Ancien Gouverneur de la Banque de France, Jacques de Larosière analyse les dérives des politiques monétaires nourries par l'aveuglement idéologique de nos "élites". Dans cet entretien exclusif réalisé par Olivier Berruyer en 2013, il raconte comment la stabilité des changes a été sacrifiée au profit de la libre-circulation des capitaux, et s'inquiète devant le développement de bulles immobilières et financières.
Jacques de Larosière (1929) est un banquier et un haut fonctionnaire français. Il a notamment occupé les postes de Directeur du Trésor (1974-1978), Directeur général du FMI (1978-1987) et Gouverneur de la Banque de France (1987-1993).
Olivier Berruyer : M. de Larosière, quel regard portez-vous sur la crise actuelle ?
Jacques de Larosière : Le monde a beaucoup changé depuis une quarantaine d’années, et à mon sens, il n’a pas changé en mieux, notamment en ce qui concerne la dérive vers le déficit budgétaire. Ce mécanisme, qui a commencé dans les années 1970, n’a cessé de s’approfondir. Le phénomène d’endettement qui en a résulté n’est pas une bonne chose pour nos sociétés. C’est une dérive préoccupante, parce qu’elle implique toujours plus d’endettement.
En effet, les pays industrialisés sont arrivés autour d’une dette publique supérieure à 100% du PIB. Et au-delà d’un certain seuil critique – que les économistes mettent autour de 70-75 % – on observe systématiquement une baisse de la croissance résultant de l’absorption des ressources par le service de la dette. C’est donc le Trésor qui préempte, tous les jours, ce dont il a besoin pour se refinancer et faire face aux nouveaux soldes débiteurs.
« On a sacrifié la stabilité des changes au profit de la liberté des mouvements de capitaux. »
Olivier Berruyer : Comment ce mécanisme d’endettement a-t-il démarré à la fin des années 1970 ?
J. de Larosière : À mon sens, le phénomène trouve ses origines dans la fin de l’étalon dollar issu du système de Bretton Woods. Dès lors que le lien entre le dollar et l’or a été rompu, la politique économique et monétaire américaine n’a plus eu besoin de se contrôler. À partir du moment où toutes les monnaies ont été flottantes les unes par rapport aux autres, il y a eu le sentiment qu’on s’était « libéré ».
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