les comptes sur livrets — comptabilisés dans l’agrégat M2-M1 — à l’agrégat M1. Il sera donc désormais plus difficile de mesurer la préférence des agents économiques américains pour la liquidité monétaire.